Bon… On va être forte et on va y aller. Je crois que la seule personne que je crains d’affronter dans ce monde, c’est mon père. C’est la seule personne avec qui je n’ose pas faire certaines choses, comme répondre ou être insolente par exemple. Pas avec papa. C’est pas possible. Je sais où le trouver, il sera sans doute dans son bureau, en vrai. L’avantage qu’il soit à Poudlard, c’est qu’on n’a pas à s’envoyer des hiboux à tout bout de champs.
Les sélections de l’équipe de Quidditch ont eu lieu en début d’année, mais j’ai toujours l’espoir de pouvoir y entrer à un moment où un autre. Mais papa s’y oppose. Une femme convenable ne fait pas de Quidditch. Déjà qu’il tolère le fait que je continue le vol. Mais ça ne me va pas. Je sais que je n’ai pas abordé depuis la seule et unique fois où j’en ai parlé avec lui. Alors… Je prends mon courage à deux mains, et j’y vais, c’est tout.
Je marche d’un bon pas jusqu’à la moitié du chemin. La suite n’est que ralentissement. Je sens comme une légère angoisse poindre dans le creux de mon ventre. Je… Oui, j’ai un peu peur de papa, je sais ce que ça donne quand il est en colère. Mais il peut m’écouter aussi, et c’est ça que je veux moi ! C’est qu’il m’écoute et qu’il accepte que je rentre dans l’équipe de ma maison. Allez, Morrigan ! Ça va bien se passer !
J’arrive devant son bureau et prends quelques secondes avant de frapper et d’entrer.
Bonjour papa….
Je reste quelques secondes à la porte avant de la refermer derrière moi et m’installer face à mon père. Ok, c’est la gêne…. J’ai le regard baissé sur le sol… Du courage, même face à papa. Allez ! Je le regarde, les yeux dans les yeux et …
Masque sur le visage, je m'approche pour en examiner le contenu. La potion, d'une couleur jaune, a une texture ressemblant étrangement à un rideau de soie. Je sais cependant par expérience que, si je plongeais mon doigt dans cette substance, elle rongerait mes chairs sans préavis. Cette potion, je l'ai utilisée à de maintes reprises, que ce soit pour ronger des matériaux beaucoup trop solides face à la magie ou sur des êtres humains, du temps où je servais le Maitre. Je ne regrette pas cette période qui fut plutôt enrichisssante pour moi, même si je n'irais jamais crier sous tous les toits que j'ai été un Mangemort.
Pourquoi ai de nouveau préparé cette potion ? Disons que c'est un entrainement. Je la garde de côté, dans le but d'en préparer une autre plus puissante, plus redoutable à partir de ce modèle. Reste à trouver les ingrédients... Je pense avoir ma petite idée sur le sujet. Tout en souriant, j'écris sur mon carnet mes idées avant de le refermer et de mettre la potion dans le seul contenant composé d'une matière qu'elle ne peut pas ronger : le diamant. Cela m'a couté presque un mois de salaire pour en obtenir une boite de six fioles, mais je ne le regrette pas.
Lâchant un soupir, je décide de me consacrer à la dissertation des troisièmes années quand j'entends toquer à la porte. Je lève la tête et croise le regard de Morrigan, ma fille. Cette dernière parait ennuyée mais déterminée. Elle me salua et resta quelques secondes à la porte, attendant que je réagisse. Je l'ai bien élevée. Elle attends de savoir si sa présence ne me dérange pas. Tout en l'invitant à entrer d'un geste de la main, je lui dis : Bonjour ma princesse. Je n'ai aucune honte à l'appeler ainsi. A mes yeux, elle est ma petite princesse, mon petit trésor.
Elle entra, referma la porte et s'installa face à moi. Je lève un sourcil, ne la quittant pas des yeux. Je connais cette attitude. Elle va me demander quelque chose, et ce quelque chose risque de me déplaire. Je lâche un soupir en avance de phase et la laisse avancer le sujet. Le Quidditch, bien entendu, les séléctions ont beau être passées depuis des mois, elle garde toujours l'espoir d'intégrer l'équipe de Gryffondor. Au moins, je note qu'elle a eu le courage de me regarder dans les yeux pour me faire sa demande. Je fronce les sourcils et lui réponds : Tu connais déjà ma réponse à ce sujet. Alors pourquoi continuer à insister ? C'est non, je te l'ai dis.
Il a un soupir avant même que je commence. Ça part mal cette affaire, mais je vais m’accrocher. Je veux faire parti de l’équipe de ma maison. Je veux participer à leurs victoires. Je veux voler haut dans le ciel et ressentir toute cette liberté que procure le vol. Et j’avoue que mettre une petite raclée à mon jumeau, ça me plairait aussi beaucoup. Mon seul et unique obstacle, c’est papa. Il refuse que j’y aille… Mais j’en ai tellement envie….
Bien entendu, il réitère son refus. Je me redresse sur mon siège, envahie par une profonde frustration et une tristesse grandissante que je cache depuis des mois.
Mais … Pourquoi ?!
C’est sorti tout seul. J’ai même dû retenir un « merde » histoire de pas me faire engueuler de ne pas être correcte. Toujours être correcte. Les vêtements repassés niquel, petites sandales, pas une traces de boue, pas éraflures, pas se rouler dans l’herbe, pas de de jeux dangereux. Au bout d’un moment, je veux savoir pourquoi. On m’a appris le maintien, on m’a appris l’ordre. Et sincèrement, ce sont des cours que j’aime pas. La danse et le violoncelle oui, mais le reste… Je secoue la tête. A y réfléchir j’étais la seule à avoir eu ces cours là, pas les garçons. Je secoue la tête.
Ike et Kaël, ils ont droit eux ! Et puis, ils ont pas eu des cours genre le maintien avec ce prof chelou là ! Pourquoi je dois être différente qu’eux, moi, hein ? Je fais partie de cette famille aussi, non ?
Je suis outrée, j’ai mal au ventre et j’ai envie de pleurer. Pourquoi il me fait ça à moi, hein ? Je comprends pas…. Il m’aime pas ?…. Si il m’aime, il m’appelle princesse. Pourquoi il veut pas comprendre que j’ai vraiment envie d’y participer, hein ?
Qu'est ce qu'elle peut ressembler à sa mère dans ces cas là. Je vois le visage de ma fille fondre dans une moue triste et dépitée. Je pourrais me laisser attendrir, mais je ne dois pas céder. Je suis à présent la seule figure parentale de cette famille, le seul représentant de l'autorité, je dois faire comprendre à mes enfants que, si je dis non, cela ne sert à rien de protester, je ne changerais pas d'avis. Cela vaut pour mon aîné comme pour mon fils adoptif et mes deux cadets. Je les traite chacun de la même manière. Je les aime plus que ma propre vie mais, s'ils ont décidé de me contrarier, je n'appliquerais aucun traitement de faveur. Je ne suis pas leur mère après tout, c'était la plus douée pour ça.
Je laisse ma fille se répandre en protestations. Elle me demande pourquoi je refuse qu'elle puisse jouer au Quidditch. Elle me rappelle que ses frères y ont droit, et pourquoi elle ne pourrait pas le faire elle aussi. Elle se lamenta, me disant avec les larmes aux yeux qu'elle faisait aussi partie de cette famille. Je reste de marbre, la regardant droit dans les yeux. Au bout de quelques secondes durant lequel le silence s'est installé entre nous, je lui demande, sur un ton parfaitement calme et dénué de toute expression : Tu es assez intelligente pour répondre toute seule à ces questions, n'est ce pas. D'autant plus que nous en avons déjà parlé.
Je reste assis devant elle et croise les jambes. La tête de Léthée sort de la poche de ma veste de costume et croise le regard de la jeune fille. Elle dit, en hochant la tête : Telle est ssssssa volonté petit ssssssserpent. Je ssssssuiiiis déssssolée. J'ignore le serpent, mais elle n'a pas tort. Elle au moins sait quand lutter et quand abandonner.
Je le savais pourtant. Je connais papa. Alors pourquoi ça me fait si mal ? Pourquoi ça me tord le ventre si douloureusement ? Pourquoi j’ai ce sentiment d’injustice et cette tristesse qui m’envahit et qui me noie dans les profondeurs d’un abysse que je ne souhaite pas explorer. J’ai mal papa ! Ton inflexibilité me fait souffrir. Pourtant, si tu savais comme je t’aime et comme je t’admire, papa. Pourquoi tu me fais si mal ? Pourquoi grandir c’est si douloureux ? Pourquoi ça fait si mal ? Pourquoi y’a autant de différences ? Est ce que j’en fais tout un plat, moi ?
Je m’en fiche des différences entre les filles et les garçons. Je m’en fiche des différences entre les moldus et les sorciers, même si je sais qu’il ne faut pas que je le dise trop fort. Et surtout je me fiche pas mal des différences entre moi et les autres. Je suis moi, c’est tout. Et m’empêcher de faire du Quidditch tout ça parce que je suis une fille…. Non, je ne l’admets pas, ça fait trop mal. Même Léthé s’y met. Je secoue la tête. Je retiens mes larmes aussi fortement que je le peux, mais le soupir sort tout seul lui.
J’aurais préféré être ton prince….. Être une fille, c’est …. vraiment pas cool !
J’ai mal au cœur…. J’ai envie qu’il me prenne dans ses bras, mais en même temps, j’ai aussi envie de lui cracher dessus. Je sers les dents….
En quoi être une fille ça…..
Je ne parviens pas à finir que le torrent jaillit…. Mince ! J’ai pas mes ragnagnas en plus alors pourquoi je chiale moi ??? En plus je me ridiculise encore là, pleurer c’est un truc de filles, et je veux pas être comme les autres moi. Pourquoi je peux pas faire ce que je veux, merde ?!
Malgré sa force, malgré son entêtement, elle reste une enfant.
J'en viens presque à l'oublier, surtout lorsque nous conversons. Elle me fait tellement penser à Fordola par moment. Elle possède la même envie de liberté, d'émancipation, d'indépendance. Je crains de la voir partir, elle aussi. Je ne sais pas quoi faire, c'est tellement plus facile avec les garçons, ils se contentent généralement de m'obéir. La relation entre mes fils et moi est certes très aimante, mais elle manque sérieusement de complicité. Je la comparerais plus à celle entre un chef de meute et ses loups. Avec Morrigan, c'est différent. Jusqu'au retour de Fordola, elle était la seule présence féminine de notre famille et, à mes yeux, elle le demeure. Fordola est certes revenue, mais je sais qu'elle n'aura aucune influence sur les décisions qui concerneront notre famille. Je prépare donc Morrigan à cette éventualité, car, en tant que femme, ses avis et ses conseils seront primordiaux.
Alors que je vois ses yeux s'emplir de larmes, je tente de rester stoïque, mais c'est difficile. Quand elle explose de chagrin, je me lève et m'agenouille face à elle pour la prendre dans mes bras. Je la serre contre moi, caressant ses cheveux, mais ses pleurs redoublent en intensité. Elle me reproche de l'écarter de son sport favori à cause de sa condition, et elle m'avoue qu'elle aurait préféré être un garçon. Je lâche un soupir et continue à caresser ses cheveux. Je lui souffle : Tu ignores ô combien il me coute de te dire non aujourd'hui. Je ne le fais pas pour te tourmenter ma chérie. Je me redresse pour la regarder et reprends, tout en caressant sa joue : Et voici la raison à tout ceci. J'ai besoin de toi, ma fille. Ton rôle dans notre famille est devenu primordial depuis le départ de ta mère. Je ne peux compter sur ma sœur pour assurer ce qui te revient désormais. Tu es la femme de notre famille, la présence féminine dont nous avons cruellement besoin. Tu es notre sagesse, notre conscience. Nous autres sommes tourmentés par nos pulsions et nos colère, ta douceur et ta force de caractère empêchera cette famille de sombrer. Voilà pourquoi je ne veux pas que tu te blesses, voilà pourquoi je préfère te préserver. Je sais que tu es talentueuse sur un balai, et, crois moi, nous pourrons jouer ensemble si tu le souhaites, mais voir les équipes adverses t'envoyer des cognards est au dessus de mes forces. Tu comprends ? C'est plus qu'une explication, c'est une confession, et j'espère que cela permettra à ma fille de se sentir un peu mieux...
C'est dur de ne pas pleurer devant papa. Je sais que je dois être forte, mais parfois ses décisions me font mal, surtout quand je les trouve injuste comme aujourd'hui. Je suis contente qu'il ne me traite pas en petite princesse gâtée souvent, mais à ce moment-là, j'ai l'impression que c'est le cas et qu'il le fait par devoir d'autorité parental. Papa a toujours été dur, je ne l'appelle même pas comme ça, même à la maison. Et parfois, c'est compliqué émotionnellement. Mais je dois respecter sa décision. Je sais que désobéir rend la chose bien pire, même si l'idée me tente vraiment beaucoup.
Enfin ça, c'est jusqu'à ce qu'il me prenne dans ses bras. Un geste auquel je ne m'attendais pas. Je l'enlace et pleure toute les larmes de mon corps. Je l'aime. Je n'arrive même pas à lui en vouloir même si je suis triste. J'ai tellement envie de faire du Quidditch …
Au fur et à mesure qu'il parle, mes larmes se tarissent... Suis-je si importante qu'il le dit ? Je me sens soudain tellement... petite. Tellement trop impulsive, trop garçon, trop tout quoi. Serais-je un jour capable de faire ce qu'il me dit ? Il a peur pour moi... Juste pour ça, j'abandonne immédiatement l'idée de passer outre son autorisation. Je ne peux pas laisser mon père avoir peur pour moi. Je ne peux pas me mettre en danger, ça lui ferait trop mal. Je le serre contre moi avant de lever le regard vers lui.
Mais... Papa... je n'ai que douze ans... Et je suis pas comme tu décris. Je suis impulsive, je fais les choses de travers. Tu crois que je deviendrai une femme digne de la famille ?
Une peur s'installe doucement en moi et s'ancre au creux de mes tripes. Oui, j'ai peur. Et si ma famille ne m'aimait pas finalement ? Si je n'étais pas la femme que papa attendait plus tard ? Pire, si il était déçu de moi ? Je crois que ce serait affreux, je ne veux jamais vivre ça. Jamais !
… C'est vrai qu'on pourra jouer au Quidditch ?
J'ai demandé ça d'une toute petite voix, timide. Papa, jouer au Quidditch ? Avec moi ? Ce serait vraiment génial. Ike et Kael pourraient jouer avec nous en plus. Ils savent que je vole bien. Très bien même ! Je lui adresse un petit sourire. J'ai hâte qu'on puisse voler ensemble.
Cela me faisait mal de voir ma fille dans cet état.
Je sais que le Quidditch est très important pour elle. Ma fille est douée sur un balai, son professeur de vol ne tarit pas d'éloges à son sujet. Elle a d'excellentes notes et elle semble prendre un véritable plaisir à voler dans le ciel de Poudlard. Lui interdire le Quidditch me fait mal, plus que de raison, et cela me coute. Cependant, j'ai mes raisons et celles ci sont tout à fait légitimes. Je les expose à ma fille, gardant mon sérieux tout en essayant de la consoler. Au fur et à mesure de mes explications, je vois ses larmes se tarir. Elle me regarde, m'écoute avec attention, et je vois dans ses yeux que l'idée est en train de germer dans son esprit.
Elle me répondit, me disant qu'elle n'avait que douze ans et qu'elle était impulsive et elle me demanda si elle serait suffisamment digne pour être la femme de notre famille. Je lui souris et, tout en caressant ses cheveux, je lui réponds : C'est bien pour cela que tu es la plus à même de remplir ce rôle, ma fille. Tu es celle qui nous connais le mieux, plus que ta tante. C'est pour cela que toute ma confiance repose sur toi, Morrigan. Je lui souris et lui dit que nous pourrions jouer au Quidditch tous les deux si elle le souhaitait. Elle me demanda confirmation, des étoiles plein les yeux. J'hoche la tête et lui réponds : Va chercher ton balai.
Papa compte sur moi. Il me fait confiance. Et ça c’est la plus belle chose qu’il pouvait me dire. Mon père m’aime, je le sais, au fond de mon cœur. Même si parfois il est très dur, je suis persuadée que c’est un homme profondément aimant et bon, juste et patient. Il a des défauts comme tout le monde, je ne sais bien aussi. Mais je ne pense pas avoir meilleur papa au monde. Il est tellement adorable. Et au fond, s’il me bride un peu, c’est pour mon bien, c’est parce qu’il m’aime et qu’il veut me protéger. Et je ne peux vraiment pas lui en vouloir pour ça… Même si c’est difficile de ne pas lui en vouloir. Cette décision me fait mal mais ses raisons m’ont touchée au plus profond de moi-même. Je lui souris. Les larmes ne coulent plus. Mon dos se redresse et j’affiche ce regard déterminé et fier.
J’en serai digne papa…
Du moins, j’essaierai. J’essaierai d’en être digne, d’être la femme qui soutient cette famille et son héritage. Enfin, faudra pas trop en demander, mais je ferai le maximum.
Aller chercher mon balai… Mon regard s’illumine.
Là, maintenant ?
Je sautille et je tape dans mes mains. Au moins, je pourrais en faire en famille ou avec mes amis, du moins pour un temps. Je ne perds pas espoir, peut être que plus âgée il me laissera me démarquer. Je l’espère de tout cœur même si je sais aussi que papa ne revient que très rarement sur ses décisions.
On se retrouve sur le terrain.
Je file derechef vers la tour des Gryffondor chercher mon balai, en essayant d’oublier cette pointe au cœur, cette petite pique de déception encore présente au fond de mon être.
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