Depuis mi-Mars, Erin s'était plongée à corps perdu dans les révisions de ses BUSE. Mais pas seulement. Elle avait essayé de contacter sa tante à plusieurs reprises dans l'espoir d'avoir quelques nouvelles. Ses courriers étaient malheureusement restés sans réponse. Nina, sa petite soeur était tout aussi inquiète du sort de leur frère. Mais elle restait beaucoup plus discrète sur le sujet et parfois, demandait à Erin de se montrer patiente. Patiente ... comment être patiente quand ça faisait des mois qu'elle était sans nouvelles ?

Erin essayait de ne pas s'imaginer le pire. Mais Lana ou Sven n'osaient pas lui dire le fond de leur pensée. Joren avait disparu depuis le mois de Janvier en prenant la direction de terres magiques, réputées dangereuses au sein de la communauté sorcière. Il fallait bien se rendre à l'évidence ; Joren était mort. Mais il était hors de question pour Erin de penser ainsi. A Poudlard, elle se sentait prisonnière. Elle avait l'impression que ses investigations ne menaient nulle part et que son seul moyen de découvrir quoique ce soit au sujet de son père ou de son frère, se retrouvait entre des lettres restées sans réponses.

Alors, elle s'était murée dans le travail. Mais pas seulement, elle avait aussi décidé de reprendre contact avec @Amore Marcovaldo et passer un peu plus de temps avec lui. Suite à leurs pérégrinations dans le cimetière de Irondale, leur lien s'était en quelque sorte réparé. Erin était prête à faire des efforts, mais Amore devait en faire de son côté également. Hors de question qu'elle redevienne la cible de ses frasques et de ses piques incessants. Il n'était pas une bonne personne, mais Erin savait qu'au fond, il ne se donnait qu'un genre.

Elle avait trouvé une salle d'étude tranquille où poser ses affaires et réviser le chapitre de Métamorphose le plus compliqué du programme. Avec sa baguette d'Aubépine, Erin n'était pas très forte dans l'utilisation des sorts. Et la Métamorphose était avant tout une matière pratique avant d'être théorique. Elle misait tout sur l'apprentissage de l'histoire du sort, de sa complexité ou des effets. Mais elle n'osait presque plus toucher à sa baguette. C'était beaucoup trop aléatoire. Celle-ci était soigneusement posée à côté de plusieurs rouleaux de parchemins.

Ca faisait maintenant plusieurs heures qu'elle révisait, le nez plongé dans ses fiches, lorsque la porte de la salle d'étude grinça sur ses gonds. Emile McRaven apparut, tout sourire, deux tasses de chocolat chaud flottant derrière lui. Erin releva la tête et lui sourit également. Ses cheveux bruns étaient attachés à l'aide d'un crayon rouge en un chignon négligé dont s'échappait plusieurs mèches rebelles. Ses joues étaient rosies par les heures d'intense bachotage et sa chemise était remontée jusqu'aux coudes tant elle avait chaud. Pourtant, Erin était emmitouflée dans la grosse écharpe qu'Emile lui avait tricoté pour ses 16 ans. Elle pouvait encore sentir son odeur lorsqu'elle plongeait ses narines dans les mailles en laine.

- Oh merci Emile !

La tasse se posa doucement devant elle et Erin s'empressa d'y poser ses doigts autour de l'émaille. Bien que dehors les températures s'adoucissaient, l'intérieur du château restait froid. Il fallait certainement attendre la mi Avril, voire la fin Avril pour se défaire des pulls et des écharpes. Erin leva ses yeux sombres vers Emile qui venait de prendre place en face d'elle. Depuis son anniversaire et leur échange de baiser, elle ne savait plus trop comment se comporter avec lui.

Ils se voyaient en cours, mais n'échangeaient que des litanies sans intérêt. Ils n'avaient pas creusé la véritable question : où en étaient-ils ? Car même si Emile avait été clair depuis le début sur ses sentiments envers Erin, ce n'était pas le cas de la Serpentard. Aussitôt après ce baiser pourtant bien clair, elle s'était réfugié dans les bras de Javier. Si elle le pouvait, Erin aurait bien partagé son amour pour ces deux garçons. Avoir une double vie et leur donner toute l'affection du monde. Sauf que ce n'était pas possible. Emile et Javier étaient irrémédiablement des êtres opposés et ne s'appréciaient pas du tout. Erin en avait bien conscience. Et avouer ses sentiments à Emile, voulait dire faire un choix. Prendre une position définitive.

Etait-elle prête à abandonner son histoire avec Javier ? Comment le prendrait-il ? Il lui avait proposé un week-end chez sa tante, en amoureux, rien qu'à deux et elle avait dit oui. S'il savait ce qu'elle éprouvait pour Emile, Javier le prendrait mal. Très mal. Et elle redoutait de sa réaction. Légèrement contrit, elle entortilla son indexe dans une mèche rebelle, signe de malaise.

- Tu ne révises pas toi ? Les BUSE sont dans deux mois ... ça passe vite, tu sais. Puis, ça me permet de m'empêcher de trop penser ... je veux dire, de me concentrer sur les révisions. Avec les histoires de braconnage, de mon père et tout le reste ...

Avait-il entendu parlé de la petite manifestation qu'elle avait organisé dans les couloirs deux jours après son anniversaire ? Une manifestation qui ne s'était pas forcément bien terminé, lutte entre garçons et filles, dénonçant le monde patriarcale et machiste dans lequel ils évoluaient. Elle but une gorgée du chocolat chaud et sourit instantanément après que la saveur sucrée du chocolat inonde son palais.

- Tu as raison, ça fait vraiment du bien.

Lorsqu'elle croisait le regard d'Emile, son coeur s'emballa. Elle le trouvait terriblement mignon et de plus en plus beau. Mais le visage de Javier venait à chaque fois ternir son image et Erin secoua la tête comme pour retomber dans la réalité.

- Je révise la métamorphose ... le sortilège de transfert. Il est vraiment très complexe et la définition est indigeste.

Une banalité balancée comme ça, histoire d'éviter le véritable sujet.

Erin, douce et belle Erin, cruelle Erin aussi...

Elle pourrait faire ce qu'elle souhaite de lui, il le savait, elle pourrait demander n'importe quoi, il accepterait sans hésiter. Son amour pour elle n'était que plus fort depuis qu'elle avait accepté son baiser. Un détail le chiffonait cependant, depuis lors, il n'y avait eu rien de plus. Émile baignait dans son jus, patientant, attendant une réaction, un retour, une parole ou un geste destiné soit à l'encourager, soit à le repousser définitivement. Mais il n'y avait eu rien de tout cela. Erin continuait à se vautrer dans les bras de Javier en jouant cruellement avec les sentiments d'Émile qui attendait désespérément qu'elle prenne sa décision. Cela faisait déjà plusieurs mois qu'il lui avait annoncé ses intentions, qu'il lui avait déclaré son amour pour elle. Depuis, rien. Il n'y avait pour elle que Javier, et Émile à côté de cela n'était sans doute qu'un jouet qu'elle jetait une fois lassée. Émile savait qu'il devait lui aussi prendre une décision de son côté. Soit il la laisse, soit il continue. Il savait déjà qu'il choisirait la deuxième possibilité.

Le jeune homme tendit la tasse de chocolat et Erin le remercia avec ce sourire qui le faisait fondre à chaque fois. Il s'assit face à elle, sortant ses propres affaires de cours. Elle lui demanda s'il revisait. Il haussa les épaules et dit, avec un triste sourire : Je le fais quand j'ai un moment... En ce moment j'ai trouvé un bon rythme. Je devrais pouvoir terminer d'aider mon père d'ici quelques mois. Les Buses seront passées certes, mais je ne peux pas le laisser tomber à cause d'un examen. Je compte tout mettre sur les matières où je me sens le plus à l'aise, comme les soins aux créatures magiques par exemple... Pour le reste... Je ferais de mon mieux.... Avec ce que j'ai.. Elle lui dit que, pour sa part, les révisions l'empêchaient de penser aux histoires de braconnage et à son père. Émile hocha la tête et lui souffla : Oui, je comprends, ce n'est pas facile... Ce n'était décidément pas une période facile pour tout le monde. Andrew, Émile, Erin... Chacun à sa façon affrontait les jours à venir avec courage et détermination, même quand la fatigue les faisaient flancher.

Elle levait les yeux vers lui, lui souriait, semblait rougir. À quoi pensait elle ? Pourquoi se comportait elle ainsi ? Émile sourit à son tour. Elle balança une nouvelle banalité, et Émile comprit qu'elle essayait d'éviter le sujet. Enfin, c'est ce qu'il pensait. Si ça se trouve, elle pensait réellement à la métamorphose... L'adolescent répondit : Ouais, c'est compliqué, j'ai du mal aussi... Il décida enfin de mettre les choses à plat et il lui dit, en se penchant vers elle, sur un ton bas : Erin... Est ce que j'ai fais quelque chose de mal ? Depuis... Depuis la dernière fois, c'est a peine si on s'est parlé et... Nous n'avons pas reparlé de ce qu'il s'est passé. Cela a beaucoup compté pour moi... Tu sais... Il craignait de n'être au final qu'un passe temps pour elle. Il avait peur de cela, de n'être au final qu'un jouet en attendant de retrouver le prince charmant... Il devait s'en assurer. Si c'était vraiment le cas, alors Erin ne pourrait plus compter sur lui, pas même sur son amitié. Émile était gentil, certes, mais il ne supportait pas qu'on se moque de lui.

Erin trouvait toujours qu'Emile se rabaissait. Il était beau, brillant, gentil et avait ce petit quelque chose qu'elle trouvait terriblement mignon. Cette relation avec son père ... elle trouvait ça touchant. Il était totalement opposé à tout ce que représentait Javier. Alors c'était étrange qu'elle ne puisse pas faire son choix. Mais elle aimait les deux garçons. Bien sûr, dans un monde idéal, elle se dédoublerait et profiterait pleinement des deux. Mais malheureusement, dans le monde réel, ce n'était pas le cas. Officiellement, elle était la petite amie de Javier Stein. Et peu de monde comprenait ce choix. Lana, Sven, Aymeric, Perry et même Emile ... personne ne comprenait pourquoi elle continuait à fréquenter un garçon aussi centré sur lui même.

Mais Erin connaissait la part de bonté que Javier s'efforçait de camoufler sous des airs de bad boy. Et elle avait du mal à renoncer au sourire narquois, à la petite boucle d'oreille qui lui donnait des airs de rebelle et à sa force de caractère qui le rendait tant attirant. Pourtant, elle avait rendu le baiser d'Emile le jour de son anniversaire. Emile était toujours bourré de bonnes intentions et elle le connaissait depuis la première année. Javier, lui, avait posé ses valises en début d'année ... alors pourquoi Emile ne mériterait pas plus sa chance ? Il connaissait Erin mieux que quiconque dans ce maudit château. Javier, n'était qu'un arriviste qui entravait sa route et sa conquête.

Elle releva les yeux de son manuel de métamorphose lorsqu'Emile lui demanda s'il avait fait quelque chose de mal depuis les derniers évènements. Le coeur d'Erin s'emballa. Elle avait eu le maigre espoir de ne jamais en reparler. Qu'il soit assez patient pour qu'elle puisse gérer toute cette affaire à sa manière. Mais Emile était quelqu'un de très patient. Et peut-être un peu trop. Il était même étonnant qu'il ne soit pas venu foutre un poing dans la tronche de Javier pour récupérer Erin ... mais ça n'aurait probablement pas été très efficace. Elle ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Elle avait simplement envie de fuir ce moment, qui quelques secondes plus tôt était si doux et agréable.

- Ecoute ... tu n'as rien fait de mal ...

Elle sourit et posa une main sur celle d'Emile. Ce contact provoqua une sensation étrange en elle. Comme la première fois que Javier l'avait embrassé. Elle ne pouvait donc pas nier qu'Emile lui faisait de l'effet.

- C'est juste que ... je suis avec Javier, Emile. Et donc ... c'est compliqué. Tu comprends ? Je ... j'ai essayé de le lui dire ...

Faux. Mensonge. Elle n'avait rien dit à leur sujet. Elle l'avait déjà vu s'emporter, frapper un mur et elle n'osait imaginer la colère de celui-ci, si elle lui avouait avoir batifolé avec Emile en haut de la tour d'Astronomie.

- Je voulais t'en parler, mais y'a eu les cours, et les devoirs ... les révisions et puis j'avoue ne pas avoir eu le temps.

Le temps, elle l'avait passé avec Javier. Et pourtant, combien de fois @Lana Wang avait poussé Erin à parler de tout ça avec Emile ? Erin aurait du pour une fois écouter sa meilleure amie. Car maintenant, Emile exigeait des explications. Il voulait comprendre pourquoi elle l'esquivait. Elle se trouvait toujours des excuses et c'était un peu cruel d'agir ainsi. Surtout pour le jeune Poufsouffle dont l'âme était probablement torturée. Mais Erin ne le voyait pas ainsi.

- Bon et bien ... c'est l'occasion d'en parler, là. Qu'est-ce que tu veux me dire ?

Elle prenait un peu la défensive, car elle avait l'impression qu'Emile lui reprochait de prendre ses distances avec lui. Alors que c'était totalement faux. Elle n'osait simplement pas prendre les devants et ni même le courage de faire un choix. Et au fond, ça l'agaçait.

Rien fait de mal ?

Alors pourquoi le faisait elle ainsi attendre ? Pourquoi ne disait il rien ? Pourquoi se comporter ainsi à son égard ? Émile avait toutes les raisons du monde d'être en colère. Elle acceptait son baiser, semblait lui faire croire qu'un avenir était possible entre eux, et voilà qu'elle allait se jeter dans les bras de son petit copain, l'embrassant sans aucune honte ni gêne après en avoir fait de même avec lui quelques temps plus tôt. Émile avait toutes les raisons du monde d'être en colère, oui, mais il n'y parvenait pas. Il devait savoir, il devait connaître les raisons d'un tel comportement à son égard. Si Erin avait décidé de jouer avec lui, il devrait prendre une décision qui serait hélas radicale. Émile n'aimait pas ça. Il appréciait Erin, sa beauté, ses cheveux, son franc parler, son intelligence mais il y avait une chose qu'il ne pouvait supporter chez elle : son indécision.

Elle lui dis donc qu'il n'avait rien fait de mal et lui demanda de la comprendre car elle était avant tout en couple avec Javier. Elle avait cependant essayé de lui dire. Lui dire quoi ? Émile leva un sourcil surpris, et se demanda si elle ne lui mentait pas. Elle l'avait déjà fait après tout. Il resta silencieux et elle lui dit ensuite qu'elle avait essayé de parler de ce qu'il s'était passé avec lui, mais avec les cours, les révisions... Elle n'en avait pas eu le temps. Émile fronça les sourcils avant de reprendre une expression plus sereine, digne d'Andrew, et il dit : "Ouais... J'ai entendu parler de ta petite manif dans les couloirs de l'école... Et puis il y a tes propres problèmes aussi. Je comprends que cela passe avant tout en priorité..." Et voilà qu'il se dénigrait encore. Il venait de lui dire littéralement que, quoi qu'il fasse, il passerait au second plan à ses yeux, et cela lui faisait mal.

Cependant, d'autres mots firent mal au jeune homme. Elle lui demanda, littéralement, ce qu'il avait à lui dire. Émile resta quelques secondes interdit, stupéfait. Comment ne pouvait elle pas se douter de ce qu'il allait lui demander ? C'était une question si naïve, si bête qu'il en restait bouche bée. Il secoua la tête, dépité, avant de se rendre compte qu'Erin était sur la défensive. Non.. Elle était loin d'être bête. Elle redoutait cette conversation. Émile décida d'y aller sans prendre de gants. Après tout, c'est sûrement ce qu'aurait fait Andrew. Le jeune homme commença alors : "Tu sais déjà ce que je ressens pour toi, Erin. Tu sais déjà que je suis amoureux de toi depuis un long moment. Tu as fais un choix, tu as choisi de rester avec Javier et je l'ai accepté. J'ai donc deux choses à te demander... Non. Trois. Je suis désolé, par avance, mes mots risquent de te faire mal, mais je ne peux plus rester ainsi. C'est trop difficile."

Il entoura la tasse de ses mains et demanda : "Pourquoi as tu accepté mon baiser ? Qu'est ce que tu attends de moi, qu'est ce que tu ressens pour moi ? Et enfin
.. Est ce que tu joue avec moi ? Si c'est le cas, je préfère te le dire tout de suite, cela ne va pas le faire. J'en ai assez bavé dans la vie pour servir de divertissement à une fille..."

Le mieux aurait été de devenir sourde. Ou de disparaitre. Erin n'aimait pas être confronté à des choix impossibles. Elle sentait bien qu'Emile perdait patience, qu'il avait besoin d'entendre de sa bouche ce qu'elle éprouvait pour lui. Mais mettre un mot sur leur relation changerait tout. Erin n'était pas certaine d'accepter ce changement de situation. Elle aimait cette histoire sans queue ni tête qu'elle vivait au travers de Javier et d'Emile. Mais elle savait aussi au fond, que jouer sur les deux plans, ne marcherait pas bien longtemps.

Mentir à Javier n'était pas une solution. Il finirait bien par découvrir l'entourloupe et leur histoire finirait en eau de boudin. Mais elle avait l'impression de l'aimer. De tenir à lui malgré ses défauts. Au final, tout ce qu'elle lui reprochait, elle l'appliquait au quotidien. Erin n'était pas une personne fiable.

Lorsqu'elle demanda à Emile le sujet de sa venue, elle espérait qu'il bredouille, fasse marche arrière et que sa timidité l'emporte sur tout. En le mettant mal à l'aise, il finissait toujours par laisser tomber. Et elle pouvait ainsi retomber dans ses travers. Sauf qu'aujourd'hui, Emile avait changé. Peut-être qu'avec toutes les histoires qu'il avait du affronter ces derniers temps, il avait pris un peu plus d'assurance. Ou tout simplement, il en avait marre de passer en second plan.

Il lui avoua d'une voix posée, mais sûre, qu'il était amoureux d'elle depuis longtemps. Et qu'il avait trois choses à lui demander. Erin posa ses yeux sombres sur lui d'un air inquiet. Son coeur se mit à battre plus fort dans sa poitrine et elle redoutait le pire. Pourquoi n'avait-elle pas le pouvoir d'une Demiguise ? Disparaitre doucement dans le décor pour éviter ce genre de conversation ? Elle ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sorti. Pourquoi avait-elle accepté ce baiser ? Parce que l'endroit était romantique, que le geste d'Emile l'avait profondément touché et ... parce qu'elle le trouvait beau. Que malgré tout, elle l'aimait.

Offusquée par sa dernière question, Erin se leva d'un bond.

- Quoi ?!

Elle considéra Emile avec un air sévère. Comme si c'était lui qui se jouait d'elle finalement. Il lui posait une sorte d'ultimatum dont elle n'était pas certaine de pouvoir faire front. Elle l'aimait. Elle ne voulait pas le voir filer et ne plus jamais se retourner. Ca lui ferait trop mal. Mais ne souffrait-il pas de la situation ? En y réfléchissant, il était légitime de poser ce genre de questions. Alors elle se ravisa, se calma, et se rassit.

- Emile ...

Elle cligna des yeux pour éviter de pleurer. Gênée par la situation, la jeune Ecossaise prit l'une de ses mèches rebelles entre ses doigts et commença à jouer avec. Entortillant son indexe dedans, tirant un peu dessus. Elle ne savait pas quoi répondre à Emile sans le blesser. Elle devait peser ses mots comme elle le faisait dans le journal de l'école. Réfléchie et diplomate. Sauf qu'elle était tout sauf ça. Beaucoup trop impulsive et têtue.

- Je peux répondre par tes questions une à une ?

Elle se mordit la lèvre inférieure. Emile lui répondit que oui. Ce qui lui importait, finalement, c'était d'avoir des réponses. Qu'importe la manière dont elle les lui donnait. Elle souffla fébrilement, comme si elle devait passer un oral devant un professeur exigeant.

- Je ... bon bah ... pour le baiser, je ... je sais pas. Enfin ... si je sais ! C'est juste que ... c'est délicat de dire ça comme ça ... enfin, Emile tu me prends au dépourvu là.

Elle sentait le rouge lui monter au joue. De gêne et de colère aussi. Pourquoi la mettait-il dans un tel embarras ? Elle se pencha vers lui en espérant que personne n'entende. Si quelqu'un rapportait cette discussion à Javier, ça finirait mal pour elle.

- J'ai accepté parce que c'était ... je sais pas, romantique ! Et que ... tu me fais quelque chose, voilà ! T'es content ? Et bien sûr que je ne joue pas avec toi, comment tu peux penser un truc pareil ? Je sais que tu en as assez bavé dans la vie, jamais je ne me permettrai d'être odieuse avec toi.

Sa main vint se poser sur celle d'Emile en espérant l'apaiser. Elle le gratifia d'un petit sourire.

- C'est juste que ... c'est compliqué. La situation est compliquée. Tu peux le comprendre non ? Je ne peux pas plaquer Javier du jour au lendemain. Ca ne se fait pas comme ça.

Si, clairement. Il suffisait qu'elle aille vers lui et qu'elle mette un terme à leur relation. Les couples qui se séparent, y'en avait tous les jours. Mais Erin aimait encore Javier et il lui était trop douloureux d'affronter une telle épreuve. Elle savait que la séparation ne se ferait pas dans la joie et la bonne humeur. Et pour ça, elle manquait cruellement de courage. Alors elle préférait patauger jusqu'à ce que la situation lui échappe.

- Je ne veux pas que tu me tournes le dos ... je tiens énormément à toi. Plus que tu ne peux l'imaginer.

Elle tourna son regard, gênée qu'il puisse la dévorer ainsi des yeux. En grandissant, Erin voyait bien l'effet qu'elle faisait aux garçons. C'était une jolie jeune femme et en même temps, elle se sentait encore terriblement enfant. Mais elle voyait bien que son corps et son attitude éveillait quelque chose chez les hommes que jusqu'à présent, elle ne connaissait pas. Tomber amoureuse, séduire, avoir un rapport charnel, c'était tout nouveau pour elle. Et avec Javier, elle se sentait guidée. Est-ce qu'Emile saurait faire de même ? Ou était-il tout aussi novice dans le domaine et perdu ?

Que répondre face à cela ?

Il pourrait dire qu'il avait eu ce qu'il voulait. Erin lui avouait qu'il lui faisait de l'effet, même s'il avait l'impression qu'il avait du lui arracher ces mots de la bouche. Elle hésitait, bredouillait, prétendait qu'il la mettait au dépourvu. Comme si c'était de sa faute... Bien entendu, il la poussait à se confier, à lui révéler la vérité sur leur relation, Émile ne demandait au final pas grand chose, même si cela semblait insurmontable pour la jeune fille. Il voulait savoir s'il devait continuer à tourner en rond ainsi, et il trouvait cela injuste, car il estimait n'avoir rien fait de mal. Il pencha la tête sur l'avant et lâcha un petit soupir. Il répondit : Je... Merci Erin... Cela me touche de t'entendre dire ça...

Elle prétendit ensuite qu'elle ne jouait pas avec lui, qu'elle ne se permettrait jamais de faire ça en sachant qu'il en bavait suffisamment dans sa vie. Émile fronça les sourcils. Alors pourquoi un tel comportement à son égard si elle avait finalement des sentiments pour lui ? Elle lui donna la raison et lui dit qu'elle ne pouvait pas quitter Javier comme ça. Sa main sur la sienne lui donna un frisson, et il ne savait pas comment prendre ce geste. Était il apaisant ? Était il sincère ? Il ne saurait le dire. Elle lui disait donc que c'était compliqué de quitter Javier du jour au lendemain. Émile rétorqua, l'air las et dépité : Et pourtant... Il ne suffirait que de quelques mots, Erin. Tu le sais autant que moi. Ce n'est qu'une question de volonté, et je sens que tu ne l'as pas.

Émile retira sa main de celle d'Erin avec un soupir. Elle lui avoua qu'elle tenait à lui et ne voulait pas qu'il lui tourne le dos. Émile resta quelques secondes, le regard baissé et finit par répondre, tout en essuyant des larmes de dépit qui naissaient au coin de ses yeux : Tu dis que c'est compliqué de quitter Javier, et tu dis que tu ne veux pas que je te tourne le dos. Tout ce que tu veux, en fait, c'est qu'on demeure ainsi, n'est ce pas ? Toi dans les bras de Javier et moi en train de me languir de toi à vos pieds. Je ne peux plus, Erin. Je vais te demander de faire un choix... Je tiens a toi, mais je n'en peux plus d'avoir mal, de t'attendre, de me faire des espoirs inutiles. Alors voilà ma condition, et je ne reviendrais pas dessus. Javier, ou moi. C'est tout. Il s'en voulait de la faire souffrir ainsi, mais il en avait marre car, dans cette histoire, c'était lui qui avait le plus mal. Erin, elle, profitait, s'amusait...Dans les bras de Javier qui n'avait qu'à sourire pour la faire pencher en sa faveur. Il acheva sur ces mots la : Erin, je me doute que tu dois avoir peur des répercussions, mais cela fait partie de notre apprentissage de la vie. J'ai appris cette dure leçon il y a bien longtemps. A toi d'en faire de même. Grandis. Il parlait sur un ton doux, malgré la dureté de ses mots. Il voulait la faire réagir avant tout, et pas retomber dans cette éternelle attente qui le rongeait.

Emile était tellement dur aux yeux d’Erin. Mais en même temps elle le comprenait. Ca faisait un petit moment qu’il espérait enfin qu’elle ne porte d’yeux que sur lui. Et elle se faisait rudement désirer. Mais Erin n’avait pas contrôlé son attirance pour Javier et malheureusement pour le Poufsouffle, l’hispanique avait été beaucoup plus entreprenant. Emile s’était contenté d’être jaloux. Si jaloux qu’il s’était finalement rapproché d’elle d’en l’espoir qu’elle ouvre les yeux. Emile avait du courage et une patience hors du commun. Erin le voyait bien. Il avait de nombreuses qualités et il était le genre de garçon avec qui elle ne souffrirait jamais. Un garçon honnête et respectueux. Qui lui fabriquait des cadeaux maison, avec le peu de moyens qu’il avait. C’était tellement touchant ! Et tous les soirs, Erin s’enveloppait dans l’écharpe aux couleurs de Serpentard qu’il lui avait tricoté pour son anniversaire.

Mais larguer Javier n’était pas aussi simple qu’il ne le disait. Quelques mots … Erin se mordit la lèvre inférieure, car en soit, Emile avait raison. Elle trainait et lui n’avait plus envie d’attendre. Dans un monde parfait, ils auraient été OK de la partager et elle aurait pu profiter des deux garçons. De la gentillesse et de la bonté d’Emile et du côté plus fougueux et entreprenant de Javier. En quittant l’un, elle perdait de nombreuses qualités. Car tout le monde blâmait Javier, mais Erin avait l’impression de le connaître mieux que quiconque dans cette école.

Elle évitait soigneusement le regard d’Emile. Elle sentait bien qu’elle l’avait profondément blessé en l’ignorant et en évitant de reparler de ce baiser. Elle s’était contentée de rejoindre Javier, de vivre sa petite vie de couple, comme si de rien n’était. Et pourtant … pourtant ce baiser l’avait tracassé. Elle n’avait pas dormi de la nuit, le soir de son anniversaire, puis les jours suivants. Une part d’elle en avait eu honte. Honte de tromper Javier, de lui cacher des choses, encore … et honte d’éviter Emile et de ne pas lui donner de réponse claire.

« Ca se voit que tu n’es pas à ma place … » souffla-t-elle dans un murmure.

Emile retira sa main et soupira. Elle ne vit pas qu’il essuyait une larme apparaissant au coin de l’œil. Les propos d’Emile qui suivirent retournèrent le cœur d’Erin. Il avait très bien compris la situation, mais elle n’aimait pas l’idée de lui donner raison. Et voilà qu’il lui donnait un ultimatum. Faire un choix … c’était si difficile. Mais au fond, elle y avait réfléchit plus longtemps qu’il ne l’imaginait.

« Mais Emile … »

Sa voix mourut dans un étranglement de gorge. Elle le considéra avec embarras et tristesse. Il ne comprenait pas que c’était compliqué pour elle ? Ne pouvait-il pas lui accorder un peu plus de temps ? Mais du temps, Emile lui en avait assez donné. Elle avait envie qu’on choisisse à sa place ou que tout se règle par un simple coup de baguette magique. N’existait-il pas un sortilège pour régler les histoires de cœur compliquées ? Les paroles d’Emile étaient si … sages. Il avait l’air d’avoir prit dix ans de plus. Elle mordilla le bout de son crayon, puis secoua la tête nerveusement.

« C’est facile pour toi de dire ça, tu ne dois larguer personne ! Donne moi jusqu’aux vacances d’Avril et je te promets de plaquer Javier. »

Elle le considéra un peu gravement.

« Oui Emile McRaven, je te choisis toi ! Alors arrête de faire cette tête et d’être moralisateur dès que tu n’obtiens pas tout de suite ce que tu veux ! »

Un brin culottée la Gibson. Emile tournait autour d’elle depuis bien plus longtemps que Javier et il avait assez attendu. Mais elle ne le voyait pas de cet œil. Pour elle, la déclaration d’Emile était plutôt récente et son intérêt pour le Poufsouffle également. Elle haussa les épaules et poussa un petit soupire.

« J’irai lui parler la semaine prochaine, promis. Mais tu connais Javier, il va certainement mal le prendre, donc je dois me préparer à toutes les situations. »

Elle se leva, rangea ses affaires et déposa un baiser sur la joue d’Emile.

« C’est une promesse et je compte bien la respecter. Tu le mérites après tout … tu as attendu assez longtemps. »

Une main se glissa sur l’épaule d’Emile. Il allait gagner son cœur, mais à quel prix ? Erin était à la fois heureuse, mais une boule d’anxiété lui tordait les entrailles. Elle n’avait jamais largué de mec dans sa vie et ne savait pas du tout comment s’y prendre. Si seulement Perry ne lui faisait pas la gueule … peut-être qu’elle aurait été de bons conseils ? Il n’irait certainement pas en parler à Lana, car elle savait que sa meilleure amie n’aurait aucune pitié pour Javier et qu’elle crierait juste « victoire » qu’elle ait enfin choisi Emile. Erin lui sourit.

« Je ferais mieux d’y aller … heu … le club de journalisme m’attends ! »

Non, elle voulait simplement fuir cette conversation et commencer à réfléchir … comment s’y prendre et pleurer également, la perte de Javier. Car n’empêche, elle savait que ça allait être douloureux.