« Je ne vous le répèterai pas. Soit vous me dites ce que je veux savoir, soit, vous allez le regretter ! »

Maintenue par deux hommes à la mine patibulaire, qui l’avaient privée de sa baguette, Amelia regardait son interlocuteur avec dédain et mépris, mais gardant ses lèvres scellées. Il n’était pas question qu’elle lui fasse le plaisir de répondre à ses questions. Il avait peut-être réussi à la piéger, mais il ne parviendrait pas à venir à bout de sa résistance. Il fallait voir ce que c’était de se confronter à la détermination de Amelia Winchester. Elle avait décidé qu’elle ne dirait rien. Et elle s’y tiendrait, se contentant de déverser dans son regard toute la haine qu’elle avait pour lui.

Dans un sens, elle s’était faite avoir. Pensant rencontrer une future élève et ses parents, elle avait rejoint une adresse qui se révélait non seulement sordide, mais isolée. Les sorciers plus nombreux qui lui étaient tombés dessus étaient sans-doute liés à Ivanov d’une manière ou d’une autre. Le fait était qu’ils voulaient récupérer Natasha. La pension était parfaitement protégée, forcément, pour assurer la sécurité des riches petites de la haute société. Ils ne pouvaient donc y pénétrer et l’y récupérer. C’était pour cela qu’ils l’avaient attirée loin de tout, afin de faire pression sur elle. Mais celle qui apparaissait comme une inoffensive directrice de pension avait de la ressource à revendre.

Elle ne pouvait pas nier qu’elle avait flairé un piège. Cette façon cavalière de lui demander de venir, cet endroit qu’elle ne connaissait pas, elle s’était méfiée, à juste titre d’ailleurs. Elle avait envoyé un hibou à Wolf. Elle n’avait confiance en personne d’autre que lui pour lui venir en aide en cas de problème. En dehors de Jesse évidemment. Mais il n’était pas question qu’elle implique Jesse dans un truc qui sentait aussi mauvais. Wolf, elle savait qu’il était capable d’affronter toutes sortes de situations. Et elle ne doutait pas qu’il interviendrait pour la secourir, elle avait pleinement confiance en lui.

« Réponds ! », lui ordonna l’homme en la giflant, mais Amelia ne cilla pas. « Tu t’obstines ? Très bien, si tu refuse de parler, tu ne m’es d’aucune utilité. Tuez-la ! »

Il se détourna et disparut au coin de la rue. L’un de ses hommes de main, tenant sa baguette d’une main et celle d’Amelia de l’autre, se plaça face à elle et lui sourit d’un air mauvais. Un Impardonnable et ce serait terminé. Sauf s’il avait envie de s’amuser un peu à la torturer avant. Dans tous les cas, Amelia n’avait absolument aucun moyen de l’empêcher d’agir. Si Wolf n’avait pas eu son hibou, ou s’il n’avait pas la possibilité de venir lui prêter main forte, elle était cuite. Mais il n’était pas question qu’elle leur livre sa protégée. Elle avait promis à la jeune femme qu’elle serait en sécurité auprès d’elle. Elle ne faillirait pas à sa parole. Tout se mit à tourner dans sa tête. Jesse… que deviendrait-il sans elle ? Mais Amelia fixa son adversaire, elle regarderait la mort en face.

Cette fois, c'en était fini d'elle.  Elle n'aurait jamais dû compter sur une seule lettre, même envoyée en urgence à un allié aussi fiable que Adriano. Elle aurait dû se rendre au rendez-vous accompagnée directement.  Il était trop tard maintenant et alors que l'homme allait l'exécuter, elle eut une pensée fugitive pour Roselys et Jesse. Elle ne savait pas ce qu'ils allaient devenir sans elle. Elle se souvenait encore de l'état dans lequel Jesse était quand elle était rentrée à la maison dans un état déplorable après une mission. Et maintenant, son cauchemar allait se réaliser. La directrice de pension n'était pas fière de son orgueil.

Soudain, une voix se fit entendre qui lançait le mot grenade. Comprenant ce que cela voulait dire, elle se protégea comme elle le put et un instant plus tard, elle était exfiltrée. Elle mit un instant à se remettre des effets de la grenade, mais ce n'était rien comparé à ce que devaient ressentir ceux qui étaient encore dans la pièce. Il était venu. Son loup était venu et il l'avait sauvée comme elle l'espérait de sa part. Elle avait pu compter sur lui et rien que le savoir lui faisait du bien. Il lui rendit sa baguette et la première chose à laquelle elle pensa fut évidemment de dégommer la tête de ces brutes.

« Si je suis en état ? Tu sais bien qu'il faut que je sois au bord de la mort pour ne pas vouloir me battre. Bon, c'était un peu le cas, mais pas dans ce sens-là. »

Elle fit un mouvement pour partir en direction de ses agresseurs et leur faire payer de s'en être pris à Amelia Winchester mais elle s'interrompit un instant pour se tourner vers son allié précieux, qui avait toujours été à la hauteur et qui lui prouvait une fois de plus, qu'elle pouvait toujours compter sur lui. Elle ne regrettait plus de lui avoir envoyé ce mot et elle devait bien reconnaître qu'il était arrivé au meilleur moment.

« Merci, Wolf. »

Ceci étant fait, elle se précipita à l'intérieur et leurs assaillants n'eurent pas le temps de les voir venir. Eux deux ensemble, cela revenait à une force de frappe qui était généralement très difficile à combattre. Chaque coup était soigneusement dosé et atteignait son but. On avait presque l'impression de voir un monstre à deux têtes en train de frapper. Ils avaient voulu s'en prendre à elle. Aucun doute, ils allaient le regretter. Amelia était même persuadée qu’elle ne serait pas la plus féroce des deux car elle savait combien Adri supportait mal que l'on s'en prenne à une personne qu’il aimait.

Celui qui avait commandité toute cette histoire était là, devant elle, et il ne semblait nullement impressionné par la demande de Wolf à Amelia. Il était évident qu'il ne se sentait absolument pas inquiet de la façon dont celle qu'il avait choisie pour proie pourrait se venger. En l'occurrence, il avait déjà prouvé qu'il ne la connaissait pas bien. Malgré tout, Il aurait dû, car il était évident que dans le domaine de la torture et de la vengeance, peu de personnes étaient aussi dangereuses qu'elle et elle avait la sensation que cet individu ne savait pas à qui il se frottait.

« Je ne suis pas là pour m'amuser. Ce que je tiens à savoir, c'est la raison pour laquelle ce salopard veut s'en prendre à ma protégée. »

Elle se tourna vers l'homme qu’elle tenait en son pouvoir. Il allait parler ou il allait le regretter, voilà tout ce qu'elle avait à dire. Mais l'homme ne semblait pas être prêt à dévoiler à la directrice de pension les sombres projets avec lesquels la jeune Natasha était en rapport. Il regarda les yeux sombres de la brune, celui de l’homme qui était venu la secourir et s’enfonça un peu plus contre le mur avant de se concentrer et de disparaitre. Il semblait être doué pour le transplanage d’urgence. En tout cas, ils l’avaient perdu.

« Enfer ! Il s'est échappé, ce lâche ! »

La colère mêlée au fait qu'elle ne pouvait absolument rien y faire mirent Amelia hors d'elle, et il était heureux qu’elle ait appris à se contrôler d'une manière aussi importante où elle aurait éclaté dans ce petit coin de rue. Mais il n'y avait plus rien à faire et elle allait seulement devoir se montrer extrêmement prudente si elle ne voulait pas qu'il finisse par arriver quelque chose à cette jeune fille qu'elle avait prise sous sa protection. Elle échangea un regard avec son partenaire de toujours qui allait sûrement se poser beaucoup de questions maintenant que la situation s'était calmée.

La situation n'était pas simple et Amelia détestait tout particulièrement le fait de ne pas avoir réussi à piéger le responsable de toute cette histoire. Elle n'avait pas non plus obtenu suffisamment d'informations à son goût et elle se sentait frustrée de ne pas pouvoir obtenir des réponses ou simplement se lâcher en torturant ceux qui essayaient de s'en prendre à ses êtres chers. La fuite de cet homme lâche qui n'avait même pas essayé de monnayer des informations était le point final à la patience que pouvait avoir la directrice de pension. Sa colère éclatait.

Évidemment, Wolf fut le premier à lui rappeler qu'il n'y avait aucune raison de laisser éclater gratuitement sa colère. Il y avait encore des choses à faire et tant qu'il n'avait pas tout essayé pour protéger la cible de ces brutes, il ne pourrait crier à l'échec. Toutefois, Amelia haussa les épaules lorsque l'homme lui proposa de leur tendre un piège. Elle ne disait pas que c'était un mauvais plan mais s'il y avait une chose sur laquelle elle avait encore confiance, c'était la sécurité de son établissement. Elle n'était pas une sorcière de haut niveau pour rien et si ses protégées avaient eu droit à une baguette, elles auraient sûrement été les plus exceptionnelles sorcières en défense contre les forces du mal.

« Inutile. Ils ne sont pas stupides. S’ils s'en sont pris à moi directement, c'est parce qu'il est évident que la pension est protégée et qu'ils ne peuvent pas l'atteindre là-bas. C’est pour ça que c'est moi qui suis venue trouver afin que je leur donne cet accès mais c'est totalement hors de question. »

Wolf en savait un peu plus qu'elle sur le monde du grand banditisme sorcier et sur ce qui s'y tramait. Il avait fréquenté toutes sortes de personnes, certaines moins recommandable que d'autres. Mais cela lui permettait d'avoir des informations et des contacts dont la plupart des gens n'avaient pas idée. Elle savait qu'il ne serait peut-être pas possible d'obtenir réellement un moyen sûr pour piéger ces bandits. En revanche, il pouvait sûrement découvrir au moins l'identité du commanditaire. Si tel était le cas, elle pourrait piéger celui qui avait décidé de s'attaquer à une Winchester.

« Si tu peux découvrir de qui il s'agit, je ne demande pas mieux. Qui que ce soit, j'ai bien l'intention de lui faire sa fête. »

La planque de Wolf, c'était là où il allait le plus facilement pour évoquer des choses qui ne devaient être entendues de personne. Amelia en avait l'habitude et elle ne fut même pas surprise quand il l'emmena à cet endroit. Elle le laissa lui servir un verre et même si le whisky n'était pas son alcool préféré, il lui ferait sûrement du bien en ce moment. Il avait tout un plan en tête pour tromper ceux qui étaient à la recherche de la jeune femme et elle devait reconnaître que le plan était bon, à une exception près. Pour le moment, elle avait fait en sorte que personne ne sache exactement où elle se trouvait. Elle ne voulait pas mettre la pension dans le visuel de ces ordures.

« Peut-être plus tard, si des informations transparaissent. Pour le moment, ils n'ont aucune idée d'où elle se trouve et c'est bien pour ça qu'ils s'en sont pris à moi. Je n'ai pas envie de les orienter vers la pension en agissant prématurément. »

Elle but une gorgée de whisky et réfléchit un peu plus calmement qu’elle ne l’avait fait jusque là. Cette situation ne lui plaisait définitivement pas. Elle ne savait pas pour quelle raison elle avait tellement tenu à protéger cette gosse, mais le fait était là, Amelia y tenait. Elle voulait la protéger et elle voulait qu’elle se sente en complète sécurité. Elle savait qu’elle avait réussi à la rassurer sur ce point, mais visiblement, il y avait bien des choses derrière qu’elle ne maîtrisait pas. Elle ne s’était pas attendue à risquer de mourir parce qu’elle avait protégé un gosse. C’est vrai, elle était un peu plus vieille qu’une gosse, mais tout-de-même.

Adriano s'était fait la même réflexion. Et visiblement, il était persuadé que Amelia connaissait tous les détails de l'affaire, mais ce n'était absolument pas le cas. En fait, elle avait prévu d'investiguer sur la situation, mais pour le moment, elle n'avait que quelques informations qu'elle avait réussi à glaner sans avoir plus de détails sur toute cette affaire. Il semblait qu'il était tout particulièrement compliqué de connaître le fin mot de l'histoire lorsqu'on avait affaire à des organisations telles que celles de la famille qui avait élevé la jeune femme.

« Je ne sais pas grand-chose, mais elle est rattachée au Ivanov, la puissante famille russe qui s’est installée en Angleterre. Je ne sais pas si tu te rappelles Thunder Wood, une de mes amies. Elle a eu affaire à eux à différentes reprises. D’après les aspects que j'ai pu recoller, la gosse s'est retrouvée dans un sale état parce qu'elle a voulu aider des prisonnières, parmi lesquels la fiancée de Thunder. Il a voulu l'utiliser pour faire payer mon amie qui a refusé de lui obéir. Je ne connais pas tous les détails de l'affaire, mais j'ai bien l'intention de faire ma petite enquête. Ce type a agressé Miss Cooper et rien que pour Thunder, je vais m'assurer qu'il finisse ses jours en prison. Tu sais que j'ai des amis dans le milieu de la loi et je serai inflexible. »

Adriano semblait obstinément vouloir déplacer Natacha. Mais il ne comprenait pas qu'il ne saurait en être question. Pour une raison qu'elle ne s'expliquait pas vraiment, Amelia tenait absolument à ce que la jeune femme reste dans un endroit qu'elle avait elle-même sécurisé, bien à l'abri et protégée. Elle avait totalement confiance en la sécurité de la pension et elle savait que la jeune fille s'y trouverait en totale sécurité. La dernière chose qu'elle voulait donc était que celle-ci bouge, d'autant moins qu'elle savait pertinemment que ce à quoi ils s'affrontaient n'était ni simple ni une organisation évidente à affronter.

« Non Adri, tu ne comprends pas. Il n'est pas question qu’elle bouge de la pension où elle est en sécurité. Elle ne servira pas d'appât. Si tu as besoin d'un appât pour attirer ces bandits, tu n'as qu'à te servir de moi, pas d'elle. »

Non seulement elle avait envie de protéger la jeune femme pour laquelle elle avait de la sympathie, quelque chose de nouveau qu'elle n'avait encore jamais ressenti aussi fort, mais elle tenait à faire payer les individus qui s'en étaient pris à des personnes à qui elle tenait beaucoup. Bien entendu, Wolf était contrarié qu'elle veuille se lancer dans la bagarre mais il connaissait sa nature et il savait que rien ne pourrait l'arrêter, pas même les menaces que ces individus pouvaient lui faire. Elle lui fut reconnaissante de ne pas insister davantage en ce qui concernait ce point précis. Elle n'avait pas besoin qu'on lui fasse la leçon.

En revanche, elle avait complètement oublié qu'il connaissait aussi Thunder. Pour elle, c'était un de ces flirts qu'elle avait eu au tout début de sa vie. Elle était la première femme à avoir été plus dans la vie de la directrice de pension qu'une simple conquête de passage. Mais elle était connue dans les milieux où évoluait son homme-loup. Le fait était pourtant qu’ils ne passaient pas énormément de temps ensemble. Il fallait reconnaître que l'ancienne mercenaire s'était quelque peu rangée. Et cela lui avait fait plaisir de la voir s'épanouir dans un autre mode de fonctionnement que celui qu'elle avait jusque-là mais ça ne faisait pas tout. Le passé pouvait vous rattraper et dans un moment comme ça, il valait mieux ne pas le laisser faire.

« Elle est mariée maintenant. Elle a adopté deux filles même. Elle tient une taverne à Pré-au-Lard. Je ne suis pas sûre que ce soit extrêmement bien fréquenté, mais c'est plus légal que ce qu'elle faisait jusque-là. Son épouse travaille à Poudlard. Une des profs. J'aime autant te dire qu'elle n'était pas préparée pour affronter ou ce genre de situation. Je pense qu'elle n'a pas manqué de courage, mais elle n'avait clairement pas besoin de cela dans sa vie. »

Amelia était si épuisée qu’il ne lui était pas possible de suivre aussi bien qu'elle le faisait d'ordinaire les divagations des plans de son vieil ami. Elle s'était donc embrouillée dans ce qu'elle croyait comprendre et dans ce qui était réellement formulé et elle ne chercha pas à en savoir plus au moment où elle comprit qu'elle était complètement à côté de la plaque. Cela ne servait à rien de remuer les choses pour l'instant. Elle venait de vivre quelque chose de particulièrement difficile et il ne lui semblait pas qu'elle soit prête pour planifier la suite, de toute évidence.

Wolf ne semblait pas l'avoir compris, probablement parce qu'il n’était pas facile de voir que tout cela la perturbait intérieurement. Mais c'était plutôt logique, compte-tenu du fait que Amelia elle-même ne s'en rendait pas forcément compte. Elle n'aurait même pas su dire pour quelle raison tout cela la touchait à ce point. Il y avait quelque chose de dissimulé derrière tout ça et elle n'avait pas la moindre idée de ce que ça cachait. Tout ce qu'elle pouvait dire avec certitude, c'était qu'elle se sentait clairement à bout d'énergie et elle avait au moins pris conscience de cela.

« Excuse-moi, je crois que je n'avais pas très bien compris de quoi tu étais en train de parler. Est-ce que ça te dérange beaucoup que nous réfléchissions à cela plus tard ? Je ne suis pas en état de faire des plans pour le moment. »

Si elle s'écoutait, la seule chose qu'elle voulait faire était de repartir dormir. Mais il n'était pas certain que ce soit la meilleure chose à faire dans l'immédiat. Il fallait tout de même s'assurer que la situation était la plus tranquille possible. Penser à son ancienne maîtresse illustrait parfaitement la complexité que sa vie pouvait avoir. Elle était quand-même heureuse de se dire que cette famille s'en était sortie sans trop de mal. Elle avait une grande affection pour celle qui avait été plus pour elle que la partenaire d'une nuit et cela lui faisait du bien de savoir que la famille avait fini par s'en sortir.

« Je crois que sa vision de cette partie de la réalité à laquelle nous sommes confrontés actuellement devra demeurer une connaissance du passé et quelque chose dans lequel elle ne voudra plus s'impliquer maintenant qu'elle a une famille. En tout cas, ce serait mon cas si j'étais à sa place. »