Une soirée comme une autre, d’apparence. Un feu de joie magique brûlait. Au lieu de simples flammes, des formes lumineuses et colorées dansaient dans les airs, créant un spectacle de lumière éblouissant pour les étudiants. Les rires s’envolaient, embaumaient les lieux d’une ambiance douceâtre et plaisante alors qu’une mélodie était répétée continuellement pas une contrebasse enchantée. L’espace de Wunjo -la maison assurément la plus fêtarde et la plus décontractée- avait été aménagée pour rendre l’endroit le plus chill possible. Des bulles de savon enchantées flottaient autour des étudiants. Chaque bulle dégageait une lumière douce et diffusait des mélodies relaxantes en explosant. Une boîte enchantée permettait aux étudiants d'écrire leurs rêves et leurs souhaits sur des parchemins, puis de les déposer dans la boîte. Ces rêves s'envolaient dans l'air et disparaissaient, symbolisant l'envol des espoirs… c’était une idée un brin naïve qui avait été concoctée par le BDE pour l’occasion. Les rumeurs affirmaient que la boîte fonctionnait vraiment, et qu’y mettre la ferveur de son souhait permettrait qu’il se réalise.

Oengus se tenait non loin de ses boîtes, pensif. Il tenait entre ses mains l’une des plumes à disposition avec un petit bout de papier. Mais il était incapable de savoir ce qu’il souhaitait mettre. Avait-il un rêve quelconque ? Pas vraiment, si ce n’était un peu d’amour et de compagnie ? Mais ça lui paraissait tellement benêt qu’il n’osait pas le mettre à l'écrit. Que voulait-il vraiment ? Ses moindres souhaits lui semblait tellement fugace : il regarde navrement les étudiants alentours. Puis cette silhouette qui se démarque des autres. Des cheveux clairs, une peau pâle où s'égayent deux prunelles vivaces mêlées d’intelligence. Le coeur du sorcier s’affole lorsqu’elle s’approche, Gus peine à déglutir et il détourne manifestement le regard. Mais elle est là à ses côtés, pour la boîte à souhait, ou pour aller le voir lui, tout bêtement.

Un peu plus tôt, il y avait eu un petit jeu. Les verres avaient été soigneusement enchantés pour que les sorciers aient envie de boire dès qu’ils entendaient une vérité les concernant : un enchantement parfait pour les “je n’ai jamais” tant appréciés par les étudiants. Une question avait été posée à un moment donné : “j’ai déjà été harcelé par quelqu’un ici présent.” Ils étaient beaucoup, énormément. Mais il avait aperçu brièvement Samantha boire et son regard croiser brièvement le sien. Oengus avait été incapable de maintenir la laiteur de ses prunelles océaniques, brûlé par un contact si vif, capable de dtéerrer les cadavres qu’il avait caché au fil des ans. Il s’était défilé comme il le savait faire, dans un petit sourire moqueur et infiniment rassuré, puis il avait fait couler dans son gosier quelques verres histoire de digérer ce qu’il venait d’entendre.

Maintenant qu’ils étaient à côtés, il ressentait une gêne profonde. Pourtant ils s’entendent bien depuis qu’ils sont étudiants. Gus fait glisser quelques gorgées à nouveau entre ses lèvres, avec l'espoir fugace que l’amertume de la boisson fasse disparaître l’amertume de sa propre honte.

« T’as une idée de quoi y noter ? » qu’il glisse dans le but de détendre l'atmosphère qu'il trouvait trop pesante à son goût, évoquant la boîte à rêves.

Il lui lance même un regard un brin piteux, digne d’un chiot paumé.

« J’pensais pas que tu te souvenais de moi. »

Ils étaient potes après tout, il s’était attendu à ce qu’elle lui en veuille… au lieu de ça, rien n’avait changé.

Un léger frisson dévale sa colonne vertébrale lorsqu’il croise l’océan de ses prunelles. Un mélange de culpabilité et d’anxiété vient enivrer les traits étirés de l’étudiant, qui sent son souffle s’amenuiser à mesure qu’il maintient le regard vers elle. Il a l’impression d’être pathétique : cette impression est continuelle, n’ayant jamais vraiment eu confiance en lui et ce qu’il dégageait. Mais là, plus que jamais. Gus a la sensation d’avoir de la boue sur la peau, un liquide âcre qui s’apprête à l’étouffer. Mais comme toujours, lorsqu’il faisait face à des responsabilités, il préférait navrement se défiler. Il préférait s’enfoncer dans les rires et l’humour pour détourner un brin les sensations négatives qui s’accrochaient à sa peau. « Tu crois que ça va marcher si je mets “la paix dans le monde” ? » Il a bêtement envie d’entendre son rire percer le silence. Effacer les moindres traits soucieux sur son visage juste pour s’évader de sa culpabilité. Il aimerait la rendre heureuse pour effacer ses tords… mais il n’en est pas capable. Sa réponse est trop évasive concernant le voeu… peut-être qu’il peut au moins l’aider sur ça ? L’aider à réaliser l’irréalisable. C’est pas l’argent qui manque chez le jeune Crowley.  « T’as mis quoi ? » Qu’il réitère afin d’avoir quelque chose de plus précis. De plus abordable que la réponse floue donnée. Il lève un doigt, les sourcils froncés, gravant ses rétines dans les siennes avec le peu qui lui reste d’assurance afin de paraître particulièrement convainquant.  « Nan… laisse-moi deviner… » Qu’il glisse dans un sourire. Qu’est-ce qu’une fille réservée comme elle pourrait souhaiter ? Elle était déjà suffisamment jolie, était-elle du genre à réclamer de l’argent ?   « Une prince charmant ? » Qu’il lâche dans un petit rire, l’imaginant sans mal comme une fille naïve rêvant de l’homme parfait sur un cheval blanc.

Un nouveau frisson. Ses mains sont étrangement moites alors que ses yeux papillonnent un brin, ne sachant plus où se poser. Non seulement elle se souvenait, mais elle ne semblait plus lui en vouloir désormais. Si elle se rappelait, le sorcier avait du mal à comprendre ce qu’elle faisait encore ici, et toutes les heures qu’elle avait passé à ses côtés. Gus joue navrement avec ses mains, les mots qu’il souhaite sortir écharpe sa gorge. Les syllabes sont épineuses et difficiles à sortir. « J’suis désolé… tu sais… pour tout ce qu’il s’est passé. C’était lâche de ma part de suivre. » Son air pathétique était gravé sur ses traits : il n’y avait pas besoin d’être devin pour voir qu’il coulait dans sa culpabilité et qu’il tentait navrement de se débattre avec ses démons. Mais même s’il avait des regrets, était-ce suffisant pour qu’il puisse être pardonné ? Les insultes et railleries avaient fusées entre ses lèvres. Et c’était facile de se cacher derrière la source du harcèlement en ne déclarant qu’il n’était qu’un suiveur. « Même si tes boucles me manqueraient presque. » Qu’il glisse dans un petit sourire, se demandant alors si elle lui avait réellement pardonné. Sam a dû avoir énormément de rancoeur à son égard à l’époque. Comment était-elle passé d’une source de haine pure à une appréciation simple ? La douceur de son sourire ressemble à une caresse, mais ne suffit en rien à apaiser le coeur endiablé du vaurien ; il ne tarde pas à l’étudier avec un regard tout aussi doux, l’étudiant avec un faible sourire mêlé de peine. « Comment fais-tu pour garder le sourire ? » Il n’arrivait pas à comprendre qu’ils n’en aient pas parlé plus tôt, qu’elle n’ait pas évoqué le sujet pour l’assaillir de reproches. Pour lui faire autant de mal qu’il lui en avait fait. Au lieu de ça… c'en était presque frustrant qu’elle ne l’ait pas fait et qu’il prenne enfin ce qu’il mérite. « Comment fais-tu pour me pardonner ça ? » Il glisse sa main sur la sienne, toujours sur son épaule, venant la serrer un brin en espérant presque que ça la réveille.

Le sorcier la détaille à mesure qu’elle se défait de sa situation. Sam était en quête d’un amour qui se faisait distant, qu’elle désirait attraper entre ses doigts pour le faire sien. Oengus lâche un petit rire douceâtre à sa réponse, forcé de constater que ses prédictions n’étaient pas aussi éloignées qu’il l’aurait pensé. Mais Sam était une fleur délicate, désireuse d'ouvrir ses pétales, pour s'offrir à ce monde qui l'effrayait. Oengus se reconnaît dans ce désir d’être comme tout le monde. Dans ce besoin d’accompagnement et d’intimité. Certains n’étaient pas faits pour être seuls, mais contrairement à lui, Sam n’avait pas encore d’espoirs brisé. Seulement une crainte navrante de la solitude. « Je te crois pas ? » Comment le pourrait-il ? Cétait étonant qu’elle n’ait pas croisé la douceur d’une femme ou d’un homme un peu timide également, avec qui il y aurait eu une affinité qui aurait glissé vers une tendresse charmante. Oengus lui-même se prête lui-même à ce jeu manifeste, glissant doucement la tête vers elle, pour lui chuchoter la suite de sa petite voix douce : « Tu veux savoir quelque chose ? » Il y a une pointe d’amusement qui creuse sa voix, il a même un grand sourire au bord des lèvres. Il n’éloigne pas pour autant son visage, n’aimant pas que l’information s’aventure dans d’autres oreilles que celles de la jeune femme. Lui-même était enfermé dans un peu de honte et de timidité, comme si l’avouer le rendait fébrile.  « J’ai couché avec quelqu’un cette année seulement et on ne m’a jamais dit “je t’aime”. » Leurs solitudes respectives étaient des choses qu’ils partageaient tout d’eux ; il comprenait ce qu’elle ressentait. Cette sensation d’être à l’écart du monde, de se sentir broyé par la solitude.

Néanmoins, l’air taquin, désirant voir un sourire sur ses lèvres, il poursuit : « Si tu veux on pourra toujours se construire un royaume avec des chats, mais je pense surtout que ce n’est pas plus mal de prendre son temps. » Dix-neuf ans, au final, c’était que dalle. Beaucoup de personnes étaient dans sa situation, certains même jusqu’à plus tard. Mais maintenant qu’elle s’ouvrait au monde, elle finirait forcément par trouver quelqu’un. Comment était-il possible de ne pas la voir, après tout ? « De tomber sur la bonne personne et au bon moment. Je peux te jurer qu’à ce moment-là tu rattraperas le retard, crois-moi. » Comme si le monde s'apprêtait à s’arrêter à tout instant. « Mais si tu veux vraiment embrasser un gars ce soir, j’peux te filer un autre verre plus chargé… Tu maintiens le regard avec quelqu’un un petit temps… et tu verras que ça glisse tout seul. » Les conseils fusaient avec aisance : il était doué pour ça. Pour écouter, pour trouver les mots, pour savoir ce qui était juste à faire. Mais bien souvent, il était incapable de répéter ses propres conseils. Gus n’était qu’un pauvre cupidon blessé.

La tristesse s’insère davantage dans sa personne, profitant des creux pour s’infiltrer sous sa peau. Sa gorge est nouée, consternée à l’idée qu’elle ait pu mettre définitivement sa vie en arrêt parce qu’ils avaient été de parfaits connards. Au lieu de ça, Sam avait choisi une jolie virgule au lieu d’un point définitif. Profondément troublée, les mains étrangement moites, il raffermit sa prise sur la main de la concernée, emmêlant ses doigts au sien pour lui témoigner du bref soutien dont il pouvait faire preuve. Mais même là, il avait l’impression qu’elle allait se briser en une fraction de seconde. « Oh non, par pitié, pleure pas. Ou alors attends que je prenne une fiole pour que je puisse les revendre sur le marché noir. » Derrière son humour, la mine un peu triste, un liseret rouge vient s’installer sur ses joues lorsqu’elle lui embrasse la joue. Il a un petit rire nerveux, presque incrédule, papillonnant avant de comprendre que tout ceci était réel.  « P’tit monstre, va. Tu vas finir par me faire chialer aussi. » Il se sentait redevable et coupable, des émotions qui le faisait se sentir lourd. Mais il n’y avait pas que ça qui rythmait son choix et l’idée qui venait se creuser dans son esprit. Une affection profonde et un besoin d’aider ce cri de détresse lancé. « Toi et moi on va se promettre une chose, tu veux bien ? » Il grave ses prunelles dans les siens, parfaitement sérieux en cet instant. Il puait la bienveillance, et les lueurs de malices dans son regard clair s’était effacé.  « On va tout faire pour que tu puisses à nouveau avoir confiance en toi. On va faire des sorties à la plage, tu verras ça va être sympa. » Il irait à son rythme si besoin ; désirant l’aider à se réparer, à se reconstruire. A s’accomplir et fleurir en une femme épanouie.  « Comme ça tu te verras comme moi je te vois. » Son petit air de truand moqueur revient bien vite, avant de proposer avec un air plus taquin : « On commence ce défi par une petite danse ? »