C’était le dernier jour des vacances : Mabel était rentrée la veille au soir. Sa mère lui avait fait de nouvelles tresses, elles étaient même allées faire les boutiques ensemble pour acheter de nouveaux pulls larges pour qu’elle puisse camoufler son corps qu’elle peinait à apprécier sous un tas d’épaisseur. Mais désormais, même si Mabel avait tout fait pour ne pas s’y résoudre, elle portait des gants pour diminuer les risques de visions. Mabel avait passé une semaine entière loin d’ici, et il était désormais primordial pour la jeune sorcière d’à nouveau placer des rituels de purifications dans leur dortoir pour éviter que les mauvais esprits ne les approchent : des croyances issues par sa famille vaudou. Le matin, elle avait fait brûler de l'encens pour purifier les lieux. Nyx n’était pas encore présente dans leur dortoir, bien trop occupée probablement à parler de sa divine croisière. Hildegarde quant à elle était bien présente : dans son coin. Mabel n’avait pas prêté suffisamment attention à sa colocatrice pour savoir ce qu’elle faisait. Pas parce qu'elle l’aimait pas, mais à force de se côtoyer il n’y avait pas nécessité à toujours prêter attention à l’autre, ni de se parler constamment.

Le sel est minutieusement mis au sol, alors qu'elle allume les première bougies dans l’ordre pour y former une rune de purification. Tout se passe bien au premier abord, Mabel a tellement l’habitude de les faire qu’elle n’y prête plus vraiment attention, et c’était le cas également pour ses petites camarades de chambre. Mais alors qu'elle allume la dernière bougie, le bruit d’une explosion résonne dans la pièce. Couverte par la surprise, Mabel lâche un petit cri en se reculant précipitamment : une épaisse fumée bleue commence à s’échapper de l’une des bougies. Les sourcils froncés, elle peine à comprendre ce qui a mal pu se passer. Elle a pourtant répéter manifestement ce qu’elle savait faire avec une précision acharnée… puis en voyant les pétales centrales du rituel, elle remarque enfin l’erreur : de sont des pétales de lys, et non du sage blanc.

« Merde, merde, merde ! »

D’un mouvement de baguette, elle fait apparaître un jet d’eau pour éteindre les bougies. La fumée s’éparpille, s’efface peu à peu : la catastrophe s’est vraisemblablement résolue par un peu d’eau. Visiblement victorieuse, avec un grand sourire sur les lèvres, l’antillaise porte un regard vers Hildegarde qui avait probablement été effrayée par l’explosion… forcément, c’était rare que des choses explosent dans le coin.

« Situation maîtrisée… ouaip… désolé pour le bruit. »

Mabel hausse les épaules un brin piteuse, pas vraiment embêtée : faut dire qu’elle vivait dans le présent, et maintenant que c’était passé, il suffisait de reprendre les choses là où elles étaient. Enfin… juste un petit coup de nettoyage avec la baguette et hop, comme si de rien était. Sauf que son sac se met à vibrer, celui d’Hildegarde également. Plusieurs feuilles se mettent à s’envoler, plusieurs feuilles s’arrachent de leurs livres : se plient à volonté avant de former des origamis élaborés semblables à des petites animaux. Une grenouille tentait dans les escaliers, un oiseau se prenait en boucle la fenêtre… mais un tigre tentait navrement de s’attaquer au visage de Mabel avec ses pattes de papier.

« Oh, wow… je m’attendais pas à ça. » Elle récupère le tigre qu’elle déplie. « Eh, c’est ton devoir de sortilèges ! » A rendre demain, forcément;

Merde… ça signifiait qu’elle pouvait pas passer à côté des feuilles… elles allaient devoir les récupérer une à une. Sauf que certains s’étaient déjà enfuis par la porte ouverte et commençait à s’attaquer aux étudiants de la salle commune, ou à se terrer dans les moindres recoins à préparer quelconque sournoiserie…

L’allemand prononcé par sa colocataire était toujours incompréhensible, Mabel dans sa plus grande incohérence parvenait à reconnaître seulement son petit surnom qu’elle lui avait donné à force de prononcer trop difficilement son prénom. Tout ressemblait à un juron dans la langue native de Hildegarde, il faut dire que la jeune femme n’était pas habituée à l’allemand même si àa faisiat deux ans qu’elles partageaient le même dortoir. Mais son oreille était surtout entraînée au français et à l’anglais. Tout le reste lui paraissait infiniment brute et aigre à ses oreilles. Un petit sourire se glisse sur ses lèvres lorsque Hildegarde demande si se sont des mauvais esprits qui l’attaquent :  ah, si ça avait été le cas, le chaos aurait été plus important encore. Certes les esprits n’étaient pas tous mauvais… mais Peeves était la preuve même qu’il avaient un certain plaisir à s’enfoncer dans le chaos. Mabel tente de la rassurer d’un léger sourire, mais Hildegarde prenait les choses étonnamment bien.

« Nan, j’ai juste raté le rituel… ça a libéré la magie un peu n’importe comment… c’est la première fois que je vois ça. »

Probablement que la jeune Serdaigle était habituée aux âneries et catastrophes causées par Mabel… puisqu’elle ne semblait pas fâchée. La jeune voyante ne s’en accommode pas : ça lui allait très bien qu’on ne se fâche pas contre elle. Parce que souvent, elle savait pas quoi dire, n’étant pas vraiment douée pour les excuses et encore moins pour croire en ses propres excuses. Ouais, c’était agréable quelqu’un qui l’aidait machinalement… si c’était Riley avec elle, il se serait ouvertement moqué en finissant par la menacer. Mabel récupère quelques feuilles qui n’ont pas réussi à s’échapper, lorsque lui vient une idée aléatoire.

« Accio devoir de métamorphose. »

Non, ça ne marche pas. Peut-être parce qu’il est déjà récupéré, ou qu’un maléfice les protège du sort…. Mais ouais, ça aurait été trop facile. Légèrement soupirante, elle estime qu’il n’y a plus rien dans la chambre et rejoint Hildegarde qui commence à aller vers les escaliers. Visiblement surprise, elle relève un regard vers la jumelle, les prunelles écarquillées, bravée d’une incompréhension si palpable qu’elle mit un peu de temps à décoder les informations. Il y a un petit silence latent de réflexion où elle se perd dans ses pensées, ayant une fâcheuse habitude à déconnecter trop facilement.

« Pourquoi je dois dire que c’est à cause de Peeves ? Tu te souviens pas que c’est de ma faute ? »

Parfois c’était comme ça. Elle avait du mal à intégrer l’information, du mal à comprendre pourquoi on lui disait les choses. Les sourcils froncés, elle se souvenait pourtant bel et bien avoir raté son rituel… est-ce qu’elle avait complètement loupé quelque chose ? Mabel était profondément littérale, et mentir c’était rarement à sa portée, faut dire que c’était épuisant en ressources d’éviter de dire de la merde en se vendant trop. Donc ouais, elle comprenait pas encore que les gens de la salle commune puissent leur en vouloir pour une telle chose…  L’antillaise la suit dans les escaliers et se demande brièvement ce qu’elle fichait là. Ah, oui, les origamis. Ses neurones font un peu de liens à nouveau. Elles tombent sur un petit lapin au pied de l’escalier qui tentait de grignoter le bois des marches. Mabel se penche, caresse brièvement sa petite truffe, avant de la récupérer dans la besace qu’elle avait attrapé un peu plus tôt.

« C’est un peu mignon, tu trouves pas ? »

Enfin, c’était si on omettait que des oiseaux étaient en train de trier les cheveux à une quatrième année qui n’avait rien demandé, qu’un dauphin s’était baigné dans une tasse de café et que des petits singes s’amusaient à lancer des popcorn -Merlin seul savait comment il les avaient trouvés-. La sorcière en attrape la plupart, et finit même par sécher le dauphin. L’eau c'est sa spécialité, elle parvient à capturer les moindres gouttelettes d’eau, qui s'accumulent et formes peu à peu une petite masse liquidienne flottante. Mabel s’éloigne, la masse se fracasse sur une deuxième année qui se met à pleurer. Loin de se douter que c’était de sa faute -ayant déjà oublié qu’elle avait fait flotter de l’eau-, et pas vraiment peinée par les larmes, elle porte un regard vers Hildegarde.

« Tu t’en sors ? » elle attend sa réponse, avant de poursuivre. « Oh non… pauvre petite chose. » qu’elle lâche, un brin désespérée, en voyant une petite limace qui se dirigeait lentement mais sûrement vers la cheminée pour y faire un petit plongeon. C’était étonnant de la voir aussi sensible, et à la fois aussi insensible. Son ordre de priorité changeait souvent.

Hildegarde tentait navrement de lui expliquer qu’il fallait éviter de se dénoncer, l’antillaise peinait à comprendre où elle souhaitait en venir, mais elle avait une confiance presque aveugle envers sa colocataire qui avait toujours eu des réflexions sensées. Alors peut-être qu’elle avait raison, Mabe s’en moquait bien. « Okay… je te crois. » Haussant les épaules, elles entament alors les recherches. Hildegarde se met à voler, puis rattrape de justesse la catastrophe causées par l’antillaise en faisant des promesses. Sa bienveillance émane de sa voix, avec une douceur réconfortante. Ce n’est pas pour rien que les jeunes filles sont désormais excitée à l’idée d’aider et particulièrement rassurée… la petite trempée ne l’était plus, et avait désormais un sourire à la place de ses larmes de crocodiles. Mabel qui se tient non loin porte un regard vers Hildegarde, lui laisse un léger sourire emmêlé de surprise. « T’es douée avec les plus jeunes… » Et pour les acrobaties, mais bon c’était connu depuis un moment de la jeune magicienne vaudou. Mabel n’avait jamais eu de petits frères ou soeurs… certes elle avait une tonne de petites cousines et petits cousins… mais ils avaient grandis avec l’idée que c’était une weirdo et ils l’avaient toujours acceptés de cette manière. A Poudlard, c’était différent. Elle était la weirdo ultime, on chuchotait d’elle qu’elle tuait des gens, qu’elle maudissait n’importe qui à la moindre contrariété. C’était pas totalement faux, mais disons qu’il fallait en faire énormément pour qu’elle soit contrariée. « Moi ils m’évitent comme la peste. » Qu’elle lâche dans un petit rire.

Sur le sol Mabel commence doucement à étaler leurs copies. Les deuxième années ne tardent pas à en faire de même. Il y en a désormais plusieurs, et les origamis une fois dépliés sont désenchantés et ne bougent plus. Au moins elles n’auront pas tout à refaire. Soupirante, l’antillaise comptabilise ses propres notes… son devoir de potions est là, celui de botanique -étayées de fleurs séchés de son jardin- était également là. « Je crois que j’ai tout… » qu’elle déclare alors qu’elle feuillette ses cours. Et sur ses mots, elle invitait Hldegarde à vérifier que toutes ses copies étaient bien présentes également. « T’as réussi à tout récupérer ? » Heureusement la porte de la salle commune n’était pas ouverte et la plupart des dortoirs étaient fermés. L’essentiel devait être récupéré. Ou alors l’un d’entre eux se cache encore ? C’est probable, mais elles ont les petites pour farfouiller dans les coins les moins accessibles avec leurs petits yeux de souris futées.

L’une d’entre elle vient d’ailleurs voir Mabel, légèrement craintive, avec une petite voix. Bref, pas rassurée du tout.

- C’est vrai que tu fais de la magie noire ?
« Oui. »

Mabel venait toujours à l’essentiel. La gamine jète un regard terrifié vers Hildegarde, lui criant silencieusement au secours dans l’espoir qu’elle vienne la sauver. Parce que forcément, la magie noire n’était pas bien vue, tout particulièrement des jeunes sorciers qui diabolisaient toute forme de magie -souvent rattachées aux Mangemort-. Une deuxième -plus courageuse- s’était approché avec des petits yeux mêlés de curiosité, même si sa stature indiquait  qu’elle n’était pas entièrement à l’aise.

- Tu vas nous transformer en grenouille ?
« Je connais un enchantement pour te transformer en hérisson, mais pas en grenouille… »

Le teint de voix de Mabel est particulièrement bas, particulièrement grave : comme si elle était abimée à force de rester dans ce silence qu’elle appréciait tant. Se grattant la tête, il y avait bien des choses qui plaisaient à ses petits cousins… La sorcière se fichait bien souvent des autres, mais là les petites avaient aidées. Alors, elle était redevable.

« Mais j’peux vous faire des grigris si vous voulez. Avec votre animal préféré. » Leurs petits yeux brillent un peu, surtout lorsque Mabel sort son propre petit grigri qui était une loutre avec des perles bleutées, qui enchantée, clignait des yeux et bougeait la tête. « Et j’sais faire des tresses. »

Oups. Toutes excitées, elles sautent sur place, les yeux rivés sur Mabel et Hildegarde. Elle piaillent alors :

- On veut des tresses !

Un petit soupir reste entre ses lèvres sans qu’elle n’ose le faire sortir. Sourire en coin, la situation échappait définitivement à la Serdaigle qui glisse un regard vers Hildegarde.

« J’ai le sentiment surtout qu’elles nous ont prises au piège. »

Le préfet intervient pour éviter que les premières années ne tombent dans l’escalier. Il ne dit rien aux deux sixièmes années, par miracle probablement… même si leurs uniformes n’étaient pas impeccables comme le préfet aurait souhaité.

« J’parie qu’il nous aurait tué. S’il pouvait faire jaillir des lasers avec ses yeux, il le ferait tout le temps. » qu'elle lâche dans un rire aigre, de sa voix qu'elle gardait d'un ton toujours en dessous de sa voix originelle.

Mabel ne tarde pas à récupérer ses affaires dans la salle commune. Heureusement qu’une des petites a des cheveux crépus, parce que c’était définitivement ceux qu’elle maîtrisait le mieux. Il faut dire que les tresses qu’elle faisait, c’était à ses petites nièces. La jeune Serdaigle avait déjà tenté sur son frère, ça marchait plutôt bien sur des cheveux lisses. Mais la sensation était… différente et inhabituelle. La sixième année préférait quand les choses étaient répétitives et habituelles, c’était moins déconcertant.
Les deux sixième années montent dans l’étage des premières années : les petites sont particulièrement excitées en les voyant arriver. Elles ne tardent d’ailleurs pas à faire un file de tresses pour que Hildegarde et Mabel puisse se mettre derrière une des petites, tandis que les autres en profitaient pour tenter des coiffures étranges. Mabel récupère les cheveux crépus et commence à réaliser un tressage à l’aide de ses affaires, surveillant que la petite n’ait pas trop mal à force de tirer. Son pouvoir bourdonne, elle le sent pulser dans sa cage thoracique. Mabel a cette maudite impression de retenir une bête en laisse et qui souhaite se jeter sur la gamine. Inspirant avec profondeur, elle se retient de ne pas découvrir la mort de la petite, se concentrant sur les tresses entre ses doigts qu'elle tisse.

Une tâche de sang sur le sol. Aussitôt, Mabel vient pincer son nez pour éviter que le pourpre ne ruisselle davantage. La voyante voit des étincelles sous ses yeux, des lueurs inquiétantes lui confirmant qu’elle a trop joué avec le feu en retenant ainsi son don.

« J’reviens. » déclare Mabel dans la précipitation.

L’antillaise se redresse d'un seul coup, le regard écarquillé, et se jete dans la première salle de bain qui lui tombe dessus.

« Qu’est-ce qu’il se passe ? » demande une des petites avec des yeux visiblement ronds.

Mabel dans la salle de bain tremble. Ses muscles sont noués, ses dents claquent sur son palais. La première chose qu’elle fait, c’est de se mettre sur le sol pour éviter de faire un malaise. Un vif mal de crâne l’assaille.

« Anto ? »

C’est le premier prénom qui sort, ayant oublié manifestement avec laquelle des deux elle était. Pourtant c’était relativement simple : l’une était chez les Serdaigle et pas l’autre. Mais avec leurs mauvaises habitudes de répéter ce que l’autre disait ou de compléter leurs phrases en mode jumelles effrayantes, Mabel avait du mal à les différencier. Alors, par habitude, elle ne tarde pas à réclamer la deuxième jumelle :

« Hil ? »

Inspirer et expirer pour calmer son don. Elle connaît à force, mais à chaque fois, Mabel se sent particulièrement vulnérable et sans défense. Ses joues sont trempés de sang et de larmes.

Le monde tourne sous ses yeux, une petite voix jaillit du chaos de ses pensées. Mabelchen. La concernée s’y rattache avec fermeté, glissant un regard mêlé de désespoir vers cette lueur d’espoir, incapable de redresser ses commissures en un sourire satisfait. Mais ses yeux brillent suffisamment pour que la nouvelle venue dans la salle de bain perçoive qu’elle était heureuse de la voir jaillir. Mabel savait gérer ses crises seule, mais avoir un accompagnement était pas désagréable. Souvent c’était son frère et sa mère qui prenait ce statut d’appui tandis qu’elle tentait navrement de reprendre son souffle. Au fond, elle était heureuse d’avoir Hildegarde dans son dortoir, lui offrant l’impression de pouvoir être ce qu’elle souhaitait sans être jugée. C’était dur d’avoir cette possibilité avec les deux nanas à paillettes de leur dortoir, surtout Nyx qui faisait semblant d’être gentille et ouverte pour flatter son propre égo.
La sorcière frémit à son contact, l’acceptant néanmoins d’un hochement de tête. Sa douceur la ramène presque à la réalité, lui donne une voie à suivre pour éviter qu’elle n’explose. Mabel prend son souffle, apaise la créature de ses entrailles alors que Hildegarde vient sécher ses larmes avec tendresse. Inspirer, expirer : pour éviter de se jeter bêtement dans la vision de sa colocataire et de rester bloquée.

« Attends, bouge pas. »

La Serdaigle vient se tourner vers la jeune Thorvald, avant de prendre une grande inspiration : Mabel est suffisamment contrôlée. Pas besoin d’un contact peau à peau, les vêtements de Hildegarde sont chargés de son énergie vitale : l’antillaise plonge. Sa vision forme des flash brutaux : un balais, le bruit du vent, un cognard filant. Durant ce laps de temps ses yeux sont étrangement laiteux, comme si un voile brumeux s’était mis en avant de sa rétine.
Ses lèvres tremblent lorsqu’elle surgit à nouveau dans la réalité : c’est d’un regard plus assuré qu’elle porte. Et elle finit par lui voler le mouchoir pour nettoyer ce qu’il reste sur ses joues. Tout est désormais plus calme, elle tremble encore un peu, mais elle s’apaise un peu. Ses muscles noués se détachent, sa passion revient à petit feu.

« Nan, nan, ça va… ça sert à rien l’infirmerie. »

L’infirmerie n’y ferait rien. Hildegarde n’était pas là depuis longtemps au sein du dortoir : Aurora et Nyx était habituée à l’idée de la laisser ou de la soutenir parfois si le coeur s’y prête. Mais l’infirmière n’y pourra rien, on le lui a conseillé des tas de fois : faut qu’elle arrête d’inutilement freiner son don. Sauf qu’ils savent pas à quel point c’est désagréable et lassant de voir les gens mourir, de voir la vie s’éteindre sous ses yeux. Elle-même a l'impression d‘avoir une épée de Damoclès au dessus de la tête par crainte que n’importe quoi ne la tue bêtement.

« Désolé, c’est mon don. » elle se racle la gorge, mais sa voix est si grave, si abimée.

Comme si elle revenait des ténèbres. C’était un peu vrai au fond. Mabel se redresse enfin, se sentant encore étrangère à cette réalité : pour révéler son corps fatiguée, elle commence à s’étirer un peu, tout en donnant des explications à Hildegarde pour qu’elle ne soit pas paumée.

« Quand je le retiens trop longtemps je reste bloquée un bon moment dans la vision à devoir supporter tout ce que je vois. »

Parfois des heures, parfois des jours… le temps semblait défiler lentement lorsqu’elle était en vision.  Un soupir quitte ses lèvres, pas vraiment à l’aise qu’on la voit dans un état pareil.

« Quand j’arrive à me focaliser… c’est plus rapide. »

Mabel fait couler l’eau pour passer un coup sur le visage. En portant un oeil à ses mains, elles tremblent encore. Des frissons creusent des sillons dans son échine. Mais au moins elle était vivante et tenait encore debout, même si elle a l’impression que ses jambes sont encore en coton.

« J’aime pas… regarder le futur de personnes aussi jeunes.  »

C’est bien pour cela que Persée lui en voulait : pour ne pas lu avoir dit qu’un de ses proches n’allait pas dépasser la majorité. Les morts trop rapides sont les plus difficiles à digérer.

Son souffle s’apaise, même son nez semble arrêter de couler. Mabel devra trouver un moyen au plus vite de diminuer ses crise… peut-être qu’au fond elle a déjà quelques petites idées. En commençant par les gants si jamais se terrer dans ses pulls trop larges n’est plus suffisants. La catastrophe est évitée : Mabel ne rentre pas en contact avec la peau de Hildegarde, si bien qu’elle ne plonge pas dans les méandres de sa prochaine mort. Voilà une vision qu’elle aimerait éviter : elle n’aime pas qu’on lui pose trop de questions : s’abstenir est le meilleur usage pour tenter d’éviter les investigations trop curieuses de ceux qui essaient d'échapper au Baron Sanglant. Redressée et désormais en bonne forme, son regard se glisse vers Hildegarde alors qu’un sourire légèrement plus confiant s’installe sur ses lèvres. Mabel est encore légèrement blême, bien qu’elle hoche la tête aux mots de la Serdaigle, al remerciant d’un regard entendu pour la douceur de ses mots. Tant de compréhension en une unique personne… Hildegarde était définitivement divine. Un petit sucre qui apaise ses maux. En l’entendant parler de sa soeur, Mabel fronce brièvement des sourcils. La curiosité fait luire ses prunelles, éclat intéressé qui cherche à s’extirper vers une vérité où elle se sent bien.

« Et comment est-ce qu’elle fait pour survivre ? »

Est-ce qu’il y avait une solution ? Mabel était mauvaise à ça, faut dire que sa famille lui avait proposé une seule option : embrasser son dos et accepter enfin d’user de la nécromancie comme le voulait l’usage familial. Mais la Serdaigle n’était pas encore prête à accepter ça, pas alors qu’elle passait autant de temps coincé avec des visions étouffantes. Alors les moindres choses qui pourrait l’aider à gérer ses émotions ? Définitivement, elle prenait : l’anxiété grignotait ses doigts. Hochant à nouveau la tête, presque piteusement, Mabel signe son accord.

« D'accord, je remonte… Je t’aiderais pour les devoirs, t’en fais pas. »

Qu’elle lâche, songeant que c’était définitivement plus sécuritaire si elle évitait les gamines pour le moment. Sa crise commençait à peine à s’effacer, rester trop proche et voilà qu’elle retomberait probablement à nouveau. Foutue vie, tiens. S’apprêtant à repartir, elle glisse son attention vers Hildegarde. Ses commissures se redressent faiblement, encore noyée dans la fatigue qui fait tomber ses prunelles.

« Merci, vraiment. »

Elle en devait définitivement une à sa colocataire. Mabel n’aimait pas se sentir redevable, et elle se promettait de réaliser au moins quelques rituels de bonne santé et de chance pour attirer un peu de bonheur dans la vie de la concernée. C’était des petites choses invisibles qui ne changeraient probablement pas son quotidien… mais au moins, tous les mauvais sorts et vils esprits seraient éloignés. Après si Hildegarde lui réclamait autre chose… peut-être qu’elle y songerait tant que c’est pas trop dangereux ou trop pénible.

« On en parlera, si tu veux… »

De ce qu’il s’était passé… non ? La sorcière lui devait au moins ça ? Un peu de vérité pour que le rideau de mystère l’entourant tombe enfin ? Au fond, même si elle traînait souvent avec les jumelles et qu’elle enviait leur télépathie, Mabel se rendait compte qu’elles ne se connaissaient pas dans la profondeur.