Cela faisait déjà plusieurs jours que Maëlys avait tout plaqué l’espace d’une journée pour se rendre à l’infirmerie : Mikko, son cher grand-frère était dans le coma après avoir été attaqué par un loup-garou. Elle avait bien compris que les médicomages étaient optimistes quant à son réveil, mais plus les jours passaient et plus l’angoisse de la franco-italienne allait croissant.
Elle ne quittait d’ailleurs le chevet de son frère que pour aller en cours – où elle ne parvenait pas à être attentive – ou que lorsque c’était absolument nécessaire. Le reste du temps – y compris les heures où elle aurait dû aller aux clubs – elle restait auprès de Mikko, lui parlant que ce fût pour lui raconter sa journée, lui parler de ses leçons et devoirs oui lui lire des contes. Et le soir, c’était impossible de la faire décoller tant et si bien qu’on avait fini par la laisser dormir à l’infirmerie alors qu’elle n’était pas malade ni une patiente (et encore, peu s’en fallait qu’elle ne tirât trop sur la corde et se retrouvât ainsi dans cette position). Toujours est-il qu’elle était reconnaissante qu’on la laissât ainsi veiller sur son grand-frère.

Ce jour-là, elle était donc une fois de plus auprès de lui. La nuit précédente n’avait pas été de tout repos. Elle avait en effet revécu dans le moindre détail l’incendie. S’y était superposée l’image, issue du cauchemar et de ses inquiétudes du moment, de Mikko prisonnier des flammes et celle plus fugace, mais reconnaissable d’un loup. Elle s’était réveillée en sursaut, avait pris quelques minutes à réaliser où elle se trouvait avant de prendre la main de son frère dans la sienne. Il lui avait fallu longtemps avant de retrouver le sommeil. Et bien évidemment, elle n’avait pas osé réveiller l’infirmière pour cela.
Ce jour-là, elle avait donc les traits plus tirés qu’à l’accoutumée et avait lutté pour ne pas s’endormir complètement sur les cours du matin.
Elle était donc à présent de retour à l’infirmerie et parlait à son frère, en français :

« Réveille-toi s’il-te-plait grand-frère, bats-toi. J’ai encore besoin de toi, on a besoin de toi »

Elle ne lui raconta pas qu’elle avait piqué du nez toute la matinée. Au lieu de lui raconter sa journée, elle s’apprêta à reprendre la lecture qu’elle lui faisait là où elle l’avait laissée la veille.

Maëlys se tenait donc au chevet de son frère, à moitié somnolente tant son sommeil des derniers jours avait été agité et peuplé de cauchemars lorsqu’elle entendit la voix de l’infirmière, s’adressant à elle. Toujours d’une grande politesse, la jeune fille la salua en retour et la remercia.

« Bonjour Madame. Merci de me laisser rester auprès de mon grand-frère »

Elle écouta ensuite les explications de celle-ci.

« Oui, c’est bien ce que j’avais cru comprendre, que vous ne pouviez pas dire combien de temps pouvait prendre son réveil » acquiesça-t-elle.

Maëlys était à la fois plutôt secrète – en dehors de son parrain et de son frère auxquels elle confiait généralement tous ses soucis – et capable de jouer l’autruche. Néanmoins, étant en présence d’une des seules personnes aptes à la rassurer quant à la suite pour Mikko, elle se décida à demander :

« Mais… ce n’est pas mauvais pour lui que ce coma se prolonge ? »

Elle n’avait pas exprimé toute son inquiétude qui s’accroissait au fil du temps qui passait, c’était plus fort qu’elle, elle tentait de la garder pour elle, mais cette question… La taraudait.

« Mikko… ferait la même chose pour moi si nos rôles étaient inversés… » répondit-elle simplement.

Si elle ne nia pas être fatiguée – ça ne servait à rien vu qu’elle avait été grillée -, elle ne rebondit pas sur ce point. Elle avait été à deux doigts d’admettre que depuis que son frère était là, elle était absolument incapable de trouver le repos, qu’elle faisait même des cauchemars… Elle savait très bien quelque part que l’infirmière aurait sans doute des solutions. Mais, quelque chose la retint et ce ne serait que lorsque son oncle viendrait un peu plus tard qu’elle s’ouvrirait à lui sur son état d’épuisement.
Elle écouta néanmoins la proposition de Chiara, qu’elle tenta de refuser dans un premier temps.

« Je ne saurais pas l’expliquer… mais, je.. j’ai l’impression qu’entendre ma voix peut aider Mikko… Alors, je lui fais la lecture quand j’ai fini de lui raconter ma journée »

Elle n’était pas bien sûre que la voix de l’infirmière l’aiderait autant que la sienne à elle, mais ce fut à cet instant précis qu’elle piqua une nouvelle fois du nez, ses yeux se fermant bien malgré elle pendant quelques secondes, avant de les rouvrir en se redressant brutalement.

« Mais… pour maintenant… je devrais peut-être vous laisser faire… effectivement… » finit-elle par admettre.

Maëlys avait profité d’avoir l’infirmière auprès d’elle pour exprimer son inquiétude quant au coma de Mikko qui se prolongeait, consciente que Chiara était sans doute la mieux placée pour lui donner un avis sur la question. Elle l’écouta donc attentivement, seulement partiellement rassurée, car son interlocutrice n’exprimait pas de certitude, mais plus un sentiment. Elle parlerait également de ses doutes avec son parrain, lorsqu’il viendrait ultérieurement.
Comme elle savait que Mikko avait été mordu par un loup-garou, elle estimait que cela aurait forcément des conséquences. Quelle en serait l’ampleur, c’est ce dont à elle seule elle ne pouvait pas être sûre. Mais, comme elle avait l’infirmière auprès d’elle, c’était le moment de poser les questions sur l’état de son frère qu’elle n’avait pas encore posées, n’est-ce pas ?

« Le fait qu’il ait été mordu par un loup-garou… Même dans le meilleur des cas… Ça va avoir des conséquences pour lui, j’imagine ? » demanda-t-elle, affirmant presque plus ce qu’elle disait qu’elle ne posait une question.

Alors qu’elle comptait entamer la lecture pour son frère, elle s’était donc endormie une fraction seconde et réveillée en sursaut, se redressant brutalement.

« Je ne l’ai pas fait exprès de me redresser aussi brusquement. Je crois… Que je me suis endormie un bref instant. Et… je crois que ça va » lui répondit-elle.

Maëlys n’était de toute façon pas du genre à se plaindre, mais pour l’instant, elle ressentait surtout de la fatigue. Et elle savait aussi que dans cet état d’épuisement, elle n’était pas forcément à même d’analyser de façon totalement pertinente son état.

Puis, elle tendit le livre à Chiara en lui indiquant où elle en était restée :

« J’ai laissé un marque-pages et je suis restée à la fin de la page précédente »

Maëlys avait interrogé l’infirmière sur les conséquences de la morsure de loup-garou pour son frère. Et elle eut bientôt des réponses à ce sujet. Cela lui permettrait de se préparer à la suite. A la réaction de Mikko qu’elle pouvait prévoir.

« Merci pour votre réponse. Selon les cas de figures, je sais à peu près à quoi m’attendre de sa part, mais en tous cas, je serai là et je ferai tout mon possible pour lui » dit-elle.

*Et même l’impossible* pensa-t-elle, sans le formuler, ce n’était pas forcément à dire devant l’infirmière d’autant que cela impliquait qu’elle prendrait sur elle jusqu’à s’effondrer si cela s’avérait nécessaire.

Elle se laissa ensuite faire lorsque Chiara l’examina pour s’assurer qu’il n’y avait pas de conséquences liées à son réveil brutal. Apparemment, elle n’avait rien. Et c’était tant mieux parce que ce n’était pas le moment de se retrouver à l’infirmerie pour autre chose que veiller son grand-frère. Du moins était-ce là ce que la jeune fille estimait.
Après quoi, la franco-italienne avait donné à son interlocutrice les informations nécessaires pour prendre le relais dans la lecture. Une fois le livre remis à la jeune femme, la bleue et bronze prit la main de son frère avec douceur. A défaut de lui faire entendre sa voix, elle lui ferait sentir sa présence.

« Oui, la lecture fait partie de mes nombreuses passions. Au même titre que la musique par exemple. Mais, j’ai aussi plein d’autres passions ! Vous semblez bien connaître les habitudes des lecteurs, vous lisez ou lisiez beaucoup aussi sur votre temps libre ? »

Et encore, si les deux activités qu'elle avait cité arrivaient indéniablement en tête de liste, elle était loin de se montrer exhaustive.
Elle écouta son interlocutrice reprendre la lecture au dernier paragraphe de la page précédente. Si elle était tentée de demander pourquoi Chiara faisait cela, la question mourut sur les lèvres de la jeune fille : d’une part pour ne pas interrompre la lecture, d’autre part du fait de sa fatigue.

Maëlys écouta l’infirmière lui assurer qu’elle serait là pour Mikko, mais aussi pour elle si besoin était. Elle… Ce n’était pas l’important. Pas pour le moment. Mikko avait besoin de pouvoir bénéficier toute l’attention nécessaire sans qu’elle ne vînt lui en prendre. Elle, elle devait tenir le coup.

« Je vous remercie en notre nom à tous les deux. Il est sûr que mon grand-frère aura besoin de tout le soutien possible. L’important pour l’instant, c’est qu’il se rétablisse et se réveille. En ce qui me concerne… on verra bien »

Façon délicate de dire qu’elle passait au second plan. Et la Serdaigle savait très bien que si d’autres personnes de son entourage avaient besoin de soutien, elle se ferait passer au troisième voire au dernier plan. Elle serait présente pour ses proches quoi qu’il lui en coûtât et rien ne pourrait lui en faire démordre.

La jeune franco-italienne avait cru comprendre aux propos de Chiara que celle-ci était amatrice de lecture. Et elle en eut bientôt la confirmation.

« Oui, j’imagine bien que votre profession ne vous laisse pas tant que cela le loisir de lire »

Surtout qu’à Poudlard, l’infirmière devait en avoir du travail, entre les chutes de balais, les casse-cous, les matchs de Quidditch, les maladies, les accidents…
Les jardins… Cela entrait en écho avec le goût que la bleue et bronze avait de son côté pour la nature. Une forêt ou un lac ou la montagne lui allaient tout autant qu’un jardin, peut-être même plus. Surtout la forêt en réalité…

« J’aime aussi beaucoup la nature. Peut-être plus encore la montagne, les étendues d’eau ou encore la forêt que les jardins. Même si un beau jardin fleuri, avec des essences variées… » rebondit-elle.

Si Maëlys avait noté la bienveillance de Chiara et son investissement auprès de son frère elle n’avait pas encore aligné A plus B. Et elle ne fit pas le lien entre le régime alimentaire de l’infirmière et sa condition de loup-garou. Maëlys était intelligente, mais pas au mieux de ses capacités d’analyse, celles-ci faisant grève avec sa concentration. L’eût-elle compris, elle n’était pas du genre à demander à quelqu’un de but en blanc, directement, s’il était un loup-garou…

« Si vous être sélective quant à ce que vous mangez, il est certainement plus pratique de vous préparer vous-même vos propres repas, effectivement. » fit-elle simplement.

Dormir. Non, elle ne le voulait pas, pas maintenant. Si elle s’endormait, elle referait un cauchemar et pourrait même se réveiller en criant… Ou en tous cas, le ferait brusquement. Et elle ne voulait pas attirer davantage l’attention de l’infirmière sur elle. Pas plus qu’elle n’était prête à admettre qu’elle avait besoin d’aide pour dormir ou confier ce souci à qui que ce fût. Ce n’était pas le moment de s’étaler sur son sommeil ! C’était Mikko qui avait besoin de soins et de soutien ! Elle, elle tiendrait, envers et contre tout. Elle essaierait de dormir à un autre moment, quand elle n’aurait pas peur d’alerter qui que ce fût. Elle ne répondit rien à ce propos. Si elle disait qu’elle ne voulait pas s’endormir, elle alerterait tout autant l’infirmière que si elle se réveillait en sursaut… Et sinon… Elle estimait qu’il n’y avait pas grand-chose à dire. Mais, elle continua à lutter contre le sommeil.

Maëlys écouta l’infirmière lui parler du temps dont elle disposait pour elle-même et quels étaient les moments où elle en trouvait.

« C’est déjà bien, effectivement. Et puis, les vacances sont effectivement faites pour prendre du temps pour soi, s’adonner à des activités pour lesquelles on n’a pas le temps le reste de l’année. Et j’imagine, oui, que ce poste ne doit pas être de tout repos pour vous, même s’il n’est pas difficile d’imaginer que vous pouviez être encore plus prise à Sainte-Mangouste » répondit-elle, avec une certaine sagesse et maturité pour une adolescente de quinze ans.

Quant au métier de son interlocutrice, elle ne pouvait qu’imaginer ce qu’il en était, mais il paraissait évident que l’hôpital pour maladies et blessures magiques brassait beaucoup plus de monde que l’infirmerie de Poudlard.

« Vous avez de la chance d’avoir cette amie alors et elle vous aide bien. Oh, vous avez un animal de compagnie ? A quelle espèce appartient-il ? C’est un mâle ou une femelle ? Comment l’avez-vous nommé ? » l’interrogea-t-elle, après avoir rebondit sur ses propos.

Maëlys aimait beaucoup les animaux, la mention de l’un d’entre eux avait donc attisé sa curiosité.

« C’est une réserve personnelle ou accessible au public ? Ça doit être un bel endroit… » fit-elle, toujours avec la même curiosité.

Elle aimerait sûrement avoir l’opportunité de la visiter – ainsi que sa petite Rowy -, mais si c’était une réserve personnelle et dans la mesure où il était peu probable qu’elle en connût la propriétaire, cela risquait de ne pas être possible. Dans tous les cas, l’amie de l’infirmière avait de la chance, estimait-elle, d’avoir une réserve.

Puis, quand son interlocutrice rementionna son régime alimentaire, ce fut là que la jeune bleue et bronze commença à avoir des soupçons, et plus particulièrement lorsque Chiara exprima l’importance pour les autres qu’elle se montrât sélective.

« Pour les autres ? » souligna-t-elle.

« C’est courant dans la chaîne alimentaire qu’un animal ait besoin d’en tuer un autre pour se nourrir et pour autant que je sache, ça permet la régulation de certaine populations… Mais, ça ne fait pas moins mal au cœur pour autant et ce n’est pas forcément facile à admettre » reconnut-elle. Elle-même devait se montrer ultra-rationnelle pour accepter le fait en soit, par contre, voir un animal en tuer un autre pour se nourrir, c’était au-delà de ses forces. Sans compter sa phobie du sang.