C'était quelque chose de vraiment agréable d'avoir des amis proches parmi les membres du personnel de l'école. Il y avait évidemment Maithias à la bibliothèque, et c'était une chance extraordinaire d'avoir son meilleur ami sur son lieu de travail. Cela dit, il n'était pas le seul de ses amis à avoir trouvé un poste à l'école de sorcellerie. Alice connaissait Chiara depuis l'école et l’avait toujours beaucoup aimée même si celle-ci avait parfois des difficultés avec son état de lycanthrope. La blonde avait tout fait pour lui démontrer qu'elle ne devait avoir honte de rien et qu'elle pouvait parfaitement se faire des amis, malgré son état.

La preuve en était que leur amitié avait duré jusqu'à l'âge adulte. Désormais, leurs moments ensemble constituaient en quelques heures régulièrement qu’elle passait l'une avec l'autre, du côté de l'infirmerie, de la salle d’arithmancie, ou parfois dans la Grande Salle au moment des repas. Elles aimaient bien boire un thé et manger quelques gâteaux ensemble tout en discutant de choses et d'autres. C’était avec elle que Alice avait rendez-vous ce jour-là et elle ne s'était pas privée de préparer un petit stock de gâteaux maison que les deux femmes pourraient savourer ensemble en se racontant leurs histoires.

Lorsque Chiara ouvrit la porte, elle semblait contente de la voir mais quelque chose sur son visage faisait dire à Alice qu'elle venait de vivre une expérience peu agréable. Au vu de la proximité de la pleine lune, il s'agissait sûrement de l'ingurgitation de sa potion Tue-Loup. Cette potion avait le mérite d'être extrêmement efficace, mais l'inconvénient d'être très mauvais au goût. Alice décide de lui changer aussitôt les idées en l'accueillant avec un grand sourire et en lui montrant le petit plateau des gourmandises qu'elle leur avait concoctées. Peu importait que Chiara puisse être un peu dégoûtée par sa potion, le thé et les gâteaux lui permettraient de se changer les idées.

« Salut, ma belle, je t'ai fait une bonne plâtrée de tes cookies préférés. Tu dois avoir plein de boulot en ce moment, je suis sûre que ça te fera du bien de manger des gourmandises sucrées. »

Alice avait eu l’impression, avec les mois qui passaient, que Chiara se sentait un peu mieux. Elle l’avait trouvée plutôt heureuse quand elle avait passé un moment avec Thunder, Axelle et Beth. Et finalement, elles avaient passé un bon moment toutes ensemble. Quant à ce rituel matinal qui les occupait, c’était un moyen de rendre la vie plus douce à une femme qui vivait sans-cesse avec quelque chose en elle qui la troublait. Si Alice ne pouvait pas complètement se mettre à sa place, elle pouvait parfaitement la soutenir de tout son cœur. Et c’était ce à quoi elle s’employait de son mieux.

« Tu as eu bien raison », dit-elle juste avant que Chiara ne s’excuse.

Elle la regarda avec un peu de compassion dans le regard. Les loups-garous avaient cet avantage de pouvoir compter sur la potion Tue-Loup qui était désormais clairement assez répandue pour être couramment utilisée. Mais elle était toujours détestable à boire, cela n’avait pas changé. De fait, la grimace de Chiara était des plus compréhensibles. Évidemment, Alice ne pouvait pas y faire grand-chose, mais elle pouvait, par ailleurs, lui assurer son soutien. Et elle savait que c’était compliqué pour elle de boire ce genre de choses. Mais elle n’avait pas le choix, et il fallait bien qu’elle le fasse. Heureusement, le thé allait changer le goût dans sa bouche.

« Je suis désolée, ce n’est pas dans mes compétences. Mais je peux être là pour te soutenir quand il te faut l’avaler. La pilule passera mieux avec du thé et des petits gâteaux. »

Elles s’assirent paisiblement. Le plus compliqué était passé pour Chiara et il n’y avait plus qu’à discuter de tout et de rien sans plus se prendre la tête. Alice se sentait bien, installée ainsi avec une amie et elle trouvait que c’était une façon bien agréable de commencer la journée. Elle mourrait d’envie de connaître toutes les petites anecdotes que l’infirmière pourrait lui raconter. Après tout, elle était curieuse, même si la bonne conduite se devait de ne pas trop le manifester et de ne pas propager les ragots. Après tout, il était facile de se fier aux on-dits, mais aussi dangereux.

« Alors, qu’est-ce que tu as de beau à raconter ? »

La mention de son collègue de potions rendit Alice un peu pensive. Elle ne connaissait pas bien Crowley, mais des rumeurs circulaient disant qu’il s’était passé des choses. Alice n’aimait pas colporter des rumeurs, et elle n’y prêtait attention que d’une oreille distraite. Pour autant, elle se demandait parfois s’il fallait se méfier de cet homme. Il n’avait pas l’air dangereux, mais elle était bien placée pour savoir que cela ne voulait rien dire. Elle avait elle-même expérimenté à quel point une personne pouvait paraître fiable et mieux lui tirer dans le dos à la première occasion. La seule chose qu'elle n'avait pas, c'était une certitude.

En attendant, il avait l'air d'un potioniste plutôt compétent, et s'il était difficile de savoir s'il était possible d'améliorer la potion Tue-Loup, il devait faire partie de ceux qui étaient capable de le découvrir. Spontanément, c'était vers lui qu'elle se tournerait aussi pour ce genre de question et elle trouvait logique que ce soit ce qui vienne en tête de son amie, quand elle pensait à cette potion qu'elle était obligée d'avaler tous les mois. Il n'y avait rien de plus efficace pour lui éviter les désagréments d'une nuit de pleine lune, mais ce n'était clairement pas une partie de plaisir de l’avaler.

« Il y a certainement plus de chance pour qu'il arrive à te donner des réponses que moi. mais tu auras toujours mon soutien pour autant. »

Alice était très curieuse des nouvelles concernant Chiara et elle fut contente d'apprendre que celle-ci se sentait un peu mieux dans sa peau. Il n'était jamais facile d'être lycanthrope et depuis toute petite, elle avait forcément cette crainte de faire du mal à quelqu'un qui lui était cher. Alice lui avait démontré que cette crainte n'avait plus de sens, maintenant qu'elle avait un remède qui lui assurait un certain contrôle sur elle-même et si ces arguments n'avaient pas fait mouche tout de suite, elle était tout de même ravie de voir que son ami y songeait. Elle espérait que celle-ci finirait par comprendre à quel point il pouvait être précieux de sourire à la vie quand c'était possible.

« Comme je suis contente ! C'est important que tu le voies. Il n'y a rien de pire que de considérer que l'on peut être dangereux, et ce n'est plus vrai maintenant. Tu fais tout ce qu'il faut pour que ça ne le soit plus. Tu dois vraiment garder ça en tête, n'est ce pas ? »

Il était étonnant qu'elle vienne de parler d'un professeur et que ce soit justement celui-ci qui soit au centre des racontars que Chiara avait entendu. Ça n'étonnait pas spécialement Alice qu'un professeur puisse être attiré par cet homme. Il avait une certaine classe et un charme indéniable. Mais elle doutait qu'il soit disponible. Pour ce qu'elle en savait, il ne s'intéressait que très peu aux femmes qu'il croisait et elle n'aurait pas été autrement surprise d'apprendre qu'il était déjà amoureux de quelqu'un, quelque part, ailleurs. Peut-être aussi qu'il n'avait pas oublié sa femme. Après tout, c'était peut-être elle qui avait décidé de le quitter et peut-être que pour lui, cette histoire n'était pas terminée.

« Voilà qui est tout à fait surprenant. Mais malheureusement, je crains qu'elle n'ait pas vraiment ses chances. Ça ne m'étonnerait pas qu'ils s'intéressent déjà à quelqu'un, mais je doute que ce soit une personne qui fasse partie du corps professoral. Ne te méprends pas. je n'ai reçu aucune confidence, mais c'est l'impression qu'il me donne. »

De son côté, Alice n’offrait qu'une oreille tout à fait distante aux différents ragots. Elle n'aimait pas vraiment prêter l'oreille à toutes ces petites intrigues, même si elle appréciait de pouvoir partager les nouvelles avec son amie. Les événements qui jalonnaient sa vie actuellement avaient plutôt de rapport avec des élèves qu'avec les histoires du personnel enseignant. Elle avait d'ailleurs des inquiétudes à ce sujet dont elle décida de faire part à l'infirmière de l'école qui pourrait peut-être aider les personnes concernées à se sentir un peu moins désemparée face à tout ce qui se passait.

« Je n'ai pas vraiment de ragots à te partager. Cela dit, je m'inquiète pour les petits Emrys. Certains sont venus me trouver. Il se passe pas mal de choses dans cette famille depuis quelques temps. J'ai peur que les conséquences sur leurs enfants soit de pire en pire. »

Chiara faisait preuve doublement de sagesse en allant discuter de son souci directement avec la personne qui était la plus à même de lui faire bénéficier de ses compétences, mais également en évitant de mentionner cette histoire de cœur sur laquelle on s'était confié à elle. Elle avait totalement raison sur le fait qu'il valait mieux éviter de se mêler des affaires des autres. Dans certains domaines, il n'était pas faux que cela pouvait être sujet à caution, mais certainement pas dans le domaine des histoires de cœur. De toute façon, il valait sans-doute mieux éviter de parler de quoi que ce soit, dans la mesure où il était presque certain que l'homme n'était pas disponible.

« Tu feras bien. Il vaut mieux se contenter de parler de ce qui nous concerne personnellement. Je pense sincèrement que Violette saura faire ce qu'il faut si cela devient nécessaire à un moment donné. »

Alice fut un instant désarçonnée par la plaisanterie de Chiara, non pas parce qu'elle la trouvait inappropriée, mais parce qu'il existait une préfète du nom de Wood actuellement, et que Alice ne l'avait jamais été sous ce nom. Elle ne parvenait donc pas à s'identifier instantanément à cette appellation, dont il lui semblait que c'était plutôt celle de sa fille. Après être restée un certain temps hébétée, elle se mit à rire en prenant enfin conscience de quoi son amie était en train de parler. Il lui avait fallu du temps mais elle avait fini par comprendre quand même.

« Désolée, j'ai buggé. La préfète Wood, c'est Betty. Il me semble que c'était Cooper moi à l'époque. Mais je suis contente que tu aies retenu mes conseils. Tu mérites d'être heureuse, Chiara. »

La discussion changea de tournure quand Alice mentionna les enfants de la famille Emrys, dont plusieurs semblaient troublés actuellement. Évidemment, Chiara était prête à leur ouvrir ses portes et son écoute, Alice n'en doutait pas. Mais elle savait que ce n'était pas quelque chose de facile pour eux et qu'il leur serait peut-être compliqué de reconnaître que quelque chose n'allait pas bien, surtout en ce qui concernait les deux aînés de la famille qui avaient tendance à protéger leur petits-cousins. Alice n'était pas certaine qu’ils viendraient spontanément se confier, même si la petite Maelys était venu le faire auprès d'elle.

« Je ne sais pas s’ils seront du genre à venir se confier à nous aussi spontanément. Il va peut-être falloir garder un œil sur eux, histoire de s'assurer qu'ils ne vont pas s'effondrer à un moment ou à un autre. »

Chacun vivait sa vie comme il le voulait et il n'était pas forcément nécessaire d'avoir un ou une petite-amie pour se satisfaire de la vie qu'on menait. Une vie sans amour était triste, mais Chiara mentionna Warf et elle avait raison, un animal pouvait parfaitement être cette source d'amour donc quelqu'un avait besoin. Alice avait besoin de plus et elle l'avait trouvé on la présence de Thunder mais si Warf suffisait à Chiara, cela pouvait être assez pour le bonheur. C'était quand-même une forme d'amour dans sa vie. Et puis, il n'y avait rien de plus loyal qu'un animal.

« C'est peut-être pas parfait, mais t'auras sûrement moins de mal avec lui qu'avec un certain nombre d'autres partenaires. »

Son mariage avait probablement été le plus beau jour de sa vie pour Alice. Elle avait attendu pendant tellement longtemps de se marier avec la femme qu'elle aimait et en plus, les préparatifs du mariage avaient été agrémentés de quelques petites choses pas très agréables puisque les ennemis de Thunder s'en étaient mêlés. Alice n'oublierait jamais l'horreur et le vécu du moment où elle avait été entre les griffes de cet homme cruel et elle avait beau s'en être remise et voir dans sa vie beaucoup de joie désormais, cela ne disparaîtrait jamais complètement.

« La vie est faite des preuves et de cadeaux. Et il vaut mieux en savourer les cadeaux parce que quand viennent les épreuves, on a besoin de la force de ce qui va bien pour les supporter. Et crois-moi, on n'a jamais trop de force pour ça. »

Alice était persuadée que Chiara ne disait pas totalement la vérité en assurant être heureuse. Elle trouvait du bonheur dans ce qu'elle pouvait, aucun doute là-dessus, et elle faisait beaucoup d'efforts pour se rendre heureuse, mais Alice savait qu'elle était loin d'avoir tout ce qu'elle voulait. En même temps, personne n'avait exactement tout ce qu'il voulait, même pas elle qui en avait pourtant beaucoup. Elle était contente de s'apercevoir que son amie faisait des efforts pour trouver du bonheur dans sa vie. Elle aurait seulement voulu lui montrer que ce n'était pas parce qu'elle était différente qu'elle ne pouvait pas avoir de belles choses.

« Je ne dis pas qu'il le faut, mais je serais heureuse pour toi que tu rencontres quelqu'un qui pourrait te rendre encore plus heureuse. Si jamais cela devait se produire, ça me ferait extrêmement plaisir pour toi. »

La famille Emrys semblait avoir un certain nombre d’épreuves pénibles dans leur vie actuellement et il ne faisait aucun doute qu'ils allaient avoir besoin d'aide. Mais elle les connaissait. En dehors de la petite Rowena qui avait la langue bien pendue, il était rare d'en avoir un pour raconter sa vie. Alice s'était estimée chanceuse et avait considéré que c'était une véritable preuve de confiance que la petite Maelys vienne se confier à elle, mais elle était à peu près sûre qu'elle ne le ferait pas avec la plupart de ses collègues. Il lui fallait une bonne dose de confiance et il était difficile de l'obtenir de la jeune fille.

« Si tu as réussi à nouer un lien, c'est possible. Mais je sais que sa confiance est difficile à obtenir. Et sans elle, impossible de savoir comment elle va réellement. »

Il était évident qu’un chien ou un chat n'apportait pas forcément autant de réjouissances que ne pouvait le faire un compagnon de vie amoureux. Mais sachant combien les choses pouvaient être compliquées avec quelqu'un qui ne vous respectait pas et qui ne vous traitait pas correctement, Alice avait longtemps pensé qu'il valait mieux être seul que mal accompagnée. Désormais, elle était un peu sur une autre longueur d'onde puisqu'elle avait trouvé la personne faite pour son cœur et qu'elle était mariée avec deux filles. Mais elle ne savait pas si Chiara aurait cette chance, même si elle la méritait amplement.

« C'est certain, et je te souhaite de trouver la personne qui te rendra vraiment heureuse. Mais en attendant, je suis contente que tu aies déjà ça. »

Alice comprenait combien la nature de loup-garou de quelqu'un pouvait faire peur. Un lycanthrope était incapable de se contrôler sous sa forme lupine et il était évident qu'il ne pouvait qu'avoir peur de ce qu'il était capable de faire. Par ailleurs, il existait des armes pour pallier ce danger et il était aussi évident que c'était normal que Chiara veuille s'en protéger. Puisqu'elle en avait les moyens, le plus logique était qu'elle les utilise et qu'elle s'en sorte et se contrôle. Alice avait envie de l'encourager sur sa force personnelle, mais il n'était pas question de la pousser à commettre des imprudences.

« Je comprends ton raisonnement et je suis sûre que tu fais toujours ce qu'il y a de mieux pour éviter de mettre qui que ce soit en danger. mais je conçois que ça ne soit pas facile pour toi. »

Évidemment, la vie en couple était un choix, un choix qui impliquait les deux membres du couple. Mais pour qu'il y ait couple, il faut qu'il y ait intérêt des deux côtés et c'était à chacun de déterminer s'il avait ce sentiment pour quelqu'un d'autre. Si tel n'était pas le cas, alors forcément, la personne demeurait seule. Et si elle avait un semblant de bonheur de cette façon, si c'était la vie qu'elle avait choisie, alors il n'appartenait à personne de décider que ce choix n'était pas le bon. La question que se posait Chiara au sujet de sa propre personnalité et de ses goûts était peut-être légitime mais elle n'avait qu'un sens mesuré pour Alice. La jeune femme avait elle même cru pendant longtemps qu’elle serait incapable de s’attacher à qui que ce soit de cette façon à cause de ce qu'elle avait vécu et il avait fallu attendre trente ans pour qu'une opportunité se présente à elle.

« Je ne sais pas te dire quels sont tes goûts en matière d'amour, mais je peux te dire qu'on est jamais sûr de rien. Les opportunités peuvent se présenter sans qu’on s'y attende. Quand j'ai atteint la trentaine, j'ai fini par croire que ce genre de vie n'était pas fait pour moi, que je ne serais pas capable de trouver chaussure à mon pied. Et puis, je suis tombée sur Thunder et j'ai fini par me marier. Comment savoir le chemin que tu choisiras, si d'aventure tu trouves quelqu'un qui te plaît ? »

Alice était heureuse d'avoir un appui en ce qui concernait les enfants dont elle avait remarqué que la vie actuelle de leur famille les troublait et les perturbait. La présence de l'infirmière ne faisait pas tout car elle avait pu constater combien la situation était complexe pour tout le monde. Mais ce dont Alice était sûre, c'était qu'il était plus que probable que plusieurs d'entre eux, et notamment les plus jeunes qui n'avaient pas la spontanéité de venir en parler, allaient avoir besoin d'un grand soutien. Elle avait l'intention de missionner ses collègues afin que tous les enfants soient surveillés. Elle se chargerait probablement elle-même de la petite Rowena qui était de sa maison. Mais pour les autres, elle avait l'intention d'alerter les différends directeur de maison concernés.

« J'envisage d'alerter tous les directeurs de maison sur la situation de cette famille en particulier. Il n'est pas impossible que les jeunes Crowley soient affectés aussi. Pourquoi faut-il toujours que ces vieilles familles se chamaillent au détriment de leurs enfants ? Ils ne se rendent-ils pas compte du mal que cela peut faire ? »

Alice avait toujours eu un profond respect et une grande admiration pour Albus Dumbledore. Tout le monde s'accordait à dire qu'il avait été le meilleur directeur pour l'école de Poudlard et que cette école était sa seule vraie maison. Mais au-delà de cette vérité et de la sagesse de leur ancien directeur, il y avait une chose qui demeurait évidente, c'était que rien ne se faisait ni ne se défaisait sans qu'il y ait d'abord un effort conscient de la part de quelqu'un qui était concerné. Si Chiara voulait qu'il se passe quelque chose dans sa vie, et Alice avait la certitude qu'un jour, elle le voudrait, quoi que ce soit, il lui appartenait de se battre pour l'obtenir, à la condition que ce soit de l'ordre du possible, évidemment.

Elle reconnut en tout cas que son intérêt premier avait toujours plutôt été les hommes. Qu'elle veuille se contenter d'une relation romantique ou obtenir plus, c'était une autre question. Mais elle en savait déjà assez sur elle-même pour se rendre compte de certaines choses qu'elle pouvait vouloir dans une relation et c'était déjà énorme. Dans tous les cas, c'était à elle de décider si elle voulait vraiment construire une relation amoureuse un jour ou si elle préférait que sa condition demeure un obstacle qu'elle se refusait à franchir.

« C'est déjà une chose que tu sais. En tout cas, si un jour tu acceptes d'aller plus loin avec quelqu'un, il n'y aura que toi pour savoir ce que tu seras prête à faire avec cet homme. Quoi qu'il arrive, je pense que personne n'a le droit d'imposer à son partenaire de suivre un chemin qu'il ne désire pas suivre. c'est quelque chose de très important, peut-être le plus important à mes yeux dans une relation. »

Et pourtant, elle lui en laissé imposer des choses, à sa Thunder. Mais il fallait dire que la nature de leur relation, elles l'avaient décidé ensemble et c'était là toute l'importance de la chose. Par ailleurs, la mercenaire s'assurait toujours que Alice avait réellement le désir de lui obéir et qu'elle ne se forçait pas à faire des choses qui pourraient lui être néfastes. Elle le lui avait fait promettre, elle devait communiquer. Mais c'était quelque chose de tout à fait particulier, et Alice était persuadée que personne ne devrait connaître ce genre de détails s'il n'était pas concerné.

« En ce qui me concerne, je peux t'assurer qu'il y a du charme dans une jolie femme. Cela dit, j'ai beau trouver les dames plus à mon goût, ça ne m'a pas empêchée d'attendre longtemps avant de trouver chaussure à mon pied. Comme quoi ça ne sert à rien de seulement se focaliser sur ce qui peut nous plaire. Quelquefois, cette simple constatation n'est pas suffisante. Je pense que ça reste tout simplement compliqué de trouver la bonne personne, quoi qu'il en soit. »

La discussion concernant les Emrys n'était pas tout à fait aussi légère que celle qui concernait les relations amoureuses, mais elle était d'importance. Le bien-être de ces enfants était aussi capital pour Alice qu'il l'était pour Chiara. Il était proprement intolérable qu'une telle souffrance soit laissé sans aucune attention. C’était à elles que venait maintenant la responsabilité de leur prêter cette attention. Chiara était d'accord pour la soutenir dans ce projet et Alice ne pouvait qu'en être ravie. S'il y avait bien quelqu'un en qui elle avait confiance dans ce genre de cas, c'était elle.

« Avec plaisir, Sans compter que si tu as des contacts dont tu penses qu'il pourrait les aider, ça me paraît tout à fait bienvenu de les alerter. Je ne suis pas sûre que d'autres élèves n'aient pas besoin de leur aide un jour, et il vaut mieux avoir les cartes en main. Peut être que je pourrais m'occuper pour le moment de réunir les directeurs de maison et que tu pourrais te charger de récupérer les infos sur les personnes médicalement compétentes pour s'occuper des enfants dans ce genre de cas ? Nous pourrons ainsi tout mettre en œuvre pour que le résultat soit à la hauteur de nos attentes. »

Alice aurait bien aimé pouvoir ouvrir une porte à la demoiselle, mais ce n’était pas à elle qu’on confiait ce genre de choses. Concrètement, elle n’était pas de ceux à qui l’on disait qu’on avait un coup de cœur pour quelqu’un. La seule exception, ce serait si cette personne était Maithias. Mais il ne lui aurait jamais demandé de parler à sa place. Et il n’aurait certainement pas aimé qu’elle trahisse ses confidences. Il y avait donc peu de chances pour que Alice ait ce genre d’informations. Mais elle comprenait que Chiara ait un espoir. Elle avait sans-doute envie de découvrir des choses à ce sujet.

« Malheureusement, pas à ma connaissance. Mais peut-être que cela arrivera un jour. On ne peut pas savoir vraiment de quoi l’avenir sera fait. »

Alice ne se pensait pas jolie. Pourtant, avec le regard de Thunder posé sur elle, elle rayonnait. Elle savait que la femme de sa vie la voyait comme un trésor, qui lui appartenait entièrement. Et elle adorait ça. L’amour pouvait transformer, ça c’était certain. Elle en connaissait qui devenaient beaux rien qu’en se sentant aimé ou en aimant. C’était ça la magie d’un sentiment profond que rien ne pouvait altérer. En ce qui concernait Chiara, elle n’avait pas cette chance, mais elle n’était pas dénuée d’un certain charme pour autant. Alice ne l’ayant pas vraiment connue sans lycanthropie, elle ne savait néanmoins pas l’influence de cela sur elle.

« Tu as du charme, n’en doute pas. Je suis même sûre que certains le voient. Mais peut-être fais-tu un peu sentir que tu es inaccessible. Alors, on ne t’approche pas. Ce sont des comportements inconscients que je ne connais que trop bien. »

Elle avait passé toutes ces années à refuser de flirter ou d’avoir ne serait-ce qu’une opportunité de rendez-vous galant. Mais ce n’était pas pour ça qu’elle n’avait pas fini par trouver chaussure à son pied. La vie était faite de possibilités et elle le savait bien qu’on ne pouvait jamais les prévoir en avance. Alice avait d’ailleurs cessé de chercher à tout prévoir, tout contrôler. Se remettre entre les mains de Thunder avait ceci de positif qu’elle n’avait plus à se focaliser sur ce genre de choses, elle pouvait s’autoriser un peu de répit dans cet aspect de sa vie.

La conversation prit un tour plus grave en mentionnant la famille Emrys, mais les deux amies étaient sur la même longueur d’onde. Il fallait intervenir. Aucun doute que la directrice Goldstein approuverait leur initiative. Le bien-être physique, comme mental, de ses élèves avait toujours été une priorité pour elle et elle était à peu près certaine que c’était seulement en maintenant cela qu’ils parviendraient à former des sorciers puissants et solides, prêts pour forger la prochaine générations d’adultes sorciers qui renforceraient le monde magique. Mais cela ne pouvait se faire sans l’appui de tous. Fort heureusement, Chiara et Alice formaient déjà une équipe de choc sur la question.

« Ne t’en fais pour la directrice. Je m’en occupe. Nul doute que notre initiative sera la bienvenue de toute façon. J’en suis persuadée. Alerte tes contacts et nous verrons quoi faire. »

Le discours de Chiara surprenait Alice. Elle n'arrêtait pas de dire qu'elle n'était pas capable de se battre pour trouver quelqu'un. Et voilà maintenant qu’elle affirmait devoir entrer dans la situation et mettre en place des choses pour que ça se produise. Alice était pourtant persuadée que ce n'était pas ce dont elle avait envie. Elle avait peut-être mal compris mais elle trouvait la situation particulièrement confuse. Cette confusion lui fit froncer les sourcils sans qu'elle ne sache exactement ce qu'elle devait déduire de cette situation. Ce qui était certain, c'était qu’au fond d'elle-même, Chiara semblait en avoir assez de la solitude, même si elle n'osait pas le dire.

« Tu veux absolument rencontrer quelqu'un ? Il y a des moyens pour le faire, tu sais. Je ne dis pas que c'est facile, mais il paraît qu'il y a des méthodes pour rencontrer quelqu'un. Ce n'est pas forcément ce que j'utiliserais, mais peut-être que ça te conviendrait à toi. »

Elle se trompait peut-être mais elle avait l'impression que Chiara idéalisait un peu sa relation avec Thunder. Il était vrai que ça avait quelque chose de magique, que de plonger ainsi dans une relation de cette façon. Mais la magie avait eu un prix. Vivre une histoire d'amour avec quelqu'un comme Thunder, cela impliquait de se confronter à des individus absolument incapables de la moindre compassion et qui était globalement prêts à faire n'importe quoi pour obtenir ce qu'il voulait, sachant que ça avait été le maximum du malheur de Thunder.

« Je n'ai jamais été du genre à initier une histoire d'amour. Je les ai repoussées au maximum pendant longtemps. J'avais une telle considération de moi-même qu'il était impossible de me permettre d'envisager la moindre relation. Et ça n'a pas été simple non plus avec elle. Elle m'a fixé un rendez-vous et j'ai compris qu'elle s'intéressait à moi. C'était plutôt doux. Et finalement, elle a eu peur de me faire du mal d'une manière ou d'une autre et elle a refusé de prendre ce risque. C'était un beau geste mais ça m'a brisé le cœur. Il a fallu que ma vie et ma vertu soient mises en marche pour qu'elle assume qu'elle ressentait quelque chose pour moi et qu'elle tenait à ce que ça aille plus loin. Ce n'est pas toujours facile de construire quelque chose de solide, même quand le début a l'air magique. »

Chiara changea de sujet en évoquant Luna Lovegood et ce fut si soudain que si elle n'avait pas certifié un instant auparavant s'intéresser aux garçons, Alice aurait pu croire que cette mention avait un sens particulier. Après tout, Luna était quelqu'un de vraiment précieux, d'après ce que Alice en savait. Il n'aurait pas été impossible que ce soit à elle que Chiara pense tendrement. Mais la blonde avait la quasi-certitude que ce n'était pas le cas. Elle supposa que son ami avait seulement besoin de passer à autre chose.

« Bien-sûr que je me souviens de lui. Je croyais que tu l'emmenais partout où tu allais. Il t'arrive souvent d'avoir besoin de quelqu'un pour s'occuper de lui ? Remarque, une magizoologiste n'est pas un mauvais choix dans ce cas. »