Le groupe de premières années s'en alla dans un brouhaha de rires et de commentaires.

Je m'assoie sur ma chaise et lâche un soupir. Plus ils sont petits, plus ils sont agités. Mais je ne peux pas leur en vouloir. Ils découvrent Poudlard et les potions sont un élément encore nouveau pour eux. Pas de baguette, juste des ingrédients et un chaudron. Cela les perturbe un peu, mais ils semblent bien s'adapter. C'est pareil tous les ans de toute manière. Tous les groupes se ressemblent, quoiqu'en disent certains professeurs qui proclament que telle année est pire qu'une autre. Je ne me plains pas, je vais suivre ces élèves pendant sept ans après tout, je vais faire partie de leur vie d'une manière qu'ils ne peuvent encore imaginer. Quand ils seront adultes, ils se souviendront sans doute de leur professeur de potion et de son serpent enroulé autour du bras ou du cou.

Le temps passssssse me murmure Léthée. Je lui réponds avec un petit rire : Et tu es la seule qui ne semble pas en souffrir ma belle. La couleuvre siffla, amusée, avant de se réfugier dans ma poche, en quête de chaleur. Elle n'a pas tort. Depuis mon arrivée ici, j'ai vu défiler des centaines d'élèves, dont certains aujourd'hui sont installés dans leur train train quotidien avec leur emploi et leur famille. L'autre jour, j'ai même revu l'un de mes plus anciens élèves, accompagné de deux de ses enfants. Il m'avait avoué que Poudlard lui manquait affreusement, surtout quand son petit dernier hurlait pour pouvoir jouer avec sa baguette pour enfants. D'autres s'en sortent tout aussi bien. C'est le cas de Stella, qui est devenue professeur de littérature pour les étudiants. Je ne l'ai aperçue que brièvement depuis ses débuts, mais je suis content pour elle. Chaque élève a une chance à Poudlard, peu importe son sang et ses origines... Même si j'estime que le sang pur est bien supérieur, je ne dis pas de bêtises, il suffit de regarder les résultats.

Je me dirige vers la salle des professeurs et voit justement au loin Stella. Quand on parle du loup... On en voit la queue. Je souris et m'arrête à sa hauteur. Je lui dis alors : J'ignorais que Poudlard vous manquait autant, mademoiselle Forest. Je lui serre la main et reprends : Cela me fait plaisir de vous revoir. C'est toujours gratifiant d'avoir des nouvelles de ses anciens élèves. Je suis sincère, je suis toujours curieux des parcours qu'ont pu emprunter ces jeunes gens devenus grands.

Je peux parfaitement comprendre ses sentiments.

Croiser ses anciens professeurs est quelque chose de rare en soi, mais les voir devenir des collègues relève presque du rêve ou du cauchemar pour certains. Pour ma part, je n'ai jamais eu d'anciens professeurs en guise de collègues, et cela me convient. C'est assez déstabilisant tout de même. Je souris en serrant la main de la jeune femme, je l'écoute me dire que Poudlard lui avait beaucoup manqué et que c'était un vrai bonheur d'y enseigner. Je ne peux que la comprendre. Poudlard est une institution et c'est un véritable honneur d'y enseigner. Pour ma part, cela fait presque douze ans que j'y enseigne et je suis toujours autant émerveillé en voyant le château au clair de lune.

Elle me dit que le seul point noir étaient les corrections et la difficulté d'intéresser des adolescents. Je lui réponds en souriant : Oui hélas... C'est pire après la pause méridienne. La digestion a raison du peu d'intérêt qui subsiste en eux. Je revois ces airs endormis, ces paupières lourdes alors que j'expliquais comment extraire le jus d'un Sopophorus. Je crois que ce jour là, j'ai enlevé pas mal de points à toutes les maisons, histoire de réveiller pleinement cette bande de paresseux pris par leur digestion. La jeune femme me demanda s'il y avait des solutions miracles pour ça. Je souris et secoue la tête et lui réponds : A part les potions toniques ... Mais cela n'a qu'un effet temporaire hélas. Puis je vous inviter à prendre un thé. Vous me parlerez de votre parcours !

Je l'invite à me suivre et, ensemble, nous entrons dans la salle des professeurs. J'ouvre un des tiroirs de la commode du fond et en sort une boite contenant un thé ramené par ma gouvernante d'un pays d'Asie amateur de thé. J'en sens le contenu avec un sourire et en prélève suffisamment pour préparer une théière. Je demande à la jeune femme, par la même occasion : Comment se passent vos cours ? Je n'ai entendu que du bien de la part des étudiants que je croise.

Voir ses élèves devenir des adultes accompli est quelque chose de grisant.

C'est pourquoi je suis curieux du parcours de la jeune femme. Je l'invite donc à boire un thé dans la salle des professeurs, endroit interdit et secret pour la plupart des élèves, temple inconnu et à explorer absolument pour les plus téméraires. Je me souviens que, étant adolescent, je m'étais imaginé tout un monde dans cette salle, à l'image de la Salle sur Demande. Je me disais que les professeurs devaient avoir une sorte de passage secret dans leurs casiers, les menant à leur propre définition de la quiétude... J'ai été un peu déçu, lorsque je suis entré ici pour la première fois, mais je m'y attendais. C'est beau de rêver, encore faut il pouvoir assumer la réalité lorsque celle ci se présente.

Elle me suivit et m'expliqua brièvement son parcours et je souris lorsque elle m'avoua s'être rappelée de mon cours sur la Solution de Force. Je lui réponds : Je suis heureux de constater que mes cours vous ont marquée. Rien de tel que la pratique pour que la leçon reste ancrée dans la tête. Le professeur Slughorn était un maitre en la matière, j'essaye de m'inspirer de ses cours et de sa méthode pour enseigner et je suis heureux de voir que cela porte ses fruits. Je lui sers un thé et lui tends la tasse avec un sourire. Je m'assoie à mon tour, grimaçant lorsque mon dos me rappela que monter trop d'escaliers est douloureux. Est ce la quarantaine, ou le fait que je vieillis prématurément ? Je ne veux pas connaitre la réponse à cette question, je m'estime encore jeune, Merlin en soit témoin.

Elle m'avoua ensuite son ressenti, le fait qu'elle ne voit pas tellement de résultats concluants chez les élèves. Elle me demanda si j'avais moi aussi ce sentiment que, quoiqu'on fasse, la leçon ne rentrait pas. Je souris et, après avoir avalé une gorgée de thé bouillant, je réponds en lâchant un petit rire : Cela m'arrive tous les jours, rassurez vous. Voilà pourquoi je me montre maintenant intransigeant. Celui ou celle qui ne suit pas paiera les pots cassés à la fin du mois, et  ce sera à lui de rattraper son retard. J'accepte toute question, toute demande de précisions, mais, quand je vois un élève bailler aux corneilles ou rêvasser... J'avoue que cela peut être déstabilisant. Ce sont des adolescents, ils vont prendre conscience de l'importance de l'Ecole pour leur avenir. C'est avec de la persévérance et de la fermeté que je parviens à les guider vers leurs ASPICS. Je repose ma tasse et  reprends, en souriant : L'une des leçons que j'ai apprise avec ce métier est que la patience reste la meilleure des vertus, ainsi que le controle de soi. Par exemple, j'enseigne à des élèves dont le père m'est absolument antipathique, nous sommes ennemis depuis de nombreuses années. Ce n'est pas pour autant que je vais saper l'avenir de ses enfants. Ils n'y sont pour rien, et je vais même redoubler d'effort pour surpasser mes préjugés et les mener vers la réussite. Voilà ce qu'on apprends, au fil des ans, et je sais que vous passerez par la, vous aussi.