La vie d'un enfant de Sang-Pur, c'est une vie faite d'apparence. Lorsqu'on appartient à une famille de renom comme les Hargreeves, c'est déjà la vérité. Mais quand on porte le nom de Rowell, faire parler les apparences devient comme une seconde nature. Plaire, complimenter, flatter, tout pour garder sa place dans la petite aristocratie sorcière. Toujours bien habillé, toujours bien poli, avoir l'air de la petite famille parfaite dont les enfants sont promis à de beaux et grands avenirs. Travailler au Ministère de la magie, ce n'est pas suffisant. Il faut viser plus loin, et toujours plus haut, voilà pourquoi il est important de choisir ses alliés avec soin, des amis puissants, et de savoir protéger sa place.

En-dessous, c'est une éducation stricte qui parle. Loisirs décidés par les parents, cours obligatoires avec des tuteurs dès leur plus jeune âge. Garde-robe décidée par les parents. Et obligation de mépriser les elfes de maison. Et attention à celui qui désobéit aux règles. Les punitions sont à l'image du fonctionnement de cette famille : archaïque, arriéré, mais également humiliantes.

Voilà le contexte dans lequel a grandi Edgar. Certains diraient qu'il a eu de la chance, il est le second fils de la famille Rowell. C'est à son ainé, Balthazar, deux ans plus âgé que lui, que revient la tâche ardue de représenter le clan. Tous les espoirs sont mis sur lui, et depuis sa naissance, Balthazar sait que son existence est spéciale. Certes, il n'a pas le choix, mais après tout, comme le dit si bien son père et sa mère. Souhaite t'il réellement autre chose qu'une vie de réussite ? Mais ce n'est pas l'histoire de Balthazar, mais celle d'Edgar.

Nous pourrions imaginer qu'être le second fils réduirait la pression exercée sur les enfants, mais il n'en est rien. Naitre dans une famille de sang-pur, comme dit, c'est faire marcher une entreprise familiale et bien huilée. Tout le monde doit être parfait et irréprochable, chacun porte la réputation de la famille sur le dos. Pas question de choisir, et encore moins d'échouer. Si un jour les Rowell souhaitent se tenir au sommet avec les autres familles, tous doivent être irréprochables.

Mais voilà, second enfant signifie moins d'attente, si ce n'est un soutien indéfectible envers sa famille, envers ses parents, et envers son frère ainé. Pour Balthazar, il a toujours été évident qu'Edgar ne serait rien d'autre que son faire-valoir. Le frère qui doit sourire avec lui sur les photos, mais qui doit également servir de vilain petit canard en cas d'accident ou de bavures. "Vaut mieux Edgar que Balthazar", comme l'a déjà entendu l'enfant dire de la bouche même de ses parents. Ainsi, combien de fois Edgar dû endosser la responsabilité pour les bêtises bêtes et méchantes de son grand frère. Jamais rien de méchant. Les enfants font des choses graves, à leur niveau. Voler une livre, se bagarrer, ou provoquer la goule des voisins. Balthazar a fait les quatre cent coups. Parfois seul, parfois même avec son frère, dans de rares moments de complicité plus ou moins forcées. Mais toujours, si quelqu'un devait prendre, ce serait le second.

Mais il n'y a pas deux fils, il y en a trois. Balthazar, Edgar et Oscar. Bien entendu, le cadet a dû apprendre à marcher dans le pas de ses deux frères. Irréprochable tout autant. Mais si Oscar a une qualité, c'est bien d'être observateur et intelligent. Lorsqu'on grandit en constatant que toutes les erreurs peuvent être balayées en accusant le frère, cela permet plus de liberté. Surtout lorsque le frère en question se sent obligé de défendre son cadet, et de prendre sur lui sans mot dire. Pour Balthazar, c'est le devoir familial qui prime. Pour Oscar, c'est la responsabilité du grand frère qu'il honore. Peut-être Edgar est-il celui qui dispose de la plus grande taille d'âme dans la famille.

Poudlard, ce fut en quelque sorte la liberté de l'esprit. Balthazar avait eu sa place à Gryffondor. Intérieurement, Edgar aurait cru qu'il serait envoyé à Serpentard. Mais des rumeurs circulaient comme quoi, les familles aristocrates savaient comment manipuler l'esprit de leur enfant, le jour de la rentrée, pour qu'il soit envoyé dans l'école de leur choix. Si c'était vrai, Edgar ne reçut pas le même traitement. Son père, qui avait choisi son matériel entier, ainsi que sa baguette, lui avait fait savoir que le fils n'avait pas intérêt à finir chez les "traitres" de Serpentards ou ces "mous" de Poufsouffle. Edgar eut sa place à Serdaigle. Peut-être parce que le Choixpeau eut pitié de lui.

Gosse perdu et inadapté, Edgar avait tout pour devenir la parfaite victime des premières années. Pourtant, il avait appris à s'adapter n'importe où et à savoir se courber pour faire plaisir à quiconque voudrait bien de lui. Il était arrivé avec son appareil photo, unique fantaisie et principal échappatoire, considéré suffisamment noble que son père lui octroya, quelques années avant. Ainsi, très vite, il fut repéré par un garçon en cinquième année de sa maison, qui participait activement à la rédaction de la Gazette. Il invita Edgar à les rejoindre, et devint le plus jeune membre de leur groupe fermé. Une petite élite parmi les aigles. Invité en tant qu'ami, le tempérament d'Edgar fut bien vite compris et mis à profit. Le garçon avait de la ressource, et ne disait jamais non aux missions qui lui étaient demandées. Prendre la photo d'un tel, ou de tel autre furent des services qu'il rendit encore et encore. Et même lorsqu'il hésitait, comprenant lui-même que ses clichés pouvaient servir une cause qu'il ne défendait pas, il y avait toujours quelqu'un pour lui rappeler qu'en tant qu'ami, et membre de leur groupe et de la rédaction, il se devait d'obéir. Souvent discret, Edgar s'attira pourtant une mauvaise réputation avec son appareil photo.

Pourtant, sa première et seconde année furent en quelque sorte les meilleures. Enfin, Edgar avait le sentiment de réellement contribuer à une cause. Non pas en tant que faire-valoir, mais parce que ses talents pouvaient servir à la réalisation d'un projet en commun. Le journal de l'école fut ce projet auquel il travailla avec sérieux. Malheureusement, ce rêve s'écroula lorsqu'en milieu de seconde année, le journal s'écroula de l'intérieur, détruit à force d’excès, d'ego démesuré et de l'égoïsme des propres membres de son groupe. Il aurait voulu lutter, s'acharner, défendre le projet avec les quelques motivés. Mais la décision interne l'obligea encore à courber l'échine, pire, à défendre la réputation de ceux qui avaient mené le journal dans sa chute. Aujourd'hui, en troisième année, le journal n'est plus, ou presque. Depuis, Edgar ne se contente que d'appartenir à un groupe de Serdaigle refermé sur lui-même, ne visant que l'excellence des leurs, et repoussant quiconque n'est pas digne de leur emblème.

Oscar, le petit dernier, est arrivé à Poudlard. Lui n'est pas comme Edgar, il sait mettre en avant son rang et son nom. Il a fini chez les Serpentard, et cela risque d'attirer des problèmes dans la famille. Balthazar, lui, ignore éperdument ses frères, faisant mine qu'il ne les connait pas. A ses yeux, ils sont une entrave à sa réussite, et préfère les voir loin de lui. Pas question qu'ils entachent son parcours impeccable dont lui et ses parents sont si fiers. Edgar lui, est perdu. Entre le groupe qui l'a recueilli et ses propres envies, il ne sait que faire. Il déteste quand l'un de ses seuls autres amis, ose lui dire qu'ils se servent de lui. Qu'est-ce qu'il y connait vraiment ce mec ? A l'amitié ? Vaut mieux être utilisé que méprisé par ses pair après tout. Enfin, si là est vraiment le sens de la vie.