Eden. Le paradis perdu. Si on lui demande ce qu’elle se souvient de son enfance, elle ne saurait que répondre. Car la vie est ainsi faite, elle donne. Elle donne pour reprendre au premier moment. Pour reprendre quand cela fait le plus mal. De sa famille, elle n’a que très peu de souvenirs. Enfant imprévue. Bébé miracle. Eden est née neuf ans après son frère aîné, à Londres. Une famille aimante comme il y en a peu. Elle a passé les premières années de sa vie dans l’amour et la bonté. Eden ne se souvient pas beaucoup de ces années, où Galen n’appréciait pas sa présence (mais qui pouvait le lui reprocher, il passait d’enfant unique à avoir dans les pattes une gamine réclamant toute l’attention). Non, quand elle y repense, elle se souvient des sourires. De Galen qui lui tend une peluche. De son père qui lui lisait des histoires le soir avant d’aller dormir. De sa mère qui, dès qu’elle avait su marcher, l’avait amené à toutes ces leçons de danse, espérant faire de la petite cette danseuse étoile qu’elle-même avait voulu être. Eden n’a que peu de souvenirs. Mais elle se souvient des rires et de l’amour qui avaient entouré ses premières années de vie. Cette petite famille était bien loin de se douter que la magie qui coulait dans les veines des deux enfants allait refaire surface, mais voilà que Galen était entré à Poudlard. Et entre les histoires que lui racontaient son père et les visites de son frère durant les vacances, Eden vivait dans un réel conte de fée.

Galen était rentré pour Noël. Eden, du haut de ses quatre ans, avait aidé ses parents à décorer la maison et avait même pris la peine (ou du moins, tenté avec toute la détermination qui habitait son petit corps) d’emballer elle-même le cadeau de ce frère qu’elle admirait tant. Encore une fois, elle n’a que des flashs de souvenirs, des éclipses qu’elle aurait définitivement préféré oublier. De la fumée. Des explosions. La sensation désagréable de la nappe qui était sur la table de cuisine maintenant sur sa peau. Elle se souvient très bien de Galen, les semaines suivantes, blessé. Et elle s’imaginait pouvoir absorber sa douleur. Elle lui disait que tout allait bien aller, que Maman reviendrait et que le mal partirait, comme ça avait toujours été le cas. Elle ne comprenait pas, Eden. Elle ne comprenait pas qu’ils n’étaient plus. Que les Mangemorts avaient frappé. Que c’était la fin du conte de fées. Elle n’en a que peu de souvenirs… Et Galen refuse de lui en parler plus qu’il ne le faut. Elle compte bien avoir le fin mot de cette histoire, indépendamment de la douleur que cela lui procurera. Elle attend seulement de mieux maîtriser son don, afin de percer l’esprit de son frère pour aller chercher ce souvenir refoulé. Car ce qu’on lui a raconté quand elle posait des questions ne remplace pas ces souvenirs effacés.

Elle se souvient cependant des années qui ont suivies. Galen était mal. Il était resté allongé tellement longtemps que la fillette lui récitait la belle au bois dormant (ne réalisant pas à cet instant que Galen s'identifie plus au corbeau de Maléfique qu’à la princesse endormie), qu’elle ne connaissait qu’à moitié, à force de demander à leur père de la lui raconter. Une histoire qui allait marquer Eden pour encore longtemps. Lorsqu’il finit par ouvrir les yeux, la gamine n’avait pas compris pourquoi Galen avait autant changé dans son comportement envers elle. Ni pourquoi ils ne retournaient pas à la maison. Mais il semblait soulagé, au moment où ils avaient passé les portes en bois de cette nouvelle demeure. Un endroit où couraient déjà d'autres enfants. Une ambiance plus bruyante que ce à quoi la petite était habituée. Eden avait immédiatement cherché refuge dans le manteau de son frère. Ils étaient encore ensemble. Lui et elle contre le monde. L’adaptation fut lente, Eden avait des amis, mais ce n’était rien comparé à l’ambiance de vivre avec d’autres enfants à temps plein. Ni avait l’idée de vivre dans une famille sorcière. Car c’est ce qui s’était produit. Les deux enfants avaient rapidement été adoptés par une famille de sorciers, une famille qui comprenait ce qu’ils étaient et ce qui leur était arrivé. Galen reprit rapidement le chemin de l’école et Eden resta seule dans cette nouvelle famille. Si elle était renfermée au départ, ne comprenant pas où était sa famille, la brunette comprit rapidement qu’elle devait s’imposer, prendre sa place, si elle ne voulait pas se faire marcher sur les pieds. Elle apprit à dire ce qu’elle pensait, à envoyer balader ses frères et soeurs d’adoptions lorsque nécessaire. Ils lui en faisaient voir de toutes les couleurs, mais en grandissant, elle apprit à les remettre à leur place. Eden s’adapta rapidement à ce nouvel environnement, mais des bribes de son passé moldu la suivaient toujours. Elle avait continué de danser. Elle avait également sa propre bibliothèque, remplie des histoires d’auteurs moldus (ou du moins de livres vendus chez les moldus). Elle gardait, en grandissant, ce contact avec ses origines, à travers cette nouvelle vie qu’elle se forgeait.

Vient un jour, lorsqu’elle avait huit ans, où elle capta les pensées d’un des membres de sa famille d’adoption. Rien de bien méchant. Un souvenir vivide qu’elle vécut avec lui. Premier contact avec la légilimencie. Première intrusion dans l’esprit d’un autre. Sans prévenir, Eden s’était mise à hurler, les mains sur les tempes, ne comprenant pas ce qui lui arrivait. On lui expliqua rapidement, surveillant ce comportement. C’était bien l’avantage de vivre entouré de sorciers. Elle tente cependant de refouler cette partie d’elle-même, n’étant pas prête à vivre cette réalité.

C’est quelques années plus tard qu'elle reçut à son tour sa lettre de Poudlard. Elle avait appris à prendre sa place, Eden.  Et elle était plus qu’heureuse de pouvoir suivre les traces de son frère et de s’ouvrir à ce nouveau monde. Eden n'avait pas peur de cette nouvelle expérience. Elle était motivée, plus que jamais. Puis vint un quotidien plus calme. L’adolescence et les drama d’école n’étaient certes pas de tout repos, mais Eden y voyait quelque chose de normal. Et Poudlard lui ouvrait un monde de possibilités. Ses premières années ne l'avaient pas autant déstabilisées que ce que Galen lui avait raconté de son expérience, mais d'un autre côté, elle avait grandit dans ce monde. Elle avait fait les sélections de Quidditch dès sa première année, mais n'avait eu qu'un poste de remplaçant. C'était parfait pour elle. Elle apprenait. Et elle savait qu'elle pourrait se tailler une place avec le temps. Elle n'hésitait pas à vivre une vie bien remplie. Séchant parfois les cours pour s'amuser avec des potes. Une fois, en deuxième, ils avaient passé à deux doigts de mettre le feu à la classe de potions (rien que cette classe n'avait pas déjà vécu, si on y pensait bien). La troisième fut plus difficile pour elle, les choix de cours étaient compliqués. Elle ne savait pas où se lancer. Mais le temps fait bien les choses, elle trouve sa place, elle s'amuse. Et elle écrit, Eden, elle écrit à sa mère adoptive à tous les mois, lui racontant les faits divers les plus variés. Avec le temps, elle est de plus en plus près de cette mère qu'elle apprécie tant. Oui, Eden s'est adapté à ce monde, à cette nouvelle vie. Pas une adaptation comme durant ses jeunes années, mais le cours normal d'une vie qui méritait d’être vécue. Et elle ne se laisse plus marcher sur les pieds et est prête à foncer pour ses objectifs. Si elle arrive à découvrir ce qu’ils sont…