Ses talons claquent sur le sol alors qu’elle se dirige vers le vestiaire pour ranger ses affaires dans son casier : elle change ses chaussures élancées pour des baskets plus convenables aux urgences. Mais elle a toujours cet air parfaitement impeccable : une jolie couette haute, un maquillage raffiné, un uniforme lime propre à son métier où était inscrit son nom et prénom avec sa spécialité qu'elle avait elle-même brodé d'un fil doré. Désormais dans le bureau des médicomages où se tenaient un grand nombre de dossiers, de papiers qui volaient avec des plumes volantes qui écrivaient les comptes rendus sanguins en temps et en heure à mesure que le service correspondant leur apportait des réponses. Ses collègues sont absents : l’un avait été contraint à se rendre en réunion pluridisciplinaire pour un cas, de toute manière elle était la seule de garde : chose qui arrivaient lorsqu’un patient était au plus mal, et que malheureusement leur spécialité était tellement spécifique que les médicomages urgentistes avaient besoin de leurs savoirs. Mais l’infirmière de nuit, arrivée en même temps qu’elle, lui avait affirmé qu’un étudiant allait arriver et que les rumeurs disaient qu’il se débrouillait bien. Un de ceux d’Astrée, visiblement : un jeune, par conséquent.

Si elle commençait doucement à étudier les premiers relevés, Sebastian ne tarde pas à briser le silence du bureau des médicomages. D’un léger sourire, les lèvres peintes de rouge, elle l’invite à s’installer en appuyant sa sympathie par un mouvement de tête pour qu’il puisse s’approcher. Il ne lui était pas méconnu, assurément. Mais la médicomagie était une matière prisée, par le prestige ou par souhait d’avoir les bases. « Ah… mon cher…» son prénom est sur ses lèvres, là, tout proche. Mais la médicomage a tellement de noms de patients à retenir, et de petits étudiants… que bien souvent elle ne remarque que ceux qui faisaient leurs intéréssants. Le genre d’entre eux qu’elle n’aimait pas voir sur le terrain, par exemple. Les petits malins qui parlaient trop dans ses cours. « Pourriez-vous me rappeler votre prénom, s’il vous plaît ?  » Astrée ne le retiendrait probablement pas de suite, forcément. Elle la jeune silencieusement, portant un oeil sur sa tenue verdâtre, tentant de voir si son nom était inscrit quelque part. « Vous pouvez vous présenter. » Qu’elle glisse dans son léger sourire toujours amical, mais savoir ce qu’il savait déjà plus ou moins faire l’aiderait à le guider pour cette rare soirée où ils seraient ensemble.

Il devait probablement se demander pourquoi il était là : mais Astée avait convenue avec Sainte-Mangouste de prendre de temps en temps quelques étudiants sous sa coupe. Le reste, c’était eux qui s’en occupaient, lui refilant un étudiant dans les pattes lorsqu’il y avait par miracle une surcharge. « On a encore un peu de temps… » Elle affirme en portant un bref coup d’oeil sur sa montre magique : il n’était pas encore l’heure des transmissions avec l’équipe soignante de nuit et d’après-midi. « Vers quel métier du médical souhaitez-vous vous diriger ? » Après tout, même s’il participait à son cours, Astrée avait pour usage la vulgarisation scientifique pour que les métiers du paramédicales et médical puissent trouver leurs spécialités. Il pouvait souhaiter être infirmier, comme psychomage, ou même brancardier. « Petit café ? » Un café n’était jamais de trop en garde. La nuit promettait d’être longue et mouvementée.

Astrée le jauge silencieusement, la sorcière étant particulièrement observatrice, elle se prête à l’analyse des moindres choses qu’il peut lui renvoyer. Aimable, uniforme impeccable, rien qui ne peut la froisser en première apparence. « Faisons une chose, veux-tu ? » Qu’elle lui glisse dans un petit sourire presque tendre, venant croiser son regard d’un air entendu, pour convenir de la suite qui lui ferait un bien fou : parce que Astrée adorait  « Je n’ai pas l’habitude vouvoyer mes collègues de travail, ni mes étudiants en stage et tout le monde ici me surnomme Astrée. Donc c’est ce que nous allons faire si ça te va. » « On reprendra les bonnes habitudes en cours, tu veux bien ? » Astrée s’en fiche bien qu’il puisse accepter ou non son café : qu’il refuse pourrait être remarquable. Mais la jeune médicomage se prête à la méfiance par crainte de tous les étudiants qui se font bien voir en sa présence seulement pour gagner des points. Elle ne connaît pas suffisamment Sebastian pour savoir si elle devait le mettre dans la case “bon étudiant” ou “étudiant qui sait jouer de la flûte”. Elle jaugera au fil de la journée. M’enfin, tremper ses lèvres dans le liquide amer lui fait un bien fou, la chaleur réveille le peu de volonté qui lui reste.

Un médicomage de terrain ? Un urgentiste, par conséquent. Quelqu’un qui devait connaître l'entièreté des généralités des filières spécifiques pour prendre en charge l’essentiel. Astrée n’aurait jamais réussi : elle aimait les horaires strictes, pouvoir venir à son aise sans déborder sur son temps de travail. Les médicomages dans les services, c’était le repos assuré. Hochant la tête pour recueillir son attention et montrer son intérêt, la jeune femme émet un petit sourire nostalgique en songeant à pourquoi elle avait choisi le métier. « Eh bien… ma petite soeur a failli mourir à cause d’une potion qu’elle a avalé alors que mon oncle et moi on regardait pas. Depuis ce jour-là, je me suis glissée vers cette spécialisation. » C’était un peu vrai, pas complètement faux. C’était pas vraiment ça qui l’avait décidé : mais ça y jouait un peu. Comme une petite goutte en plus dans le vase. Mais inutile de dire à son étudiant qu’elle adorait créer des poisons et voir leurs effets pour mieux les soigner. Il la prendrait pour une folle : ce qu’elle était, foncièrement. « Le plus souvent et le plus bête… disons que c’est la poudre de Murlap. On a beaucoup de potionnistes, ou de travailleurs proches qui inhalent la poudre et qui finissent empoisonnés. » Des états graves durant quelques temps qui finissaient toujours par se résorber avec les doses appropriées. Les poumons réagissaient bien aux traitements. « La plupart de nos patients sont des accidents de travail, ou des personnes qui ingèrent des choses qu’ils ne devraient pas ingérer. » Des sorciers qui s’amusaient à manger quelques plates méconnues parce qu’elles avaient de jolies couleurs ou une bonne odeur… Des patients souvent âgés et qui perdaient un peu la tête et qui s’amusaient à la chasse aux champignons sauteurs.

Finissant son café d’une traite, elle reprend avec un regard plus dur, mais pourtant véridique : « Le plus rare, et le plus difficile, ce sont les empoisonnements par un tiers ou par suicide. Les concoctions sont souvent artisanales et les mélanges ne permettent bien souvent pas d’avoir la solution idéale. » Des patients aux bords de la mort : et ils étaient dans cet état parce que quelqu’un avait voulu les mettre dans un état pareil. De quoi donner quelques frissons au début, mais au final on s’y adaptait étrangement vite. « Si tu as des questions, n’hésite pas. Hésite vraiment pa sà me couper, j’suis une petite pipelette. » qu’elle déclare en sachant qu’elle se montrait parfois trop bavardes et trop précises : c’était un truc de prof d'amphithéâtre ça. Mais maintenant qu’elle se montrait plus familière avec lui, son petit accent chantant et hispannique ressortait.

Levant un sourcil inquisiteur, elle lui demande gentiment, en sachant pertinemment qu’elle n’avait pas vraiment évoqué le sujet en cours. C’était tellement spécifique à sa pratique et absent des autres disciplines qu’elle n’avait pas encore effleuré les mesures utilisées. Mais peut-être que Sebastian avait quelques bases. « Tu connais un peu nos méthodes utilisées ? » qu’elle demande, d’une voix douce, en songeant que lui montrer le matériel serait plus simple à sa compréhension.