La lune était ronde et belle, les astres éveillés par milliers dansaient gracieusement, la brise s’accrochait aux bourgeons frigorifiés, offrant une vue magnifique par les plus hautes tours du château à quiconque prenait le temps de glisser les yeux sur le paysage. Ackley n’avait ni le temps ni l’envie de scruter les beautés que Mère nature offrait aux mirettes admiratives. Une boite en carton, joliment enrubannée, coincée entre les doigts avait toute son attention. A parcourir les escaliers à grandes enjambées pour rejoindre le nid des aiglons, il scrutait avec attention les moindres vibrations de son emballage, il ne fallait qu’il finisse écraser, sans quoi il n’aurait plus qu’à faire demi-tour et tacher d’arranger le massacre. La perspective l’enchantait autant que de jouer les équilibristes sur un filin tendu au-dessus de Poudlard, ses pas ralentissaient instinctivement en approchant du bon endroit.

Une petite foule compacte d’élèves portant une cravate bleu et bronze gardait le nez haut levé sur le heurtoir de pierre sans lui prêter la moindre attention. Tous occupés à agiter leurs neurones semblaient naviguer dans un monde parfaitement inconnu, marmonnant des hypothèses pour faire émerger la meilleure des solutions à l’énigme qu’il leur avait été donné. « Rude.. » Réflexion pour lui-même qui brisait la tranquillité des caboches sérieuses. Plusieurs paires d’opales polaires se plantèrent sur lui prêtes à le lapider directement quand soudainement l’oiseau immobile pivota pour les laisser passer. De la danse de haussement de sourcils baignés dans l’incompréhension, Ackley attrapa l’oisillon le plus proche par l’épaule. « Va m’chercher Aurora ! » Vu l’air ébahi du gosse, le brun se dit qu’il avait du oublier quelque chose. « La pompomgirl canon » Aucune réponse, juste des cils ébènes battant le vide et des pieds trépignant d’impatience. « S’il….  te plait ? »

Le gryffondor ne sut pas si c’était la formule de politesse qui motivait le môme à se bouger ou si c’était le mouvement inverse de la porte de prison, mais ça simple disparition suffit à coller à sa bouille un sourire béta. Sa belle allait adorer la surprise, il en était sûr ! Il avait tout préparé, et puis les filles aimaient les surprises, sa sœur le lui avait affirmé. Et puis il aimait voir sa belle petite amie étonnée. Tripottant le petit paquet, Patience-enthousiaste scrutait l’ouvrage de bronze, se demandant pourquoi un tel engin de torture gardait la porte de la salle commune des Serdaigle. Un mot de passe aurait dû suffire, pour les rouges et or c’était un simple mot de passe, il suffisait juste de ne pas l’oublier, ici c’était franchement étrange, mais marrant en même temps à y repenser. A pouffement parfaitement innocent Ackley se rappelait avoir vu des élèves dormir en boule sur le sol car incapables de trouver la solution pour retrouver leur lit. « Héhéhéhé » Un ricanement moqueur lui échappait incontrolablement alors que le lourd ventail pivotait à nouveau.

Sans regarder et bien trop persuadé que ce ne pouvait être que son amoureuse aux longs cheveux neigeux qui pouvait sortir, il s’arrêtait d’un coup et inspirait profondément comme pour partir en plaidoirie. « Aurora, je suis content que tu ais accepté de venir me rejoindre, j’ai quelque chose pour toi, mais j’aimerai avant de te le donner que tu me suives. Ca ne sera pas trop long, ca n’empiètera pas sur ton temps de révision ! » Ackley n’avait jamais été un grand orateur, il avait appris son texte par cœur, l’avait répété plusieurs fois avant de venir jusqu’à l’entrée des Serdaigle. Il connaissait par coeur le parcours le plus rapide pour la tour d'astronomie -la suite du programme dès qu'elle aurait acquiessé d'un signe de tête- Et maintenant qu’il avait réussi à sortir sa tirade d’un bloc il levait le nez, un sourire un peu trop fier sur le visage, un sourcil rehaussé semblant vouloir dire « alors j’ai géré ? »

 — Something blue ~

L'astre lunaire avait étendu son voile sombre et fin parsemé de milliers de diamants étincelants, la déesse de la nuit se faisait particulièrement calme ce soir-là, c'était une nuit de pleine lune les loups-garous étaient déjà dehors depuis plusieurs heures à hurler aux abords du château loin des autres. Avec l'arrivée des braconniers la sécurité avait été renforcée, il était désormais défendu d'aller s'aventurer dans la forêt interdite, des mesures radicales avaient été prises mais bien sûr il y avait toujours des esprits rebelles et aventureux pour déroger à la règle. Assise sur l'un des divans de sa salle commune l'aiglonne était plongée dans la lecture de son roman noir, la lumière bleutée lunaire éclairait la pièce de ses teintes pastel donnant une ambiance presque mystique au perchoir des aigles, elle n'entendait que le feu crépiter en silence dans la cheminée restée allumée à sa droite alors que ses jambes se recroquevillaient sur elles-mêmes ses doigts fins et graciles agrippèrent le plaid gris perle en polaire et le ramena un peu plus sur ses cuisses, ils avaient beau être en avril le froid persistait encore.  Plongée dans sa lecture elle ne fit pas attention aux premiers coups donnés à la lourde porte de bois massif qui était l'entrée de la salle commune des bleus et argent. Entrer n'était pas chose aisée, si dans d'autres maisons il fallait donner un mot de passe chez les serdaigle il fallait répondre à une énigme donnée par la statue en forme d'aigle agrippée sur la porte et certains y restaient parfois bloqués des heures... Le gardien aux ailes de fer n'était pas vraiment réputé pour laisser entrer n'importe qui. Entendant une voix à l'extérieur l'adolescente finit par se lever pour aller voir ce qu'il en était, à tous les coups c'était une 3ème année qui avait raté le couvre-feu, elle avait eu de la chance de ne pas avoir croisé Phinéas si c'était le cas sinon on entendrait encore son sermon à travers les murs. Le septième année n'était pas vraiment réputé pour être très souple sur le règlement, il avait même les lèvres suspendues aux professeurs cherchant sans cesse à se faire bien voir. Aurora se donnait aussi bonne impression auprès des enseignants mais ne faisait pas autant de zèle que lui c'était certain. S'approchant de la porte elle tendit l'oreille pour écouter à nouveau l'énigme puis finit par rouler des yeux avant de murmurer calmement "Le non-être ne peut avoir vécu." aussitôt le volatile replia ses ailes sur lui-même puis pivota laissant alors son oisillon perdu rejoindre son nid mais la belle aux cheveux argentés l'arrêta net d'un geste de main "Retiens-le à l'avenir." le petit blondinet hocha la tête mais semblait vouloir dire quelque chose "Y'a un gryffondor qui veut te voir." il semblait essoufflé, sans attendre elle répondit froidement "Où ?" autant aller au plus simple surtout que les préfets pouvaient revenir d'une minute à l'autre de leur tour de garde "Pas loin de l'entrée de la salle commune..." elle le reconsidéra du regard puis frôla tout juste les uniformes de d'autres retardataires un peu tête en l'air "File." indiqua-t-elle alors à la tête blonde avant d'aller récupérer son roman et sortir de la pièce. Réarrangeant sa longue chevelure polaire elle leva ses lanternes d'aigue-marine vers la silhouette qui se tenait en face d'elle, reconnaissant sans peine son propriétaire. Il pouvait tout aussi bien utiliser son hibou elle lui avait déjà suggéré mais il avait ses propres méthodes.

Avançant lentement vers le rouge elle laissa le bouclé prendre la parole en premier, curieuse de savoir ce qui l'avait amené ici, lèvres closes elle ramena ses phalanges le long de la pince d'argent dont les ailes parsemées de citrine contrastaient curieusement avec ses longs fils de lumière et d'or blanc. Ecoutant le lion parler elle ne savait pas trop à quoi s'attendre avec les surprises de ce dernier ils avaient beau être ensemble depuis un certain temps il arrivait parfois qu'il ne tombe pas toujours juste sur les préférences de sa dulcinée. C'était parfois à se demander comment ces deux-là pouvaient encore être ensemble malgré leurs personnalités sensiblement différentes, certains murmuraient que les opposés avaient tendance à s'attirer mais jusqu'à quel point ? Parfois ne pas pouvoir partager les choses qui animaient son esprit sage avec son chevalier servant qui était il fallait le dire un peu moins réfléchit que sa petite amie embêtait un peu cette dernière. L'ennui venait alors s'installer chez la princesse blanche mais elle n'y prêtait pas plus attention que cela considérant cela comme les aléas de la vie de couple, tout ne pouvait pas être parfait après-tout. Misty avait un avis plus réservé par rapport à Ackley, Aurora s'en doutait bien mais bon il n'était pas question de remettre en cause leur relation. Ackley était ce qu'il était un grand dadais qui ne brillait pas par son intelligence mais  après-tout elle ne lui avait pas accordé le statut de petit ami sans avoir eu un moment de réflexion auparavant, gardant un visage impassif pendant quelques secondes la reine des glaces eut pendant une poignée de secondes un léger rictus. Amusée par son interlocuteur et son discours presque récité mécaniquement comme une poésie, une sorte de récital appris par coeur, elle laissa aussitôt disparaître cette légère trace de joie sur ses traits finement dessinés, ses doigts fins et graciles cherchèrent l'une des deux mains imposantes de son garde du corps puis l'interrogea du regard après avoir laissé s'échapper un "Montre-moi."

design  ϟ vocivus // icons ϟ chrysalis  

Pas de réaction à son arrivée, si ce n’était le sourire qui étirait les lèvres du jeune homme inexorablement. Il avait juste besoin d’apercevoir sa longue chevelure stellaire qui retombait en cascade sur ses épaules pour afficher une moue béate qu’importait le lieux ou l’heure. Parfois il suffisait même que Balthazar fasse une simple allusion –peu cachée- pour que ses babines s’ourlent tendrement instinctivement. C’était plus fort que lui, il ne contrôlait rien, ni les actions de son corps, ni les battements de son cœur alors qu’il récitait sa tirade. Son estomac se nouait même un peu d’une délicate appréhension, accrochant son attention au moindre mouvement de sa Belle. Ce simple rictus sur ses pétales de rose délicats savait gonfler son être d’une vague de satisfaction délectable qu’il ne pouvait décrire.

Qu’importait les grands mots, ils appartenaient à la demoiselle, lui se contentait des gestes et de la brulure de la spontanéité encore insouciante. Babines hautes redressées, semblable à un golden retriever, la chaleur de la petite main de la demoiselle au creux de sa grande paume, le fit secouer énergiquement la tête. Les bouclettes enthousiastes acquiesçaient silencieusement, se moquant bien des regards tous ronds posé sur leur composition de couple. Depuis toujours Ackley avait pris l’habitude d’occulter ces questions muettes dans le regard d’autrui, ayant –depuis deux ans- trouvé les seules capables de le préoccuper : ces lapis polaires qui le fixaient. Jamais il n’aurait cru que la pom-pom girl ne le garde à ses côtés aussi longtemps. Des types capables de jouer les gardes du corps, il devait y en avoir d’autre et pourtant, contrairement aux histoires de ses amis, la sienne était la plus stable et la plus saine.

Il en était fier. Continuellement, même s’il ne pouvait l’avouer avec ses potes. Mais cette chaleur réchauffant son cœur n’avait eu de cesse de croitre au fil du temps. C’était grâce à elle, il le savait, elle n’était pas comme les autres. Elle était comme un petit hérisson de glace, fragile et fort à la fois, discret et pourtant doté d’une telle prestance qu’il était impossible de ne pas la voir. Alors ce soir, comme d’autres, alors qu’il pouvait se faufiler loin de la salle des lionceaux, c’était pour laisser le Temps s’écouler à ses côtés. Pas vraiment pour une occasion spéciale, ou justement car il aimait passer du temps en tête à tête avec elle, ou juste car c’était ce qui lui semblait le plus naturel. Il avait tout préparé en avance, sans rien dire à Balthazar et Claude –les révisions intensives de ces deux les accaparaient énormément- usant de son statut pour obtenir un accès sur un soir où la tour d’astronomie n’était pas réservée.

Pas une mince affaire quand on était juste présent dans les activités sportives et de duel. Mais le trépignement qui s’éveillait en enroulant délicatement ses doigts autour de ceux de sa Douce en valait le coup. Il pouffa sans aucune discrétion, plus que ravi d’avoir éveillé l’intérêt qu’il voulait susciter. C’était avec des airs de gentleman et un bout de nez altier qu’il menait sa Tendre, sans un mot jusqu’à la porte close de la tour d’astronomie. Se courbant comme un majordome, sa main libre tendait l’offrande d’une clé en fer forgée rehaussée d’un ruban de satin bleu ciel. Mise en scène inutile vu que les lieux n’étaient verrouillés, mais Ackley avait tenu à pouvoir faire ce geste et ainsi murmurer « Si vous voulez bien me faire l’obligeance » Le timbre de sa voix trahissait son amusement à s’entendre prononcer des mots aussi engoncés. Ses mirettes se redressaient pour s’assurer que la demoiselle prenne le cadeau et pénètre dans la salle.

Pour l’occasion, Ackley avait demandé au club d’astronomie de laisser des coussins moelleux, et des plaids chauffant. Deux tasses de chocolat viennois attendaient sur un plateau qui lévitait près de la porte. Pas si mal vu la longueur des négociations qui lui avaient offert juste une heure de privatisation de l’endroit. Et si pénombre ne permettait pas de voir la fierté greffée à sa frimousse, son empressement le trahissait sans souci. « Tu veux boire quelque chose ? Manger ? J’ai un truc à te montrer ! Ca va te plaire ! » ou du moins il l’espérait. Il lui avait fallu un bon moment avant de maitriser le geste du poignet à effectuer de concert avec le marmonnement de la formule. « Tu veux voir ? » L’enthousiasme et l’impatience transpirait dans chacun de ses mots lui donnant un air de bébé labrador trop ravi de montrer son plus incroyable des jouets. « Mais il faut aller dehors, tu veux une couverture ? J’aimerai pas que tu prennes froid » car en plus ses compétences en médicomagie étaient médiocres. Vraiment. Il ne voulait pas qu’elle tombe malade. Jamais. Et encore moins ce soir. Le sérieux faisait planter les mirettes dans les siennes alors qu’il attrapait déjà de quoi la couvrir.