Trois coups, forts et fermes, retentirent dans le petit appartement.

Le jeune homme d'à peine vingt ans, ouvrit la porte. Il regarda à droite, puis à gauche, il n'y avait bien entendu personne. Il connaissait ce genre de blagues. Cela faisait deux ans qu'il logeait dans cette résidence universitaire et les plaisantins ne manquaient pas. La bouche pleine de dentifrice, il alla refermer la porte en grommelant quand un petit cri l'interpella. Sur son paillasson, un bébé, emmailloté dans une couverture en pilou. Il y avait également une lettre. Tout en vérifiant que personne ne le regardait, il ramassa le petit et ferma la porte. Bébé au bras, il lut la lettre et manqua de recracher tout son dentifrice. La lettre disait : Cet enfant est le tien. Je ne peux et ne veux pas le garder, ma famille me jetterait dehors. La jeune femme avait signé par son prénom, ce qui ramena le jeune homme quelques mois en arrière, au cours d'une soirée bien arrosée ou une fille bien étrange mais très jolie l'avait entrainé dans son lit. Il avait passé une merveilleuse soirée, et ils s'étaient ensuite revus deux fois avant de se perdre de vue. Le jeune homme soupira, comprenant enfin la raison de cette soudaine disparition. Il déposa le bébé sur son lit et l'examina. C'était un nouveau né, un garçon, portant déjà une fière tignasse brune. Le jeune homme décida alors de croire le contenu de la lettre. Il garda l'enfant et le nomma Émile, comme son grand père. Andrew McRaven savait que sa vie allait devenir très compliquée, mais il n'imaginait pas encore tout le bonheur qui allait en résulter.

Les premiers mois furent très difficiles. Andrew du jongler entre ses études d'histoire, son petit boulot et son enfant. Émile l'accompagna partout où il se rendait, que ce soit en classe ou dans le garage où son père travaillait. Il devint bientôt le chouchou de l'amphithéâtre, dormant parfois dans les bras des professeurs. Le manque de sommeil et le surmenage eurent raison de la motivation d'Andrew qui abandonna ses études pour se consacrer pleinement à l'éducation de son fils. Il quitta également son emploi et se fit embaucher dans une bibliothèque. C'est ainsi que, très tôt, il initia son fils à la lecture et aux histoires. Émile vécu ses trois premières années de vie dans les contes et les chansons. Son père avait toujours une mélodie à siffloter, un chant au bout des lèvres et le petit garçon aimait l'imiter. Cela ne dura hélas pas longtemps.
Il venait de fêter ses trois ans, et il parlait déjà bien, échangeant avec son père durant de longues et enfantines conversations. Andrew était aux yeux d'Émile plus qu'un père, il était également son confident, son meilleur ami, son univers tout entier, bien qu'à son âge il ne s'en rende pas encore pleinement compte. Ils étaient en voiture, Andrew avait acheté une petite Ford qui filait sur le béton et, comme à leur habitude, les deux papotaient et chantaient des comptines.

Andrew ne vit pas le camion arriver, mais Émile si. Un poids lourd blanc, lancé à pleine vitesse, ignorant la priorité et s'engageant dans l'intersection. Le conducteur, somnolent, avait roulé toute la nuit et était en retard, il avoua plus tard qu'il ne pouvait pas s'arrêter car il avait déjà reçu deux avertissements. Le camion percuta l'aile gauche de la Ford de plein fouet, l'envoyant rouler dans le terrain vague d'à côté. Après quelques tonneaux, le véhicule s'immobilisa enfin, déformé, brisé. Émile ouvrit les yeux, conscient qu'il avait reçu un grand choc, mais il ignorait pourquoi il n'avait pas senti grand chose. Sa jambe saignait, elle lui faisait mal, mais il s'en fichait. Il appela son père, qui ne répondait pas. Andrew, la tête ensanglantée, était avachi sur l'airbag de la Ford. Les secours arrivèrent et parvinrent à sortir père et fils de l'habitacle avant de les emmener à l'hôpital. Les secouristes dirent plus tard que le petit était un miraculeux, car c'était sa portière qui avait pris le plus gros du choc, et il ne s'en sortait qu'avec une jambe abîmée. La convalescence fut longue pour le petit garçon, mais elle fut d'autant plus difficile pour son père. Les médecins étaient formels, Andrew n'entendrait plus jamais, et le jeune homme allait devoir s'adapter à un monde plongé dans le silence. Son fils venait chanter pour lui quand il sentait qu'il n'allait pas bien, mais cela ne fit qu'aggraver son désespoir, si bien qu'après quelques vaines tentatives pour communiquer verbalement avec son fils, il plongea dans le mutisme. C'est Émile qui le poussa à ravoir confiance en lui, et ils apprirent ensemble la langue des signes. Quand ils rentrèrent à la maison, encore en plein apprentissage, ils en savaient assez pour se comprendre.

La vie reprit son cours. Andrew du reprendre son travail au garage, là où il pouvait travailler sans forcément avoir besoin d'entendre. Il travaillait sur des voitures, lui qui pourtant refusait catégoriquement d'en conduire depuis l'accident.  Émile entra à l'école, les années passèrent. Habitué au silence apaisant de son foyer, agrémenté des sourires de son père, le garçon fut vite perturbé par les chahuts de son école. Il communiquait à la fois avec les mains et avec la voix et, si certains trouvèrent cela amusant, d'autres s'en moquèrent et c'est lors de ces années de classe primaire qu'Émile développa à la fois sa grande timidité, par honte et par peur de ne pas se faire accepter, mais également son caractère farouche où il n'hésitait pas à distribuer des coups à ceux qui l'insultaient. Quand il revenait à la maison, avec punition en main et un œil au beurre noire, son père lui signifiait sa déception, avant de lui demander avec un sourire : Tu as gagné ?.

Le petit garçon approcha finalement de ses onze ans et devait entrer dans un collège public. Un hibou se présenta un soir de juillet, et offrit une lettre à Andrew, annonçant que son fils était admis à Poudlard. Le jeune homme crut à une blague, bien que celle ci soit bien agencée. Il dit même à  son fils  Très fort, le hibou, j'adore. Deux autres hiboux vinrent le lendemain, et, enfin, un sorcier se présenta. Comprenant qu'il ne pourrait se faire comprendre par le père, il expliqua toute la situation au fils qui se chargea de traduire. Leur surprise ne fut que plus belle quand le sorcier leur fit une démonstration, tout en appuyant sur le fait qu'Émile serait capable de faire la même chose. Andrew, désorienté, ne savait que faire. Quand il vit le regard fasciné de son fils devant la baguette du sorcier, il accepta de laisser partir son enfant. Ils allèrent ensemble, accompagné du sorcier, dans le Chemin de Traverse pour y faire les achats et ils découvrirent toutes les merveilles du monde des sorciers. Émile était fasciné, Andrew avait peur. Ils voyaient des hiboux, des balais volants, des livres volants, des chaudrons fumants, tout était nouveau, tout était incroyable. Les quelques économies d'Andrew furent toutes dépensées dans les achats scolaires, mais rien ne fut hélas neuf, même cette petite chouette chevêche "en solde" car personne n'en voulait. Andrew, qui avait perdu son éternel sourire en arrivant dans la rue, parvint enfin à s'amuser en désignant l'oiseau et en indiquant à son fils :Sacrée boule de plumes. C'est ainsi que la chouette fut nommée respectivement : Bouldeplumes.

Les adieux à la gare furent déchirant. Émile n'avait jamais quitté son père plus de quelques heures depuis sa naissance et, s'il était excité à la perspective d'aller à Poudlard, il avait peur de se retrouver seul. Le voyage en train fut long, mais, heureusement, il trouva quelques élèves de son âge aussi perdus que lui, et ils découvrirent ensemble chocogrenouilles et dragées surprises.
La première année, riche en découvertes, laissa place à la deuxième, puis aux suivantes. Le garçon grandit, devint un adolescent qui s'épanouissait dans le monde des sorciers. Il découvrait enfin qui il était et savourait les nouvelles perspectives qu'offraient ses pouvoirs ainsi que ses nouvelles passions. Il aimait tout particulièrement les cours de défense contre les forces du mal, ainsi que, étonnamment, l'histoire de la magie. Il tenta d'intégrer l'équipe de sa maison, en vain, car il reste très maladroit sur un balai. Il préfère de loin marcher, voire à défaut utiliser la poudre de cheminette. Il  se débrouille en Sortilège, et excelle en astronomie, car cela lui rappelle les heures passées à observer le ciel durant son enfance.

Toujours aussi timide et solitaire, il se laissa pourtant guider par les secrets et les merveilles de Poudlard, tout en ayant derrière une scolarité tout juste correcte. Travailleur certes, mais il n'en restait pas moins un fils de moldu, ce qui n'aide pas toujours à l'intégration. Il éprouvait également des difficultés là où tous ceux qui ont grandi dans la magie n'en connaissent pas. Arrivant finalement en cinquième année, il s'interroge désormais de plus en plus sur son avenir, et sur ses possibilités. Il intégra le club de duel, et appréciait chaque heure passée à apprendre à se défendre et à se battre. Il compte travailler dur pour ses Buses, afin de s'offrir les meilleures chances pour un avenir confortable.