@Ryland Beresford

Cela faisait déjà deux semaines depuis qu'Edgar était réveillé. Deux longues semaines à devoir rester dans ce lit d'hôpital, à ingurgiter des médicaments immondes, à devoir respirer plusieurs fois par jour avec une créature immonde à la bouche, et à devoir discuter avec les médecins et autres psychologues qui essayaient de percer à travers son blocage mental. Car depuis son réveil, le garçon n'avait pas dit un seul mot à quiconque, n'offrant à ses interlocuteurs que des regards fuyants, des sourires inversés et des postures recroquevillées. Impossible d'obtenir de lui le moindre indice sur ce qui lui était arrivé, ou sur comment il se sentait à présent. Et en vérité, Edgar le sentait que cela frustrait une personne en particulier : sa mère. Il avait vu l'évolution, du regard inquiet à son réveil au regard agacé tel qu'il le connaissait si bien aujourd'hui. Aucun sourire, des yeux clignant à peine et le fixant, et une impression que toute la colère était retenue derrière ce visage de glace. Elle ne lui avait pas encore dit mot sur son état, mais Edgar savait qu'à un moment, il finirait par se prendre une réflexion à ce sujet. Car le fait qu'il ne parle pas, ça n'allait pas avec la vision que sa mère avait pour lui.

La porte s'ouvrit et Edgar releva la tête de ses livres, reconnaissant immédiatement les deux silhouettes qui apparurent. Il eut un petit sourire sincère en les apercevant. C'étaient Oscar et Balthazar, venus lui rendre visite.

"Eyh !"

Fit Balthazar avec un sourire. Son frère ainé essayait de ne pas trop le montrer, mais il tentait d'être plus gentil avec Edgar depuis son réveil. Il lui souriait d'avantage, semblant lui rappeler qu'il était heureux de le voir vivant. Sans pour autant trop chasser le naturel, gardant toujours un ton énergique, encourageant, comme l'était Balthazar. Mais son comportement mettait du baume au cœur au Serdaigle.
Oscar quand à lui, se jeta, poitrine en avant sur le bas du lit, comme un barbare épais.

"Tu l'as mis où ? Dis-moi ? Il est où ?"

Edgar lui sourit, et se pencha sur le côté pour attraper dans une bassine au pied de son lit, une créature visqueuse. Semblable à un gros ver, une sorte de version-mini du Ramoneur : un Racleur. Les yeux d'Oscar s'émerveillèrent devant l'odieuse bestiole. Edgar le laissa l'attraper. La dernière fois, son cadet l'avait supplié de le laisser le prendre en main. Maintenant, le mal était fait. Oscar souriait, était ravi de tenir ce monstre aux tentacules qui gigotaient dans tous les sens. Balthazar l'ignora, et se rapprocha de son frère alité, constatant ce qu'il était en train de faire.

"Ouch ... Histoire de la magie, septième chapitre ? Maman ne te laisse pas te reposer à ce que je vois."

Et c'était vrai. Si Skylar l'avait pu, elle aurait déjà renvoyé son fils à Poudlard une semaine avant. Mais les médecins semblaient faire trainer les choses. Edmond même demandait à ce que de nouveaux tests soient faits, qu'ils gardent encore un peu Edgar en observation. Ainsi, Skylar avait fait en sorte que son fils reste à niveau pour les examens de fin d'année. Il était hors de question qu'il redouble. Balthazar attrapa le livre, et regarda les écrits avec une grimace. Il se souvenait de ce passage. Ca ne lui manquait pas. Il reposa le livre.

"Ils t'ont dit quand tu pourrais revenir à Poudlard ? Ca devient ridicule non, de te garder ici ?"

Edgar haussa les épaules, comme s'il ignorait les raisons. Mais il savait. Il n'avait plus verbalisé avec son père, mais une certaine connexion se faisait entre le père et le fils à présent, par des échanges de regard. Quand sa mère abordait l'idée qu'Edgar retourne à Poudlard, il laissait entendre que c'était peut-être trop tôt et inventait une excuse. Et souvent, il échangeait un regard avec son fils. Edmond connaissait son secret. Et jusqu'à maintenant, il acceptait de cacher la vérité. Une solution temporaire, bien sur, mais dans laquelle le garçon se confortait. Chaque jour sans avoir à révéler ce qu'il avait fait était un sursis. Il angoissait souvent, à l'idée de dire la vérité à sa mère, à ses frères, aux médecins, et de savoir qu'il devrait l'admettre ensuite devant ses camarades, ses professeurs, son entourage tout entier. Cette seule idée lui donnait des maux de ventre terribles.

"Tu peux parler tu sais ?"

Lui fit doucement Balthazar, comme pour laisser entendre que c'était une conversation privée, qu'ils étaient entre eux, entre frères, les fils Rowells. Personne n'en saurait rien, si Edgar avait dit trois mots, deux, même un seul. Edgar regarda son frère avec un petit sourire résigné, Balthazar se força à le lui rendre. Il était déçu. Gêné et attristé même, de ne pas pouvoir être celui qui aiderait son frère. Balthazar savait ce qu'il avait traversé à présent. Amore, Evan, Emile, Erin, ... la liste était longue. Puis cet odieux empoisonnement. Balthazar aurait voulu lui dire, le verbaliser, qu'il était de son côté et qu'il le soutenait. Mais une stupide fierté et pudeur fraternelle le lui en empêchait.

"Oh ... je t'ai ramené ça."

Il sortit de son sac en bandoulière plusieurs recueils de pages manuscrites qu'il déposa sur le livre d'histoire de la magie d'Edgar.

"Tes cours de la semaine ..."

Le Serdaigle eut une mine un peu déconfite en voyant la pile de feuillets s'élever. Il ignorait quand il en verrait le bout. Même si c'était la seule chose qu'il avait à faire durant la journée, hormis les visites des médecins, réviser à longueur de temps était un effort un peu trop soutenu.

"Oh, et ça aussi !"

Fit alors Balthazar avec un ton plus énergique. Il sortit alors un énorme paquet enveloppé, bien plus grand que le sac en soi. Il déposa le paquet sur les genoux de son frère, sur les feuillets, en renversant une partie au passage. Edgar eut les yeux ronds.

"On a fait un petit tour à Pré-au-Lard avant de venir ... on s'est dit avec Oscar que tu devais en avoir marre de lire des cours toute la journée."

Edgar hésita, puis ouvrit le paquet cadeau, sentant un frémissement d'intérêt en lui. Une curiosité d'enfant qu'il n'avait pas ressenti depuis un moment. La boite révéla une collection de figurines animées à peindre soit-même. Le parfait passe-temps quand, justement, l'on avait rien d'autre à faire. Une activité demandant de la minutie et du doigté. C'était exactement le genre de trucs qu'Edgar aimait, et que Balthazar se fichait. Pourtant il avait fait l'effort de choisir quelque chose dans le goût de son frère.

"Par contre ... cache la boite sous ton lit quand maman est là. Pas un mot, d'accord."

Il fit mine de mettre un doigt de chuchotement devant sa bouche, pour indiquer que c'était là un secret entre frères. Balthazar manquait quelque peu à ses fonctions d'ainé en offrant un tel cadeau. Skylar ne supportait pas ce genre de passe-temps chez ses fils, qu'elle considérait comme abrutissants. Mais bon, pour une fois, le Gryffondor se permit de contourner les règles. Edgar releva la tête, et la rabaissa sur le cadeau. Cela se voyait qu'il était ravi, heureux, ému même. Balthazar le regarda un moment, pensant que cette fois, peut-être, il prendrait la parole pour au moins lui dire un mot comme ... merci ?
Mais ça ne vint pas. Et si Balthazar ne le montra guère sur son visage, il en fut de nouveau déçu. Il observa Edgar à nouveau, ne sachant en vérité que penser de tout ça. Son frère dans un lit d'hôpital, qu'il ignorait tant à Poudlard, ce qu'il s'était passé, ce qu'ils vivaient aujourd'hui. Tout ça était trop bizarre. Balthazar lui-même se demandait où tout cela irait. Car l'accident avait eu des répercussions sur sa propre vie. Il eut le regard perdu dans le vide ainsi, jusqu'à ce qu'un bruit d'étouffement se fit entendre. Il tourna la tête, tout comme Edgar, directement en direction d'Oscar. Le gosse avait réussi à ce que le racleur s'accroche à sa bouche et ne commence à lui nettoyer l'intérieur de la gorge avec ses fines tentacules. Balthazar s'approcha et retira de force la créature qui se détacha, comme une ventouse, aussitôt. Oscar se mit à rire après une seconde de trouble. Il était ravi de ce qui venait de se passer.

"T'es vraiment pas possible !"

Lui gronda Balthazar, rapprochant le racleur à Edgar qui le prit à deux mains, le caressant affectueusement, comme pour le rassurer.

"Bon, nous on va y aller. Il faut que je ramène ce polisson à Poudlard sinon il va mettre Sainte-Mangouste à feu et à sang."

Il tenait Oscar par le col, ce dernier se débattait, mais visiblement, la situation l'amusait grandement. Edgar les regarda d'un oeil paisible, avec un petit sourire affectueux. Il était heureux de cet instant, qui semblait si ordinaire malgré le contexte. Cette visite, il la graverait dans ses souvenirs.

"Oh, et j'ai un visiteur surprise pour toi. Quelqu'un qui voulait venir te voir en personne."

La mine d'Edgar changea, il allait visiblement surpris. Pas curieux, surpris. Car il ignorait qui donc aurait fait le déplacement pour lui rendre visite.

"Je lui ai dit d'attendre un peu qu'on se retrouve tous les trois avant de venir. Je vais lui dire qu'il peut y aller. Bon ... et surtout, ne va pas passer tout ton temps sur tes figurines hein ! Oublie pas de réviser tes examens, c'est important !"

Balthazar trainait Oscar par le col qui se laissait avec amusement tiré. Le plus jeune fit un au-revoir de la main à son frère, la moue toujours facétieuse. L'ainé avait donné ses dernières indications à la hâte, comme si s'occuper du plus jeune était devenu urgentissime. Balthazar reviendrait le week-end suivant, de toutes façons. Alors qu'il vit la silhouette du mystérieux visiteur, Balthazar lui lança un :

"Tu peux y aller."

Un peu sec. Toujours un peu sec quand il s'agissait de lui. Mais Balthazar avait accepté. Pour Edgar. Car cet individu semblait avoir un lien important avec son frère. Balthazar avait accepté de mettre son ego de côté pour offrir cette visite à Edgar.

Ce dernier, était sur son lit, continuant de caresser le racleur dont les tentacules avaient commencé à se détendre. Edgar lorgnait sans cesse vers la fenêtre qui donnait sur le couloir, et la porte de sa chambre. Qui donc venait lui rendre visite ? Il se posait la question ... qui l'appréciait encore suffisamment pour ça ? Coline peut-être ? Ou ... ou ... Evan ? Edgar osait y croire. Il se souvenait de leur dernière conversation ... si prometteuse ... peut-être qu'enfin, ils pourraient discuter.

Et alors qu'il releva la tête et aperçut la silhouette du visiteur, la mine du garçon se décomposa dans un effroi qu'il avait cru oublier.