« Et je pense que ces titres-là pourraient se révéler utiles pour ceux qui voudraient faire des recherches plus poussées sur… atchi ! »

Alice fut brutalement interrompu par son nez. Elle était enrhumée, comme une bonne partie des élèves, et elle avait déjà pu constater que ce rhume avait un effet sur les pouvoirs magiques. Elle avait vu un élève disparaître sous ses yeux après un éternuement, et elle avait elle-même commencer à compter de 10 à 0, un chiffre par minute. Heureusement, au bout de dix minutes, l'effet avait disparu et le compte s’était arrêté à 0 pour ne pas reprendre. Elle avait pu constater que c'était un effet indésirable moins pénible que la plupart de ceux qu'elle avait pu constater par ailleurs.

Mais même un rhume aux effets indésirables n'allait pas empêcher Alice de faire son travail. À dire vrai, lorsque la tâche consistait à évaluer le contenu de la bibliothèque en matière de livres sur l'arithmancie en compagnie de son frère, ce n'était pas exactement un travail pénible. C’était même quelque chose qu'ils avaient fait souvent sur d'autres sujets que celui-là à la librairie Cooper. Mais en l'occurrence, ce n'était tout de même pas très agréable d'être interrompu par des éternuements, et par les effets indésirable de ceux-ci.

« Je suis désolée, je n'arrive pas à me défaire de ce rhume. Mais nous allons essayer… Atchiii… Qui tu es toi ? Et c'est quoi cet endroit ? Mamaaaaan ! »

Ce n'était plus la directrice de la maison Poufsouffle qui se tenait maintenant devant le bibliothécaire, mais une fillette blonde qui ne devait guère avoir plus de trois ou quatre ans. Elle était complètement affolée par l'adulte qu'elle ne reconnaissait pas. Il allait falloir qu'il fasse quelque chose avant que la fillette ne se mette à fondre en larmes, comme il était évident qu'il était sur le point de le faire. Elle était persuadée qu'elle avait dû se faire kidnapper par un méchant monsieur ou qu'il était arrivé quelque chose à son papa et à sa maman. Dans les deux cas, elle estimait avoir toutes les bonnes raisons de fondre en larmes.

Alice avait très peur en se retrouvant dans un endroit inconnu avec un monsieur tout aussi inconnu. Elle ne comprenait pas pourquoi sa maman l'avait laissée toute seule et le fait de ne pas savoir comment elle était arrivée là l'inquiétait aussi. Elle ne se souvenait pas toujours de tout, mais là, son esprit était vraiment confus. Le monsieur n'avait pas l'air méchant, mais elle ne savait pas qui il était et puis, elle voulait sa maman. Le simple fait de ne pas l'avoir dans son champ de vision était suffisamment inhabituel pour lui faire très peur.

Finalement, le monsieur lui dit qu'elle était malade. Si cela expliquait sans-doute pourquoi elle n'avait pas tous ses souvenirs, ça ne rassura pas vraiment la fillette qui commença même à paniquer très fort. Elle regarda le jeune homme avec des yeux emplis de terreur et elle avait même quelques larmes en lui posant la question qui lui brûlait les lèvres, et qu'elle ne put s'empêcher de poser avec une voix tremblante, tellement elle avait peur de la réponse. Après tout, si elle n'avait pas les idées claires, c'était peut-être parce qu'elle avait quelque chose de grave.

« Je suis malade ? Est-ce que je vais mourir ? »

Au moins, maman n'était pas loin. D'après le monsieur, elle était en train de chercher des livres. Alice avait envie de courir à sa recherche, mais si elle lui avait demandé de se reposer, elle ne serait pas contente de la voir courir vers elle pour rien. Sa maman n'était pas sévère, mais quand elle demandait quelque chose, elle s'attendait à ce qu'on le fasse. Et puis, maman n'aurait jamais laissé Alice avec quelqu'un en qui elle n'avait pas confiance. Elle devait donc connaître ce monsieur, même si la fillette n'avait pas la moindre idée de qui il était. Elle allait donc être sage et obéissante.

« Vous et maman, vous êtes des amis ? Vous avez quoi comme histoire ? »

Du haut de ses trois pommes, Alice savait ce que ça voulait dire d’être malade et elle n’avait pu s’empêcher d’avoir peur que ce soit grave. Forcément, pour que sa maman ait dû la laisser là, il fallait que ce soit sérieux. En tout cas, il ne mentait pas en disant qu’elle avait quelque chose, sinon elle ne l’aurait pas laissée là toute seule. Enfin, avec le bibliothécaire. Il fallait reconnaître que c’était un adulte responsable. Son histoire était cohérente. Et puis, elle était dans un lieu public, donc ce serait bizarre qu’il l’ait emmenée là pour lui mentir aussi.

Elle n’allait pas mourir. Elle avait un rhume. Bon, ce n’était pas grand-chose, mais sa maman lui avait toujours dit que quand on prenait froid, on devait rester au chaud, alors elle l’avait laissée à un endroit où il ne ferait pas froid et où elle ne serait pas dans un courant d’air. Et où elle pourrait se reposer aussi. Donc, c’était cohérent en fin de compte. Elle ne devait pas s’inquiéter plus que ça et seulement attendre sa maman. Et ce monsieur avait l’air bien gentil pour attendre en sa compagnie. Elle lui fit un grand sourire plein de chaleur.

« Ah c’est juste un rhume. Ca va. Ouf, tant mieux. »

Alice ne savait pas que sa maman venait si souvent dans cette bibliothèque en particulier. Mais ce n’était pas tellement important. Il lui proposait de lui raconter une histoire en attendant sa maman et elle trouvait l’idée plutôt bonne. Alice aimait les histoires. Elle adorait quand sa maman lui lisait des livres et elle en réclamait souvent juste avant de s’endormir. Elle s’installa contre les coussins qu’elle avait vu juste à-côté d’elle. Elle attendait impatiemment l’histoire. Au moins, elle passerait le temps bien agréablement et peu importait le choix que le bibliothécaire ferait, ce serait sûrement formidable. Elle sourit à pleines dents.

« Je veux bien une histoire. Celle que vous voulez. »