That was when I ruled the world ft. @Valentin d'Argens @Ysée d'Argens

Noël et les vacances d'été étaient les pires périodes pour les enfants d'Argens. Le choc brutal entre le paternel colérique et sévère, et le désir de liberté des adolescents encore innocents, était impitoyable. Comme chaque année, Cameron et Avery avaient proposé à Aymeric de le sortir de là, mais comme à chaque fois, l'aveugle se refusait à laisser son petit frère affronter le père sans protéger ses arrières. Aussi handicapé était-il, Aymeric commençait à prendre de l'assurance, encouragé par Ysée et Madeline qui elles aussi ne supportaient plus les caprices de leur père.
Pourtant, entre ce que le coeur hurlait de faire et ce que la sagesse empêchait de réaliser, c'était bien souvent l'immobilité et la passivité qui gagnait les combats. Parce qu'on savait que percuter de plein fouet le père d'Argens n'amenait rien de bon et n'allait résoudre encore aucun problème. Aymeric et Valentin étaient encore mineurs, forcés de vivre sous l'autorité parentale. C'était pour ça que bien souvent, Aymeric avait l'impression d'être pris au piège entre tous ces murs qui étaient leur maison.

Ce soir, ils devaient normalement fêter ces retrouvailles familiales et les ponctuer d'un échanges de cadeaux. La tradition, semblerait-il. Mais avant de s'y rendre, Aymeric voulait retrouver les siens en un comité plus restreint. S'il avait déjà eu droit à son petit moment avec Ysée, cette dernière étant venue l'aider à s'habiller et se coiffer pour qu'il soit présentable, cela faisait quelques heures qu'ils n'avaient pas vu Valentin. Pas besoin de réfléchir longtemps à l'endroit où il était cela dit ; nombre de pièces étant trop agitées par les préparation, il n'y avait qu'un seul endroit réellement calme où nul ne viendrait l'embêter.
Poussant la porte de leur grande bibliothèque, la baguette pulsant toujours sa douce lumière rouge, l'aveugle attendit quelques secondes avant de repérer du bruit vers le fond de la pièce. Aymeric eut un soupir discret, n'aimant forcer son frère hors de son petit cocon, puis ses pas le guidèrent lentement vers la dernière rangée, d'où il apparut pour trouver Valentin.

« Valentin » l'appela-t-il, « Ca va être l'heure. »

Aucun n'avait envie d'aller s'asseoir autour de cette table, aussi bien garnie était-elle. Ils auraient tous préféré être chacun dans leur coin, loin des obligations familiales, loin des faux-semblants et des apparences à manipuler pour ne pas froisser celui qui était la figure d'autorité.
Aymeric fit à nouveau quelques pas vers son frère qui semblait avoir été pris dans sa lecture, puis lui tendit la main.

« Ysée nous attend près de l'escalier. On y va ensemble, ok ? On mange, on dit ce qu'il veut entendre, on fait ce qu'il veut, puis on pourra partir. »

Plus Valentin prenait de l'âge, plus le paternel appuyait sa préférence pour le plus jeune. C'était lui qui devait répondre aux questions, lui qui était au centre de l'attention, lui qui bénéficiait des compliments mais aussi des exigences les plus grandes. Les autres devaient regarder, observer, encaisser le silence passif de leur mère également. Mais au moins, ils étaient là. Aymeric serra la main de Valentin dans la sienne alors qu'il l'emmenait hors de la rangée ; quand bien même ils avaient tous envie de se planquer, ils se devaient d'y aller.

« Mads nous rejoindra juste après. »

C'était pesant toute cette situation. Encore quelques années et ils pourraient quitter la demeure et l'autorité parentale en bonne et due forme, sans le moindre accroc ou compte à rendre, afin de s'envoler de leurs propres ailes. Pour Aymeric, plus qu'un an et demi. Pour Valentin... plus longtemps. Mais d'ici là, peut-être que ses aînés auraient trouvé une solution pour le sortir de là.

Noël. Synonyme de tous les maux. Ysée avait toujours été une grande amoureuse de l’hiver et du froid de cette saison, mais Noël. C’était tout autre chose. Car Noël signifiait de devoir rentrer chez soi pour les fêtes. Cela signifiait croiser ce regard encore plus glacé que la banquise. De deviner que le coeur était lui aussi de glace, sans doute encore plus froid que le regard qui se posaient sur les quatre enfants de la fratrie. Elle avait quitté la chambre d’Aymeric quelques minutes plus tôt, en entendant du bruit au rez-de-chaussée. Son petit frère était beau comme un coeur avec ses habits propres et elle s’était assurée que ses cheveux rebelles n’allaient pas faire des leurs, il fallait éviter de provoquer le paternel en cette soirée. Aymeric était magnifique. Il avait tellement grandi dans les dernières années qu'elle peinait à reconnaître le petit frère qu’elle avait un jour méprisé. Elle s’en voulait encore à ce jour pour son comportement déplacé et la jalousie enfantine qui l’avait guidée pendant si longtemps. Elle avait tenté de rassurer Aymeric avant de partir, lui assurant que tout allait bien aller. Que tout serait parfait. Mais elle ne savait pas si c’était lui, ou elle-même, qu’elle tentait le plus de convaincre. La commotion au rez-de-chaussée s’était alors accentuée, et après avoir donné un point de rendez-vous au cadet, elle avait quitté la pièce. Pas question de laisser les garçons seuls en présence de leur père. Elle était alors descendue pour voir de quoi il s’agissait.

Suivant le bruit qu’elle entendait, elle entra dans la cuisine au bon moment pour qu’un elfe de maison apeuré ne vienne se cacher derrière ses jambes. Elle soupira, avant de relever les yeux vers l’homme dans la pièce. Il n’était pas en colère, c’était déjà ça. Mais visiblement irritée. Décidant d’acheter la paix, elle lui dit qu’elle allait s’occuper des problèmes en cuisine. Peut-être n’était-ce pas une bonne idée de le laisser filer se verser un verre de whisky en ce début de soirée, mais c’était mieux que de le confronter sur ce comportement… Pour l’instant. Une fois l’homme parti, elle sermonnant symboliquement les elfes de maisons avant de les laisser terminer leur travail. L’odeur en cuisine était agréable. Et avec les flocons qui tombaient doucement par la fenêtre, Ysée aurait presque pu oublier que c’était Noël. Presque…

Avec un nouveau soupir, elle retourna vers le grand escalier de leur manoir. Là où elle avait dit attendre les deux garçons. Madeline l’avait prévenue qu’elle se joindra à eux un peu plus tard. Et Ysée ne pouvait qu’espérer qu’elle ne soit pas en retard, pour le reste, elle tentait de faire confiance à sa sœur. Arrivée sur place, elle passa rapidement une main sur sa robe pour en faire disparaître les plis, puis replaça la pince à cheveux ornée de perce-neiges qui retenaient une partie des mèches sombres de sa chevelure. Le reste de ses boucles tombaient en cascades sur ses épaules pour aller se fondre dans le noir de la robe qu’elle avait revêtie. Elle attendit donc patiemment que les deux jeunes hommes arrivent, pas question de les laisser seuls ce soir. Mais les aiguilles de l'horloge tournaient. Et la pression commençait à prendre le contrôle de la jeune fille. Alors elle monta rapidement les escalier, lançant un sort de repérage pour tenter de voir où les deux garçons se trouvaient. Elle poussa alors la porte de la grande bibliothèque.

« Aym ? Val ? »

Elle avança lentement, pour finalement les trouver. Le plus jeune avait prit son aîné dans ses bras. Un moment qui tira un petit sourire à la jeune fille. Elle décida, après quelques secondes, de voler au secours d'Aymeric. Posant une main sur l'épaule de Valentin, elle l'attira contre elle, libérant doucement l'aveugle de la prise du benjamin.

« Tout va bien aller, t'en fais pas. » Elle sourit à Aymeric, sachant que même s'il ne pouvait la voir, il comprendrait. Il ne sentirait. Elle en était certaine. « Je suis désolée de gâcher votre moment, mais je crois qu'il va falloir y aller... ». Mais aucun d'entre eux ne semblait vouloir bouger. Elle devrait donc montrer l'exemple et les conduire vers la salle à manger.