Rowena & Loup & Dhole

Les trop nombreuses visites de la Cabane Hurlante en avait fait fuir l'humain. Trop de passages, trop de curieux.ses mais surtout, moins de tranquilité depuis que, les oreilles tendues, il avait entendu que l'on parlait de Lui. Sa présence ici n'était plus secrète et encore moins sécurisée désormais : certains venaient exprès pour Lui. Pour Le voir. Pour découvrir si la nouvelle légende à propos de la batisse était vraie. Pour découvrir son nouvel habitant. Un paumé. Un renard -le dhole n'était clairement pas connu dans le coin. Un animagus. Il avait de nombreuses identités dans les bouches des adolescents inconscients venant ici pour faire palpiter d'adrénaline leur coeur. Et ça ne lui plaisait pas. Rien ne lui plaisait tant que l'on connaissait son existence. Et ça l'était encore moins avec certains adjectifs entendus, certaines descriptions à son égard. Il n'y avait plus autant de Vael et de Galen. Plus de bons samaritains voulant prêter main forte à l'humain apeuré qu'était John. Pour certains, c'était de la curiosité sans empathie. De l'amusement pour d'autre. Mais ça restait innocent. Jusqu'à ce qu'une odeur de tabac froid et de feu de camp n'imprègne les nasaux du sorcier. Ce mélange fit se tapir l'homme dans son coin, sous les planches du sous-sol, désormais plus habilement caché que jamais. Aussi bien le trou par lequel il passait pour retrouver son coin que son amas de couvertures lui-même. A travers l'écart des planches, les yeux bleus suivaient les pas sur le plancher grinçant. La poussière glissante autour de lui -quand ça n'était pas sur son propre corps recroquevillé- aidait à comprendre le trajet de ce qui était sûrement un braconnier. On le cherchait. Le John en était persuadé. Aussi, après une heure à rester dans sa cachette, au cas ou le mage ne soit encore dans les environs, la décision de quitter cet endroit fut prise.

Il ne savait pas où aller. Mais il savait ce qu'il quittait. Aussi, la Cabane Hurlante connut un vol supplémentaire alors que le sorcier emportait avec lui quelques tissus emballés dans une pièce plus grande et plus ou moins nouée. Contournant Pré-Au-Lard en pleine nuit, faisant attention à ne croiser personne, ce fut un arbre dense croisé sur son chemin qui retint son attention pour y cacher ses affaires. La fatigue n'étant pas encore au rendez-vous, sous la peur du déplacement, sous la perte du pauvre repère juvénile qu'il quittait déjà, le sorcier préféra continuer à se déplacer. A observer tout autour. A découvrir -ou redécouvrir ?- certains endroits. Jusqu'à inévitablement retomber sur cette maudite odeur.

Le pas s'arrêta. Le coeur retournait dans son emballement. Il n'était pas loin de la Forêt Interdite; Il ne s'en était pas aperçu. L'envie de fuir le prit aussitôt, le faisant reculer de quelques pas avant de se figer. Le Dhole en lui se réveillait. L'envie animale repointait le bout de son nez. Il voulait sortir. Il hurlait à la vengeance. A la libération de ses compagnons. Egoïste envie de leur faire retrouver leur liberté pour retrouver la meute dans laquelle il s'était senti si bien. Pour réenfouir sa truffe dans leur fourrure. Retrouver cette chaleur à partager entre différents pelages touffus et doublés pour l'hiver. Il ne fallut pas plus de pensées pour que les os ne se broient pour se reformer, plus petits, plus légers, passant d'une carrière humanoïde à animale, perdant le trois quart de son poids. Le nez allongé, la tonsure rousse de retour, le regard déterminé vers la forêt, les pattes finirent par s'activer.

Le temps passait sans qu'il ne s'en rende compte. Les coussinets s'abimaient sans sourciller. A cette aventure, la paire d'yeux se dédoubla.  Aux pattes s'ajoutèrent des pieds qu'il avait déjà pourchassé. Aux grognements s'ajoutèrent des mots, bien humain. À cette nouvelle rencontre, à cette nouvelle chance, les oreilles s'étaient baissées, la queue s'était cachée; l'animal s'était incliné face à l'homme qu'il avait un jour attaqué avec le mental manipulé. L'excuse semblait être passée. Après tout, les grognements du dhole tournés vers les braconniers, au loin, semblaient avoir prouvé au Loup qu'ils pourraient former une même équipe, qu'ils avaient un même but. Alors les regards n'étaient plus rivaux. Cet Homme, chassé un jour passé, était désormais allié. La masse rousse, plus docile mais pas pour autant soumise, se faisait désormais sage à ses côtés bien que la distance perdurait entre eux. La méfiance était encore là, c'était normal. Le côté sauvage restait, la peur de retrouver la baguette pointée sur lui rejaillissait. L'humain retourné au plus profond du corps animal, qui avait retrouvé quelque part cette chaleur interne et confortable, surveillait aussi, aux aguets. L'Homme garderait toujours une pointe sombre au plus profond de lui. Il ne suffisait que d'une étincelle pour mettre le feu aux poudres. John la connaissait bien, cette étincelle de folie qui pouvait sacager bien des situations. Mais pour l'heure, il fallait faire avec. A distance, mais pas trop.

Même si elle disparaissait, petit à petit avec le temps qui défilait. Les mètres devenaient des dizaines de centimètres jusqu'à n'en devenir qu'une poignée, permettant au Loup de murmurer à son compagnon de mission après de nombreux jours passés ensemble. Les billes noires passèrent de la scène de campement au regard si proche de l'Autre, avant de retourner sur sa cible de départ, s'allongeant. Il patienterait. L'équipe n'avait que trop besoin d'être unie pour se débarrasser de la vermine et pour sauver les confrères du poilu. Et le Dhole poursuivait aisément les demandes qui lui étaient faites, se joignant à la logique intérieure de John. C'était rassurant quand les deux sorciers se rejoignaient sur la méthode à suivre. Le plan était travaillé, le résultat était propre, comme en témoignait un braconnier solidement attaché après une première attaque. Le Loup respectait la vie et ne se montrait pas indigne. Jusqu'à la Fameuse Etincelle.

Le cri aigu avait traversé les différentes allées d'arbres, illuminant soudainement le regard de l'homme, le faisant disparaitre dans un Crac sonore. Une fraction de secondes plus tard, les pattes commencèrent une course vers les bruits et plaintes qui commencèrent au loin.

Le champ de bataille faisait rage et le Loup était sorti de ses gonds. Le Dhole ne le reconnaissait plus mais pour l'heure, la vision des boucles blondes avait réveillé dans le poitrail de la bête cette envie de se joindre à ce combat. Pour protéger l'enfant qui s'était montrée aussi douce que ses caresses prodiguées à l'animal fatigué et blessé, plusieurs semaines auparavant. Un lien plus fort semblait avoir alpagué le sorcier à ses côtés, mais qu'importe, il n'était pas temps de s'y intéresser. Le combat était lancé, de manière bien brouillonne cette fois.

Tous comme les sortilèges qui fusaient, faisant frémir John intérieurement, faisant sursauter le Dhole. Certains venaient des braconniers. D'autres semblaient provenir de l’acolyte. Peut-être se trompait-il, les sortilèges étaient en pleine effusion et le dhole cherchait plus à comprendre la trajectoire finale que son point de départ. Les détails seraient à comprendre plus tard.

Le dhole couina et grogna par intermittence dans ses attaques. Dans ses crocs qui s'enfonçaient dans les chaires dodues des mollets ou sur les doigts squelettiques pour faire lâcher baguettes et cris. L'attaque en duo -bien qu'ayant commencé sans l'animal- portait ses fruits, faisant tourner la tête à leurs assaillants, leur faisant perdre leur domination par leur nombre avantageux. Le sang fusait, l'odeur de la chaire brûlée et du liquide de vie s'ajoutaient à celle du tabac et du feu de camp. Jusqu'à ne laisser qu'un adversaire. Mauvais mélange, mélange écœurant, la truffe se fronça avant de bientôt avoir l'allure plus propre après un coup de langue faisant disparaitre le rouge, également présent sur ses babines. Tout ne partait pas. Le sorcier en lui n'apprécia pas la provenance mais n'était-ce pas hypocrite au final ? La question ne se posa pas plus d'un instant, la scène de ce qui semblait être faite d'un père, de sa fille et de son assaillant attirèrent l'attention des deux âmes coincées dans un corps. Les billes noires fixèrent pendant que les oreilles s’aplatirent sur le crâne, rendant la bête soudainement silencieux. Le brin d'inquiétude pour la fillette se transforma en un brin d'inquiétude envers le paternel qui se débarrassa violemment d'un homme immobile. L'étincelle était là, comme prévu, dans chaque homme, et avait tout allumé. Tout autour d'eux, des flammèches jonchaient encore le sol et même des corps. Pas tous. Mais ça ne signifiait pas que le torse se relevait pour autant. Le regard relâcha la scène familiale pour observer tout autour d'eux. La désolation était là, la mort également. Ce qui s'ajouta à l'absence de ses confrères à quatre pattes. Le cœur s'en peina. Ils n'avaient pas eu le bon groupe, celui qui manipulait les pauvres créatures sauvages. Il n'aurait pas encore d'autre fourrure à laquelle s'acoquiner. Et la confiance placée en l'Homme face à lui semblait s'être envolée, bien que l'animal était ravi de voir la petite humaine en vie.

Une plainte s'échappa du dhole qui s'allongea, à plusieurs mètres du dernier duo sur pieds, laissant l'adrénaline redescendre, ainsi que les sensations lui revenir.

Nombre aléatoire (1,10) :

3

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