Qu'elle se sentait bien dans sa blouse. Dans ses cheveux colorés depuis ces quelques années qu'elle oublierait presque quelle était sa couleur naturelle. Enfin, celle qu'elle devrait, elle , naturellement avoir. Cette affreuse couleur blanche, qui rappelait sa condition , et qui en plus la vieillissait alors qu'elle n'en avait pas l'âge. L'autre révélateur de sa lycanthropie , figurait sur son médaillon. Il fallait cependant déceler quelle identité se cachait dans l'initiale R qui s'y trouvait gravée. Ce couple d'amis qu'elle avait perdu lors de la bataille de l'école mais qui d'une certaine façon ne les avaient jamais quitté. Rémus Lupin et Nymphadora Tonks. Elle n'aimait pas qu'on l'appelle ainsi, mais l'initiale simple N. , ça allait encore. Se trouvait au milieu un coeur, symbole de leur amour, mais brisé, parce qu'ils avaient péri. Tout ce qu'elle espérait, c'était que leur fils se portait bien.

Chaque jour avant de commencer à travailler, ses premières pensées demeuraient pour eux. Après quoi, une pensée pour Warf, son loup domestique , qu'elle laissait chez elle, son amie Luna se chargeant de passer deux fois par jour le nourrir : et elle était toute à son travail, à son bonheur de soigner , protéger et alerter les étudiants et parfois les autres membres du personnel car personne ne figurait à l'abri d'un accident , d'une blessure, d'une foulure, brûlure , crampe ou autre. Sans oublier que Lobosca pouvait parfois donner des entretiens psychologiques à certains élèves de par les connaissances qu'elle avait acquises auparavant à Sainte-Mangouste.

Elle devait également reconnaître qu'elle avait beaucoup de chance de travailler, déjà, là où la roue avait commencé à tourner pour elle; dans une bonne équipe où elle se sentait plus à l'aise justement qu'auparavant à l'hôpital. Notamment auprès de Jesse Winchester, son collègue, qui supervisait les prescriptions à donner. Elle le trouvait très sympathique , professionnel et , chose qui probablement la mettait en confiance, dôté d'une belle bienveillance. Celle-là même qui lui aurait fait reconnaître ce qu'elle était, si le fait de s'être recensée officiellement louve-garou n'avait pas été obligatoire. Bien sûr, la concernant, sur ce sujet, elle n'avait pas livré tous ses secrets..

Lorsqu'elle se présenta à l'infirmerie ce matin-là, un arrivage venait d'être effectué. Elle consulta le planning et il s'avérait qu'il fallait faire l'inventaire des produits, vérifier la péremption ou non de certains, les remplacer par le nouvel arrivage le cas échéant, tout cela en checkant quoi laisser de côté les médicaments qui étaient prescris pour ce jour. 

Allons Chiara, retroussons nos manches . Prenons donc une paire de lunettes pour y voir plus clair, donc être plus efficace et donc gagner du temps. Diable, nous ne pouvons pas nous éterniser , n'importe qui peut arriver avec un problème, nous ne pourrions pas lui dire que ce n'est pas possible d'entrer pour le moment parce que nous rangeons. Soyons méthodiques. Dans une boîte, les prescriptions prévues de côté. Ca c'est fait, maintenant, place aux choses sérieuses. Qu'est-ce qui est périmé maintenant ?

A peine l'infirmière se posa la question, qu'elle entendit la porte de la pièce s'ouvrir. Elle manqua de faire un bond, lorsqu'en se retournant, elle vit que c'était son collègue qui entrait.

Ah, ouf, c'est vous . Eh bien, j'ai bien fait d'arriver plus tôt ce matin.
Un nouvel arrivage nous est parvenu et il faut procéder à l'inventaire.
Comme vous voyez, j'ai déjà commencé. J'espère que j'aurai le temps de le terminer avant que quelqu'un n'arrive.


Etrange, elle connaissait la grande bonté de Jesse, mais elle ne pensait pas qu'il pourrait avoir l'idée de l'aider. Il devrait avoir bien des choses plus importantes à faire , non ?

Au final , nous sursautons tous les deux. Vraisemblablement, autant surpris l'un que l'autre qu'il y ait quelqu'un dans la réserve. Je suis doublement surprise. Oui, doublement. Premièrement, parce qu'il me dit être présent pour m'aider. Somme toute, cela ne m'étonne pas tellement au premier abord. Notre entente est plutôt cordiale et je l'ai toujours trouvé bienveillant. En revanche,  c'est son autorisation de le vouvoyer qui m'interpelle. Pour moi, là aussi, il y a deux raisons à cela . La première, que malgré sa gentillesse, je le considère plutôt comme mon supérieur en quelque sorte , puisqu'il supervise les prescriptions que je donne par la suite aux uns et aux autres. Et la seconde, à cause de cette barrière que je me fixe à cause de ma condition. Comme si tutoyer serait se rapprocher et prendre le risque de devenir dangereuse pour lui, chose que je ne veux pour rien au monde, comme je ne le veux pour n'importe qui d'autre d'ailleurs.

Cependant, s'il m'y convie, cela veut dire qu'il m'ouvre une certaine porte. Je ne peux décemment pas le lui refuser. Et puis pour ainsi dire, je n'en ai pas du tout envie. Je n'ai pas du tout envie de lui refuser cela.

Tu , tu as raison. Nous nous voyons, nous échangeons ici tous les jours. Peut-être que je te considère un peu comme une sorte de supérieur et que de ce fait je n'ai jamais vraiment osé parce que j'estime que le respect de sa hierarchie passe par le vouvoiement..
Sauf qu'entre nous, nous travaillons plus dans la collaboration qu'avec ce genre de considérations.. Nous pouvons nous respecter et nous tutoyer. Heureusement.


Même s'il a connaissance de ma condition, il n'est pas dans mon esprit, il ne peut pas deviner que le vouvoyer est en quelque sorte une façon de le préserver de moi. Mais en réalité c'est ridicule. Je me transforme bien les soirs de pleine lune, mais l'aconit me permet de rester pleinement consciente , je ne suis donc pas dangereuse. C'est pourtant très rare que je pense cela. Que je positive à ce sujet. Mais , ça ne dure jamais trop longtemps...


J'ai toujours en moi cette peur qu'un jour la Tue-loup ne suffise plus ou qu'avec la tournure écologique les ingrédients viennent à manquer..


Tout en lui répondant bien entendu je continue à trier. Et il se confirme qu'à deux nous allons effectivement bien plus vite.


Mais ce sont des craintes que tous ceux qui sont de de ma condition ont. Enfin, la plupart, j'espère..


Tous ceux qui ne veulent pas faire de mal, sortir leur folie bestiale à des fins destructrices, carnivores, en tout cas . Qui ne correspondent pas du tout. Je suis une femme douce, qui n'envisage que de la tendresse, voir même seulement des écrits et surtout pas la moindre vie que je songe profane . D'où mon hétéromantisme. Allais-je finir par l'aborder ?

Peut-être bien que c'était un réflexe de pensée que j'avais à l'époque où j'exerçais à Sainte-Mangouste . Mais il n'avait pas sa place ici à Poudlard. Personne n'avait à se sentir supérieur ou plus bas que l'autre. Je me  sentais bien bête d'avoir pensé ça .

Ta vision est plus proche de la réalité. Nous travaillons ensemble, nous collaborons en intelligence de sorte que notre prochain soit préservé ou soigné le cas échéant. Et je pense que mieux nous collaborons, plus nous serons efficaces et notre directrice sera contente de nous .

Il était bien vrai que nous la voyions très peu. Tant mieux non ? Ca voulait dire qu'elle n'avait rien à nous reprocher qui nécessite qu'on la rencontre . On pouvait aussi voir les choses comme ça .

Je suis heureuse que nous ayons une si bonne entente avec Jesse et les autres membres du personnel infirmier de l'école. Si mon collègue me rassurait facilement concernant un potentiel risque que l'aconit vienne à ne plus fonctionner, il sembla un peu plus buter lorsque je me mis à évoquer celle d'une possible pénurie d'aliments, de ressources nécessaires.

Il est probable que quelqu'un pensera à trouver des ingrédients ou des recettes alternatives avant que cela n'arrive , poursuis-je  en frottant mon menton avec mes doigts , perplexe . Quelqu'un cherchera, c'est presque sûr, mais trouvera t-il à temps ?

Et surtout pourquoi je me posais sans cesse la question ? Pourquoi je m'en inquiétais toujours ? Après tout, depuis que j'avais été mordue, je n'avais jamais si mal vécu, et puis, je n'avais personne dans ma vie que je pourrais risquer de blesser dans une intimité que je ne connaissais pas puisqu'elle est inexistante.

Je me demande surtout pourquoi je m'inquiète . Il n'existe personne qu'il pourrait m'inquiéter plus que personne en qui l'idée même de faire du mal serait une horreur . C'est paradoxal comme si je ne l'envisageais pas, mais que mon moi profond voulait l'envisager et donc me préserver de la possibilité.
Je n'ai jamais eu de problème peut-être, juste, parce que je n'ai pas parmi mes rares attaches, contacts humains, aucune ou aucun avec qui j'envisage quelque chose d'un genre sentimental..

Un peu comme si j'avais envie de rencontrer quelqu'un, d'avoir des sentiments, tant que je ne ressentais rien d'autre. Mais comment expliquer ça ? Je ne me sentais moi-même pas claire...

Désolée, je dois te faire mal à la tête avec mon questionnement personnel alors qu'on est en train de bosser ..

Je pense que c'est mieux en effet . Nous n'avons pas besoin d'avoir affaire à une personne externe à l'infirmerie , à moins de tomber sur une raison vraiment grave , mais ce n'est pas le cas et espérons que cela n'arrive jamais.

Evidemment, qu'il avait raison. Et il n'avait pas raison parce qu'il était en dessous ou au-dessus de moi à l'échelle hierarchique. Il n'y avait pas de ça entre nous, ici, non. Il avait raison parce que je le savais, et parce que ce n'était pas le seul à me répéter ça. Il était temps que je me réveille et que j'accepte d'entendre et que j'ouvre la porte à la possibilité que je faisais fausse route et que ces craintes ridicules me bouffaient , m'empêchaient de vivre une vie normale , d'avoir une vraie vie sociale, à part avec certaines personnes.

Je vois ce que tu veux dire. Il doit y avoir des chercheurs , autant pour éviter les pénuries d'ingrédients que le cas échéant trouver des équivalents.
Si déjà quelqu'un pouvait trouver quelque chose qui rendrait la potion moins dégueulasse, je serais déjà bien preneuse.

Je souris. J'avais même envie de rire. Je le fis même, timidement. Nous étions quand même en train de travailler, il fallait que je reste concentrée, ce job nécessitait de la minutie, un bon œil , une vigilance . La santé de tout le monde en dépendait. Mais toutefois, je me disais à moi-même que cette marque d'humour que je venais d'avoir là avait tout d'une bonne chose, pour moi et ma conception de voir les choses un peu autrement.

C'est exactement ça . Mais même si cette peur est humaine, elle ne doit pas m'empêcher de vivre. Le risque fait partie de la vie. Donc vivre sans le risque, c'est ne pas vivre vraiment. C'est bien ça ?

Je crus saisir là qu'il pouvait être possible que Jesse lui aussi connaissait, voire vivait en quelque sorte la même crainte que moi. Ce qui ne m'étonnerait pas en fin de compte. Il me comprenait et puisqu'il me comprenait, peut-être ressentait-il au moins en partie les mêmes choses que moi ?

Notre métier nous permet de mieux comprendre nos patients, mais aussi de nous comprendre entre nous. Il me semble saisir que toi aussi tu sembles avoir une partie de ces craintes dont je viens de te faire part.
Si c'est le cas, n'hésite pas à m'en parler. Moi aussi, je peux être là pour t'écouter.

Et de plus cela validerait bien encore plus ce concept de se considérer d'égal à égal.J'avais beau être timide, là , je venais de m'exprimer à cœur ouvert et me sentais beaucoup mieux. Peut-être que maintenant venait l'occasion pour mon collègue de vider son sac, s'il en ressentait le besoin. Et s'il le voulait, eh bien je serais là. Maintenant, ou bien plus tard. Bien entendu, à mesure de la discussion, le travail suivait son cours, et en effet ils allaient beaucoup plus vite à deux, même en discutant !