2yo -- Laissé sur le pas de la porte d'un orphelinat, Archie avait un peu plus de deux ans. Aucune trace de sa famille biologique. Seul souvenir de cette mère qui a fait le choix de se séparer de son enfant pour le préserver, une petite lettre de quelques lignes glissée dans la poche du petit garçon. Quelques mots d'excuse, d'amour, de remords face à son geste qui lui semblait la meilleure chose à faire : elle n'aurait pas pu lui offrir la belle vie que les Foster lui donnèrent. Adopté quelques semaines après son arrivée, le couple Foster rêvait d'une famille, d'un enfant, rêve qu'ils pensaient envolé face à des soucis d'infertilité. Puis ils rencontrèrent Archie, son visage arrondi, ses yeux clairs et pétillants, ses petits bras qui immédiatement étaient venus enserrer leurs jambes. Cela ne faisait aucun doute : Archie était fait pour eux.

5yo -- Archie grandit en sachant tout de son histoire, lisant encore régulièrement les quelques mots écrits par sa mère, comme un tendre rappel qu'au fond, il avait été désiré deux fois. Pour autant, il ne voyait pas moins les Foster comme ses parents, les vrais. Grande maison dans un joli quartier de Londres, Archie avait désormais tout pour mener une excellente vie. Foster, c'était un nom plutôt important, dans le coin, un nom qui trahissait leurs moyens, mais pas forcément leur réputation. On aurait pu penser que la famille avait tout pour être de ces gens traditionalistes, bercés par le passé et des valeurs un peu dépassées. C'était loin d'être le cas. Certes, il y avait encore quelques signes de la prestance de la famille dès qu'on passait la porte de leur maison (ou qu'on apercevait la façade à vrai dire). Sans être extravagante et outrancière, la décoration, faite avec goût, était un premier signe évident des grandes ressources des Foster. Puis il y avait les tenues tirées à quatre épingles d'Archie, qui en toute honnêteté, ne s'en plaignait pas le moins du monde. Le grand piano qui occupait le salon, piano qu'Archie connaissait sur le bout des doigts désormais. La vaisselle et l'argenterie, les grands portraits que l'on apercevait dans l'escalier. Mais à côté de ça, les Foster étaient des gens biens, des gens bons. Ouverts d'esprit. Et il fallait au moins ça quand on avait pour enfant un sorcier et, par-dessus tout, un métamorphomage.
Les premières manifestations de son don commencèrent à cet âge, la plupart du temps changement de la couleur de ses yeux, ou de ses cheveux. Un phénomène inexpliqué sur lequel les Foster tentèrent, en vain, de se renseigner. Quand après une dizaine de professionnels de santé, et une part égale de regards blasés et de railleries immédiates, les Foster se bornèrent à ne plus en parler autour d'eux, si ce n'était au sein de leur famille proche. Personne n'avait d'explications et on finit, peu à peu, par l'accepter et s'y faire sans plus chercher à comprendre. Après tout, le principal, c'était qu'Archie restait en bonne santé. A partir de ce jour-là, sa scolarité qui avait déjà été démarrée à la maison, se poursuivit entre les murs protecteurs de la maison.

10yo -- Malgré ce don qu'il ne savait pas vraiment cacher, Archie passait tout de même du temps dehors. Si ses parents voulaient éviter un possible scandale inexplicable à l'école, ils ne pouvaient tout simplement pas le couper complètement du monde extérieur. Ses quelques cousins n'étaient pas suffisants ; il fallait bien qu'il se fasse des amis. Ce qui était bien plus facile à dire qu'à faire. Tout ce qu'il connaissait des quelques enfants du quartier, c'était moqueries, bousculades ou indifférence. Tout ce qu'il connaissait, c'était la solitude et les regards attristés qu'il se jetait dans le miroir. Des rondeurs, de la maladresse et un visage timide, c'était tout ce qu'il fallait aux autres enfants pour soit éviter sa compagnie, ou en profiter pour faire de lui leur bouc-émissaire. Ses parents avaient beau s'inquiéter et faire de leur mieux pour tenter d'apaiser les choses, rien n'y faisait : Archie restait désespérément seul, et harcelé.

11yo -- Une petite lueur d'espoir se profila à l'horizon quand en juillet 2000, on toqua à leur porte pour leur annoncer une nouvelle : Archie était un sorcier. Une information qui aurait pu paraître parfaitement ridicule à n'importe quel autre parent du quartier, mais pour les Foster, c'était plutôt la réponse à leurs interrogations. Cela expliquait les changements physiques d'Archie, ou les quelques phénomènes inexpliqués qui avaient commencé à se produire en sa présence. C'était un vrai soulagement, de finalement comprendre d'où cela venait. Pour Archie, c'était une nouvelle qui l'avait bouleversé mais qu'il avait accueilli à bras ouverts. C'était l'opportunité d'enfin se sentir à sa place quelque part ; c'était la sensation de peut-être avancer dans les traces de l'un de ses parents biologiques. Après tout, aucun d'entre eux ne pouvait savoir avec certitude de qui lui venait sa magie et si l'un de ses parents avaient été un sorcier avant lui.
La première année ne fut pas aussi positive que l'avait espéré Archie. Harcelé aussi au château, trop pataud, trop ignorant, et moyen en cours par-dessus le marché, il avait commencé à se faire une raison qu'il n'aurait peut-être jamais d'amis. Il se contenta alors de faire sa vie pendant les mois de sa scolarité, se bataillant avec ces nouvelles matières qu'il avait du mal à comprendre et en évitant autant que possible les élèves qui s'amusaient le plus avec lui. Seule la jeune chatte qu'il avait adopté au moment de la rentrée, Mabel, l'aida à tenir jusqu'au dernier jour d'école. Un lien inébranlable se créa entre eux ; elle avait ce don de le comprendre et de ressentir ses peines en quelques secondes. Il lui suffisait d'un regard clair intensément posé sur Archie ou d'un ronronnement délicat pour apaiser le jeune garçon. Sans elle, sans doute aurait-il appeler ses parents à l'aide pour quitter le château quelques semaines après la rentrée.
Il ne leur dit rien sur le harcèlement qu'il subissait aussi à Poudlard. Il ne voulait pas les décevoir ou les inquiéter, il savait comment ils étaient à ce sujet. Ce qu'il avoua en revanche, c'était combien il se sentait à la traîne, perdu dans un monde qu'il aurait aimé mieux comprendre.
Alors, l'été entre sa première et sa deuxième année, ses parents trouvèrent un sorcier pour venir lui donner des cours. Pour venir lui en apprendre plus sur son nouveau monde, et même sur son don : Archie ne savait pas comment ses parents s'y étaient pris, mais ils avaient même réussi à trouver un sorcier métamorphomage lui aussi. Anton Jenkins, qu'il s'appelait. Il n'était pas professeur, en temps normal, mais Archie trouva immédiatement en lui le meilleur enseignant qu'il ait jamais connu. Compréhensif, attentif, sympathique et respectueux, il réalisa bien vite les difficultés du jeune homme, la manière dont il peinait certains jours à assimiler les nouvelles informations et à se concentrer. Certaines fois, leurs trois heures de cours se transformaient en trois heures de discussions où Anton se contentait de parler de sa vie, des anecdotes de son adolescence, comment il avait apprivoisé son don lui aussi. Archie se sentait tellement à l'aise, tellement compris, qu'il ne lui fallut que deux semaines avant de parler de son harcèlement, de son malaise dans son propre corps. Sur les conseils d'Anton, il chercha des activités à faire lorsqu'il avait besoin de se changer les idées, d'oublier les autres pour penser un peu plus à lui. Cela commença par le vélo ; parfois, il pédalait pendant des heures, perdu dans ses pensées, repassant dans sa tête tout ce que Anton lui apprenait. Puis, après être allé à la piscine, une fois, avec ses parents, Archie comprit que la natation, c'était vraiment son truc aussi. Il passait son temps la tête sous l'eau, à apprécier la bulle qu'il se créait, le monde extérieur étouffait par la pression sur ses oreilles. Encouragé et soutenu par ses parents, et tout autant par Anton, Archie, il commença à se sentir mieux. Plus à l'aise avec lui-même, moins soucieux du regard des autres. Il prit quelques centimètres en plus et ses rondeurs fondirent.

12yo-14yo -- Après sa rentrée en deuxième année, les choses continuèrent de changer et d'évoluer tranquillement pour Archie. Peu à peu, il lui devint plus facile d'ignorer ses anciens harceleurs, qui finirent sans doute par se lasser de sa nouvelle indifférence car plus le temps passait, et moins Archie croisait leur route. Il se fit des connaissances, des camarades, puis de vrais amis. Même si ses résultats ne s'amélioraient que très très peu, il n'abandonnait pas. Il avait compris que le format très scolaire qu'il devait suivre à Poudlard n'était pas ce qui lui correspondait, mais il n'avait pas vraiment le choix. Autant que possible, il tentait d'appliquer les méthodes d'Anton pour apprendre ses cours et même s'il restait un élève moyen, ses efforts ne restaient pas inaperçus auprès de tous et il ne pouvait s'empêcher de ressentir une intense satisfaction aux quelques encouragements qu'il recevait.
A chaque nouvelle année, il prenait des centimètres en plus, et peu à peu, les rondeurs disparurent, se transformèrent en silhouette trop longiligne, avant que cette dernière ne s'efface également, laissant la place à des muscles plus définis et des épaules qui devenaient déjà plus carrées. Si Archie n'était pas un grand sportif, il ne ratait jamais une occasion de plonger une tête dans le lac, même en eau froide et trouva de plus un certain plaisir à aller courir parfois autour du parc : c'étaient des moments lors desquels il parvenait à éteindre son cerveau bourdonnant. Peu à peu, les regards sur lui changeaient, jusqu'à ce qu'il finisse par ouvrir les yeux et réaliser que certains semblaient plutôt intéressés. Il remarqua soudainement que certaines filles le suivaient du regard, cherchaient à faire binôme avec lui. S'il se sentait flatté, il ne pouvait que se rendre compte, qu'au fond, cela ne lui faisait ni chaud, ni froid. Les seuls regards qui le perturbaient vraiment, c'était ceux des garçons.

15yo -- Ce fut l'année de ses quinze ans qu'Archie finit par trancher sur sa sexualité. Après s'être demandé si ce n'était pas simplement qu'il n'avait pas encore trouvé la bonne fille, il n'eut besoin que d'un seul baiser avec ce garçon qui faisait un peu trop palpiter son cœur pour comprendre : non, vraiment, il préférait les garçons. Ce n'était pas une conclusion qui l'avait beaucoup surpris, au fond. Il avait commencé à comprendre. Et puis, il n'en avait pas honte, non plus. Il redoutait simplement la réaction de ses parents. Oh, il était proche d'eux et leur faisait pleinement confiance, mais il n'avait jamais entendu parlé d'un garçon gay dans sa famille et il avait peur que cela puisse les mettre dans l'embarras avec le reste de la famille. Au final, lorsqu'il trouva le courage de leur en parler, il se demanda pourquoi il avait autant hésité à le faire. Il s'en était presque rendu malade pour rien, alors que ses parents auraient sans doute plus mal réagi s'il leur avait soudainement annoncé qu'il n'aimait plus le thé.

16yo-18yo -- Ses dernières années à Poudlard se passèrent sans encombre. Archie commençait à véritablement se trouver, à profiter de celui qu'il était devenu. S'il gardait dans un petit coin de sa tête ce côté incertain, à toujours se remettre en question, il était loin le petit Archie qui subissait sans rien dire. Malgré les ennuis qu'il s'attirait parfois, il avait pris l'habitude de toujours voler au secours de ceux qui en avaient besoin. Peu importait d'utiliser ses poings, il ne se posait plus de questions, Archie. Le harcèlement, ça ne passait plus pour lui et ce n'était pas quelques points en moins ou heures de retenue qui allaient l'empêcher d'intervenir quand il se trouvait dans les parages. S'il n'obtint pas des notes excellentes, il parvint à réussir à valider plusieurs de ses matières lors des BUSEs, et même ses ASPICs furent plutôt réussies. A la sortie de Poudlard, il n'avait vraiment aucune idée de ce qu'il voulait faire de sa vie. Peut-être professeur, dans l'espoir un jour de devenir ce que Anton avait été pour lui ? Il ne l'avait jamais revu, Anton, mais pour autant, il ne l'avait jamais oublié. En l'espace de deux mois à peine, le sorcier avait changé sa vie.

19 yo -- Il avait pensé à rejoindre l'Université Archie. Mais l'été juste après sa dernière année à Poudlard, sa mère tomba malade. Ou, à vrai dire, elle était malade depuis de très longues années, avant que les premiers symptômes alarmants ne fassent leur apparition. Les médecins parlèrent d'une maladie appelée la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Incurable, qu'ils affirmèrent immédiatement. Elle aurait un an, tout au plus. En quelques semaines, son été se dégrada. Se déplacer devint difficile, elle perdit du poids, sa mémoire commença à défaillir. Archie laissa bien vite l'Université de côté, quoi que pouvait en dire ses parents. Il n'allait pas abandonner sa mère, ou laisser son père s'occuper d'elle seul. C'était déjà difficile de la voir devenir l'ombre d'elle-même malgré le soutien qu'ils s'apportaient entre eux, alors laisser son père seul face à ça, il en était hors de question. Archie perdit un peu de poids, lui aussi. Le sommeil devint difficile quand tout ce à quoi il pouvait penser, c'était qu'il pouvait perdre sa mère à n'importe quel moment. Il faisait de son mieux pour la faire sourire, et rire, pour la divertir, pour se comporter comme si tout allait bien, comme il l'avait toujours fait, mais dans l'ombre de sa chambre, il se raccrochait à la présence ronronnante de Mabel, et à l'étrange lumière apaisante qui se dégageait régulièrement de sa baguette, comme une veilleuse avec un enfant qui a peur du noir. C'était bien maigre, pour supporter cette situation si difficile à vivre, mais Archie se débattait avec lui-même pour ne pas se laisser complètement sombrer.
Ils l'enterrèrent fin mai 2008. Les deux mois suivants, il les passa aux côtés de son père, à pleurer avec lui et à se demander comment il était censé poursuivre sa vie comme si de rien était.

20yo-now -- En août 2008, il décida qu'il fallait qu'il se ressaisisse. C'était bien plus simple à dire qu'à faire, mais il savait que c'était ce qu'elle aurait voulu. Il avait besoin de trouver quelque chose pour avancer, un objectif à fixer droit devant pour ne plus trop regarder en arrière, et il décida qu'il voulait essayer de devenir médicomage. C'était loin d'être sa vocation, ou même un domaine facile d'accès pour lui, mais il avait besoin de ça. Besoin de se dire que peut-être, il trouverait la réponse à cette maladie dans des potions sorcières. Alors il reprit le chemin de l'Université, retrouva sa place dans le monde sorcier. Marqué par une année difficile émotionnellement, il gardait des moments plus compliqués, où, incapable de dormir, il s'enfilait un paquet entier de cigarettes, ou faisait l'erreur d'aller dans un bar. C'était comme ça, de temps en temps. Un jour soudainement bien plus dur que les autres, où il avait besoin d'abandonner juste l'histoire de quelques heures, avant de plaquer à nouveau un sourire sur ses lèvres pour repartir vers l'avant le lendemain.