Le visage qui lui fait face dans son miroir est dégradant. Zélie a l’impression d’être un monstre, une bête assoiffée de sang depuis l’accident avec Bane lors de la pleine lune. Elle a l’impression de sentir le sang du braconnier entre ses lèvres, de voir constamment des tâches rougeâtres sur ses joues qu’elle ne pourra jamais défaire. Le surnom de sauvageonne lui colle à la peau ; mais elle a fini par inconsciemment le détester à mesure que ça la rattachait à ce statut de bête qui la dégoûtait. La Serpentard n’était plus aussi fière de son statut de lycanthrope, et souvent, elle se réveillait au milieu de la nuit après de lourds cauchemars. La gamine avait alors supplié Coline de lui envoyer sa crème miracle pour les cheveux pour dénouer les atroces noeuds, et avait même réclamé à Vanessa qui était dans sa salle commune de lui apprendre à se maquiller afin d’être… potable et de camoufler ses cernes atroces. Si bien que depuis quelques jours, la gamine était étrangement décente et n’avait plus tant l’air d’une sauvage. Le reflet dans le miroir qui lui était renvoyé n’était qu’une copie étrange d’elle : pas aussi désagréable qu’elle l’aurait pensé, mais encore étrange. Elle avait du mal à s’habituer à cette routine pénible.. mais qui arrêterait peut-être les moqueries à son égard. Elle se sentait même… un peu belle ?

« T’essaies de faire tes preuves à quelqu’un ? » demande Vanessa en passant, qui curieuse, se demandait d’où lui venait les changements d’humeur de sa colocataire.

« J’essaie surtout de pas ressembler à une sauvage. » marmonne Zélie en réponse, ses cernes désormais camouflées, et avec la sensation d’avoir effacé le sang après être passé plusieurs fois sur son visage à frotter avec un gant de toilette.

Sauvage. Ce mot était presque devenu proscrit depuis qu’elle avait tué quelqu’un et que la culpabilité l’étouffait. Non, Zélie voulait juste se terrer sous son lit à la prochaine pleine lune, et d’être simplement une jeune fille lambda. Vanessa et ses boucles rouquines la jauge silencieusement, un sourire en coin, pensant que sa petite excursion nocturne était un rendez-vous amoureux.

« Et il a un prénom ? » glousse Vanessa

Peut-être que Zélie aurait préféré faire ça pour un garçon, au moins elle l’aurait laissé tranquille dès qu’elle aurait balancé son nom. Roulant des yeux, la gamine réajuste sa cravate et ne tarde pas à quitter la salle commune avec son sac. Sur le chemin, le léger tintement des bouteilles dans sa besace prouve que ses intentions ne sont pas aussi louables qu’une petite romance enfantine. Depuis plusieurs jours, Adrian, Ikarus et elle organisait une petite soirée tranquille depuis que Zélie avait réussi à se procurer de l’alcool auprès de Riley. Et ce soir-là était celui-ci : Grant n’avait pas été tenu au courant, forcément. Zélie les avait forcés à garder le secret, sachant pertinemment que le maudit aiglon tête de pioche aurait tout fait pour annuler leur soirée ou être présent. Mais non merci, Zélie ne voulait pas de Monsieur un balais dans le cul avec eux. Le couvre-feu n’étant pas encore prononcé, la silhouette de la Serpentard se faufile dans les couloirs pour rejoindre la planque d’Evan qui se situait dans les cachots : Ikarus était censé retrouver discrètement Adrian pour qu’ils puissent se rejoindre.

La gamine se charge des premiers préparatifs : elle a réclamé des verres il y a quelques jours aux elfes du château, et de quoi grignoter en prétextant qu’elle n’aurait pas le temps de manger à cause de l'entraînement de Quidditch. Un brin excitée par la situation, elle en oubliait sa mélancolie passagère et qu’elle était accessoirement une meurtrière, se laissant aller aux folies adolescentes. Zélie avait besoin d’évacuer et de rire, et grâce à Bane, elle savait que l’alcool était parfait pour ça. Des bruits attirent son attention : c’est avec prudence qu’elle jette un bref coup d’oeil aux alentours. Mais tout va bien, ce n’était que ses deux invités.

« J’espère que vous êtes prêts. » elle glisse, un brin malicieuse, alors qu’elle sort les bouteilles de sa besace.

Elle avait réclamé toute sorte d’alcool avec Riley, mais il lui avait donné des bouteilles un peu douteuses, du fait maison. Un truc un peu orangé, parfait pour des gamins souhaitant commencer l’alcool : un punch sucré, et probablement traître.

« Hors de question de boire comme des trous, sinon Adrian va encore vomir… » elle jette un regard incisif au Serdaigle, un brin accusatrice en se souvenant encore de la dernière fois. « Est-ce que on mettrait pas des règles, ou alors on sort un jeu de cartes ? Sinon y a des jeux d’alcool…   » et cette fois-ci elle regarde Ikarus… songeant très fortement au fait qu’il se passait un truc avec Evan… et qu’il voudrait probablement pas en parler s’ils s’aventuraient sur un action ou vérité.

Enfin les beaux jours. J'aimais le mois d'avril parce qu'il rimait avec vacances de printemps. On avait qu'une petite semaine à la fin du mois, mais j'étais content à l'idée de rentrer chez moi. Et j'y pensais déjà alors qu'on était seulement au début du mois d'avril. Je n'écoutais que partiellement en classe, même si depuis quelques semaines, j'essayais de fournir plus d'efforts que d'habitude. Mais ça m'épuisait. Je n'avais pas pris l'habitude d'écouter un professeur déballer un cours d'une heure sur un ton laconique.

Je regardais @Grant Malcolm avec admiration, prendre des notes et s'investir en classe. Comment faisait-il pour rester concentrer aussi longtemps ? Et malheureusement, les cours ne duraient jamais qu'une heure. Ils s'enchainaient, les uns après les autres, jusqu'au déjeuner. A la pause du midi, je m'installais seul dans un couloir, mangeant un sandwich avec peu d'appétit. J'avais prétexté à Grant et Ikarus aller aux toilettes et les rejoindre plus tard. Mais je n'avais jamais pris la peine de regagner la Grande Salle. Depuis l'annonce de Grant et Coline le mois dernier, je me sentais ... patraque.

Une mort imminente m'attendait. C'était grisant de se dire que jamais je ne connaitrais l'amour, les poils sur le menton, la fierté de mes parents, ou encore même connaitre la véritable raison de la mort de Mark. J'étais dégoûté aussi par le fait que Grant ne m'ait rien dit pendant tout ce temps. Peut-être qu'il avait peur de ma réaction ? Que j'allais sombrer dans une nouvelle dépression ? Mais ça me soulait qu'il me cachait encore et encore des choses.

Alors, bien sûr, quand Zélie nous proposa à moi et Ikarus de se rejoindre pour une petite soirée alcoolisée, sans le dire à Grant, j'acceptais sans tergiverser. Zélie m'avait appris à fumer. Maintenant elle allait m'apprendre à boire. C'était peut-être un peu tôt ... à seulement 13 ans. Je faisais littéralement n'importe quoi et c'est ça qui m'intéressait. Qui me donnait le sentiment d'être vivant. J'étais tiraillé entre l'envie de rester un petit garçon et celle de devenir un homme.

L'après-midi me paru terriblement long. Le double cours de Défense Contre les Forces du Mal fut horrible. Et quand nous sortîmes dans les couloirs pour rejoindre la Salle Commune de Serdaigle, je m'excusais auprès de Grant prétextant devoir faire quelque chose d'hyper important avec Rowena. Bien sûr, c'était un pur mensonge.

Après qu'il soit monté dans les étages, je descendis en toute hâte rejoindre Ikarus à l'endroit indiqué sur le petit bout de parchemin qu'il m'avait filé en cours, lorsque le professeur Riopse avait eu le dos tourné. Malgré mon énergie vitale défaillante, j'arrivais haletant devant une drôle de statue en forme de crapaud. Ikarus se tenait là, le dos plaqué contre le mur, l'air décontracté.

- Re ... Ika ! Grant ... a gobé mon histoire. J'ai dit que ... je devais ... pfiou, attends ... je reprends mon souffle ... pfff pfff ... que je devais ... finir un devoir de potions avec Rowena.

Comme j'inventais des mensonges à tour de bras, il n'y avait vu que du feu. Quoique ... avec Grant, il fallait se méfier de tout. Il pouvait être très soupçonneux, surtout me concernant. Et il suffisait qu'il croise Rowena pour comprendre que j'étais parti faire des conneries au lieu de travailler mes devoirs à ses côtés. Mais j'étais plutôt content de souffler un peu et de passer du temps avec Ikarus et Zélie. C'était beaucoup plus fun que passer mon temps libre avec Grant.

- Où qu'elle est Zézé ?

Oui, j'aimais bien donner des surnoms ridicules à Zélie, ça me permettait d'avoir moins peur d'elle. Quand elle arriva, j'eus du mal à la reconnaitre. Qui était cette fille aux cheveux lisses et à l'allure trop ... propre ? Je la considérais ne dissimulant aucunement mon étonnement.

- Bah t'as fait quoi à tes cheveux ?

Répondis-je lorsqu'elle nous demanda si on était prêts. Elle ouvrit son sac à dos et en sortit quelques bouteilles au contenu très coloré. Un sourire malicieux se dessina automatiquement sur mes lèvres fines. J'avais hâte de goûter à quelque chose de totalement interdit. Si Joren apprenait ce que je faisais, il s'arracherait les cheveux.

- Hey ! C'est pas ma faute si j'ai vomis !! J'étais ... heu ... malade.

Zélie n'était pas au courant de ma malédiction. Je vomissais trop souvent ces dernières semaines. J'avais encore perdu quelques kilos, ressemblant maintenant à un petit garçon rachitique et au bord de la malnutrition. Mes bras ressemblaient à des baguettes et mes joues étaient presque creuses. Mon teint blafard faisait ressortir le bleu de mes yeux et mes cernes noires, mes tâches de rousseurs. Je flottais littéralement dans mes vêtements, m'obligeant à porte la ceinture serrée jusqu'au dernier trou. Pourtant, j'étais encore plus débraillé qu'avant, tant rien ne tenait en place.

Je me forçais à manger malgré le peu d'appétit, mais dès que je mangeais trop, je vomissais. Vu ma condition physique actuelle, je risquais peu de tenir l'alcool très longtemps.

- J'connais aucune règle, ni j'ai jamais bu d'alcool moi. Alors ... c'est toi la grande, c'est toi qui décide !

L’excitation s’embrase à mesure qu’ils s’approchent et qu’ils viennent dans le petit recoin. Riley lui avait promis quelque chose de sucré et pas désagréable, parce que la première fois qu’elle avait touché à l’alcool la gamine l’avait lourdement craché parce qu’il était trop fort. Mais voyant Adrian qui avait encore maigri, Zélie lui porte un regard soucieux… qui se défile bientôt face à l’étonnement et la remarque du Serdaigle. Nez froncé d’embêtement, c’est le Serpentard qui lui soutire un léger sourire de malice face à son compliment. Elle ne tarde d’ailleurs pas à le remercier avec des petits yeux pétillants et un brin naïfs, à l’idée qu’elle puisse vraiment être… acceptable.

« Tu vois, lui il sait parler aux femmes. »

Son regard est mêlé de reproches l’égard du Serdaigle ; elle n’avait pas passé des heures devant son miroir à tenter de s’arranger pour rien… Amalia dirait probablement qu’elle tentait seulement de cacher la misère. Mais ne plus être cette petite sauvage pendant quelque temps lui ferait du bien… au moins pour avoir la sensation que les gens ne la regarde plus comme un monstre. Elle avait déjà tant de haine à l’égard d’elle-même…elle n’avait pas besoin de davantage.
Ikarus tente d’en apprendre davantage sur leur autre aventure : comprennent assez rapidement qu’Adrian n’avait pas parlé des cigarettes qui lui faisait tourner la tête qu’elle lui refilait de temps en temps lorsqu’elle avait suffisamment d’argent de côté… Alors, d’une loyauté sans épreuve, et parfaitement complice, elle préfère le mensonge plutôt que de mettre inutilement Adrian dans la merde. Parce que même si elle appréciait bien le Serpentard, il avait un côté parfois profondément pédant lorsqu’il se prenait pour Monsieur je-sais-tout… c’était pas un aristocrate pourri gâté pour rien.

« Tu parles, la dernière fois on a gobé un paquet entier de suçacides pour savoir combien de temps on tenait sans avoir un trou dans la langue… et il a fini par vomir. »

Comme pour appuyer ses mots, elle laisse un petit rire se glisser entre ses lèvres avant de venir s’asseoir sur leur petit coin de fortune. Ils n’avaient pas beaucoup de place et Zélie vient s’installer sur l’une des chaises un peu miteuses qui était probablement une chaise volée de l’une des classes. Prenant les choses en mains comme les deux garçons qui l’accompagnent n’y connaissaient visiblement rien en fun, elle a une petite idée derrière la tête. Rien de bien méchant, mais si elle parvient à réussir à faire avouer Ikarus qu’il avait embrassé Evan… ça serait une petite victoire pour la malicieuse… La Serpentard n’était pas insensible aux craintes de son meilleur ami face à son nouveau petit-ami qui préférait garder ceci pour eux. Alors, comme pour leur rapprochement, elle ferait tout ce qui est en son pouvoir pour qu’Ikarus l’avoue au moins à ses proches.

« Bon, eh bien… on va faire un “je n’ai jamais”. »

Zélie sort les verres dès son sac, qu’elle finit par remplir de l’alcool qui sentait l’orange et le rhum. La senteur n’était pas mauvaise, même si ça piquait au nez.

« Les règles sont simples, quelqu’un va énoncer une action en disant qu’il ne l’a jamais fait. Et les personnes qui l’ont fait, doivent boire une gorgée… même le joueur qui a dit l’action si jamais il l’a fait. »

Okay… la gamine n’était pas vraiment la plus douée pour expliquer les règles. Mais bon, dans tous les jeux qu’elle connaissait… c’était toujours mieux de jouer et d’apprendre sur le temps plutôt que de chercher à comprendre. Et puis, surtout, c’était suffisamment simple pour que même un âne un peu dégourdi comprenne. La gamine avait déjà vu des adolescents camés y jouer, et même s’ils avaient des neurones en moins, ils s’en étaient sortis.

« Faisons un exemple. »

Ouais, parce qu’avec leurs têtes d’ébahis et de paumés… Zélie était pas certaine de s’en sortir. Si bien qu’elle préféra alors commencer.

« Je n’ai jamais dormi dans un lit. »

Et comme elle avait déjà dormi dans un lit, elle vient attraper son verre pour y boire une gorgée. C’était… sucrée, au point qu’on sentait à peine l’alcool. Pourtant, elle sentir une vague de chaleur l’étreindre qui lui soutira un énorme sourire. Okay, oui, d’accord. Elle commençait à comprendre pourquoi des gens devenaient alcoolique. Alors, elle observa ses petits camarades pour voir s'ils avaient appréciés le punch.

« A toi. » qu’elle glisse à Adrian pour qu’ils puissent tourner dans le sens des aiguilles d’une montre.

Des suçacides ?

- On a fait ça ?

Demandais-je sans comprendre que Zélie essayait d'enrober la vérité pour qu'Ikarus ne devienne pas ce qu'on avait réellement fait. Un éclaire de lucidité me frappa en pleine visage et j'écarquillais grand les yeux en me retournant vers Ikarus.

- Aaaaaah les suçaciiiides ! Mais oui, oui ! J'ai vraiment une mémoire de gruyère moi ! Haha !

Passant la main dans mes cheveux en batailles, je me retournais vers Zélie en lui lançant un regard gêné et à la fois, je la remerciais mille fois de ne pas avoir balancé nos petits échanges interdits. Mais bon, je n'avais pas vomi pour ça. Ikarus savait que je vomissais souvent ces derniers temps, même si je ne lui avais pas vraiment donné d'explications. Je m'étais contenté d'inventé une maladie parasitaires qui mettait du temps à se soigner.

On s'installa sur des chaises autour d'une table dont Ikarus débarrassa le contenu. J'observais l'endroit et je me disais qu'Evan avait bien de la chance de posséder un lieu rien qu'à lui. Ici, il pouvait bidouiller tout ce qu'il voulait, tranquillement, sans que personne ne vienne l'embêter. Quoique, maintenant on était trois à connaitre sa cachette ... Je posais mes coudes sur la table en me tournant légèrement vers Zélie qui proposait un jeu. Un "je n'ai jamais". Elle sort des verres de son sac et les rempli de son alcool jaune qui sentait fort l'orange et ... quelque chose d'autre qui me fripa le nez de dégoût.

- Powaaaa ça pue ton truc ! T'es sûre que c'est bon ?

Je reniflais mon verre. J'aimais pas l'odeur. C'était un mélange de sucre et d'alcool. Les adultes buvaient ça ? Pendant que je faisais le pitre, Zélie expliqua les règles. Je reposais mon verre, la considérant d'un air perdu, puis elle se décida à donner un exemple. Un exemple qui me laissa perplexe.

- Tu n'as jamais dormi dans un lit ?! Woaw, la vache ...

Elle attrapa le verre et bu une gorgée. Je me grattais la tête sans vraiment comprendre le but du jeu.

- Mais du coup, si tu bois, c'est que t'as déjà dormi dans un lit ? J'comprends pas ... le but c'est de boire ou de pas boire ?

Elle me regardait d'un air sévère. Ce qui me dérangea. J'sais pas trop pourquoi d'ailleurs. Je posais mes mains autour de mon verre et observa l'alcool à l'intérieur. Comme s'il s'agissait d'une potion interdite à boire.

- Heu ... je n'ai jamais mangé mes crottes de nez !

Un grand sourire entailla mon visage. Et j'observais mes amis à tour de rôle, puis pu une gorgée. Aussitôt, j'affichais un rictus désagréable. Pouwaaa, j'aimais vraiment pas le goût ! Mais bon, c'était sucré et j'aimais bien ce qui était sucré. Je reposais le verre face à moi avec précaution, fermant l'oeil gauche comme si ça m'aidait à digérer ce qui passait dans ma gorge.

- Ca m'brûle un peu à la gorge ... quoi, vous avez jamais mangé vos crottes de nez ?

D’un roulement de regard, Zélie ne parvient pas à s'empêcher de penser qu’Adrian était profondément stupide. M’enfin, c’était pour ça qu’ils l’appréciaient bien au final… et qu’elle s’était naturellement plus tournée vers lui que Grant. Au moins on riait bien avec Adrian et il ne chouiner pas dès qu’il avait les pieds dans la boue ou dès qu’il s’agissait de faire un truc qui réclamait un brin d’adrénaline et de folie. S’il n’était pas l’éruptif le plus lumineux du troupeau, il avait quelque chose d’attachant dans sa bêtise et sa maladresse. Mais la gamine regrette d’avoir pensé ça un seul et unique instant face à la question très… enfantine du concerné. Ouais, bon, ça volait pas forcément très haut pour le moment. Zélie avait l’impression d’être à une pyjama party digne des primaires… parce qu’elle était allée à l’école moldue, son père l’y ayant forcé à l’époque même si la gamine avait séché un paquet de jours.

« T’as vraiment cinq ans Adrian… » elle roule à nouveau des yeux, un rictus moqueur sur les lèvres avant de boire malgré tout.

Après tout, d’ici peu, la gamine avait quatorze ans. Pas qu’elle se prenne réellement au sérieux pour un tel âge… Mais maintenant qu’ils avaient goûté à l’alcool, c’est comme s’ils étaient véritablement des grandes personnes. De futures septièmes années au destin incertain. Les BUSEs finiraient par se rapprocher pour le malheur de la Serpentard, mais les responsabilités finiraient forcément par grimper. Alors, ouais, parler de crottes de nez c’était un brin moyen pour Zélie qui avait envie de grandir à grandes foulées depuis que Coline traînait exclusivement avec Amalia et sa bande de vipères. La troisième année avait le vif désir d’être grande et suffisamment jolie pour ne pas être un monstre. Mais ça, seul le temps le lui permettrait. Ikarus poursuit avec une bien étrange question… Vraiment, qui à part Grant ne boirait pas à une pareille affirmation ? Zélie boit à nouveau et grimace un peu, peinant encore à s’habituer au goût.

« Eh le but c’est pas que de dire des trucs évidents… sinon dans quinze minutes on sera tous morts. »

Qu’elle lâche d’un petit rire perfide, imaginant sans mal Ikarus danser sur la table. Néanmoins elle jette un coup d’oeil vers Adrian, parce que c’était vraiment lui qui l’inquiétait le plus avec l’alcool. Il était si intense et impulsif… mais avec sa tête constante de maladif, c’était difficile de savoir s’il s’apprêtait à vomir à n’importe quel moment. Bwaaarf… ils verraient bien. Mais s’ils continuaient à ce rythme, ils se prendraient tous les murs de Poudlard pour rentrer. Peut-être même qu’ils devraient dormir ici, non ? C’était pas la première fois qu’elle dormait par terre après tout…

« Il paraît qu’en plus manger ça fait moins tourner la tête. »

Elle opine en sortant des sandwich préparés par les elfes et un bon nombre de gâteaux apéros que la jeune sorcière ne tarde pas à grignoter par peur d’être vraiment bourrée. Parce que même si l’idée était grisante, c’était un peu effrayant… elle avait déjà vu des mecs se tabasser parce qu’ils étaient complètement éméchés. Bon, viens son tour :

« Je n’ai jamais été amoureuse ou amoureux de quelqu’un. »

C’est d’un ton presque chantant et trop enthousiaste qu’elle déclare ceci. Petite malicieuse, petit diablotin investigateur, elle ne porte aucune attention à son verre. Parce que Zélie n’avait jamais été amoureuse, jusqu’à aujourd’hui l’amour lui avait semblé toujours très stupide et inutile. Des crushs elle en avait eu, mais de là à appeler ça de l’amour ? Bwarf, non. C’est donc avec des petits yeux perçants qu’elle jauge les deux garçons… ouvrant la voie vers la dangerosité réelle d’un tel jeu. Mais elle regardait plus spécifiquement Ikarus, qui serait bien obligé de boire… au risque que Zélie croit qu’il se moquait éperdument d’Evan… Et ça l’enchantait d’avance de créer le chaos.  

Je trouvais ce jeu mais tellement drôle en vrai. Je regardais bien mes amis s'ils tendaient leurs mains vers leurs verres d'alcool après avoir posé ma question. Ikarus bu et Zélie aussi.

- Pouwawaaaahahhaha !! Vous mangez vos crottes de nez ! Vous mangez vos crottes de neeez ! Ha ha, comme moi !! Alleeeez mytho pas Ike, y'a pas d'honte à bouffer ses crottes de nez, t'sais. Ca a un goût salé. Oh et ça vaaaa Zel, c'était pour ri-go-ler !

Mais malgré toutes leurs remarques, je voyais bien que ça les faisais rire n'empêche. Ce fut au tour d'Ikarus et il dit n'avoir jamais triché à une interro. Mais il but. Du coup, ça voulait dire qu'il avait déjà triché ? Ikarus il avait déjà triché ?? Bon, moi bien sûr que j'avais déjà triché ... j'crois bien que je trichais tout le temps. Du moins, quand j'espérais obtenir un A. Je pris mon verre et le bu sans éprouver la moindre satisfaction. Jamais vraiment pas trop ce goût d'alcool. Je reposais le verre en affichant une grimace dégoûtante.

- Pouwaaa immonde ! Mais t'as triché à quelle interro Ike , dis ?

Je me rapprochais de lui. Mon haleine sentait le sucre et l'alcool. Zélie qui avait également bu un coup, finit par casser l'ambiance avec nos gamineries. Pour elle, ce qu'on racontait était trop évident et si nous continuions dans cette direction, on serait tous raides morts dans les prochaines minutes. Mouais, elle n'avait pas forcément tort. Ikarus demanda toutefois si Zélie avait pensé à ramener à manger. C'est vrai qu'à force de boire, on commençait a avoir faim. Sauf moi. J'avais absolument pas faim. Je plaquais ma main devant ma bouche, sentant quelques remontées dans le fond de ma gorge.

J'observais les sandwichs et les gâteaux apéros que Zélie posait sur la table. Mais je n'y touchais pas. Puis Zélie posa sa question. Je l'observais d'abord intensément. Elle ne toucha pas à son verre. Puis mon regard se tourna vers Ikarus, qui avait l'air hésitant. Etais-je déjà tombé amoureux ? J'en savais rien ... Lucinda m'avait embrassé, mais je n'étais clairement pas amoureux d'elle vu que je l'avais fui comme la peste les jours suivants. J'avais presque eu l'envie de me rincer la bouche au savon.

Et Rowena ... je la trouvais jolie, attirante, mais étais-je amoureux d'elle ? Je haussais les épaules un peu mollement et pris le verre et avala une gorgée. En reposant le verre sur la table, mes amis me dévisagèrent.

- Bah quoi ?! Nan, mais j'sais pas vraiment si je suis amoureux ! J'sais même pas c'que ça veut dire être amoureux en vrai ... mais

Je sentis le rouge monter à mes joues. Avec l'alcool tout semblait plus facile. Mais la honte me submergeait quand même.

- Je trouve Rowena très jolie ... pas ... pas vous ?

Le regard rivé vers Ikarus, forcément, elle avale les informations qu’il est capable de lui donner : un sourire creuse ses commissures en un petit rictus diablotin… Elle écoute d’une oreille distraite ce qu'était en train de dire le Serdaigle. Zélie s’inquiète surtout pour Evan et ses craintes liées au fait que leur relation allait rester secrète pour le moment. Et le défi qui lui fait face est appréciable et particulièrement rassurant pour la gamine, alors qu’une bouffée de soulagement l’attrape lorsqu’il finit par boire. Bon, d’accord… Ikarus n’était pas autant un froussard qu’elle aurait pensé de lui… Et elle aimait bien ce qu’elle était en train de constater. Plus qu’à prier pour qu’il cède un jour en parler à tout le monde… Mais en daignant enfin écouter convenablement Adrian elle manque de s’étouffer avec sa salive, et retrouve enfin un esprit clair après avoir donné de bonnes tapes sur sa cage thoracique. Incapable de choisir entre l’incrédulité et une profonde déception, c’est les sourcils froncés qu’elle jauge le petit aigle avec dépit.

« Dans le genre poupée vivante prête à te foutre un couteau en plein coeur… elle est pas mal ouais… »

Appuyant sans mal les mots d’Ikarus, Zélie peine à retenir son rire entre ses lèvres tellement la situation semblait stupide. Pas qu’elle ne doutait pas que des gamins un peu idiots tombent amoureux de la parfaite et petite gentille princesse… mais Adrian… Elle s’était bêtement attendue un peu mieux de lui.. pas une réponse aussi cliché que Rowena la miss parfaite. Une autre réponse l’aurait tout aussi bien convenue… mais vraiment tout sauf cette petite geignarde à couettes. Mais… Zélie perd très vite toute contenance lorsque ce traître d’Ikarus s’avise de faire des compliments sur elle. C’était pas des mots qu’elle entendait souvent, si bien qu’elle ne parvient pas à se retenir de bêtement rougir… Nuancée de rouge, faisant mine qu’elle passait allègrement au dessus de la suggestion, elle préfère user de ses sublimes subterfuges face à la gêne qu’avait amené le Crowley..

« C’est de moi dont t’es amoureux Ikarus ? »

Elle avait lâché dans un petit gloussement et un clin d’oeil malicieux, le remerciant d’un regard appuyé pour les compliments. Parce qu’elle savait qu’il n’était pas amoureux d’elle, alors elle espérait de tout coeur que ses compliments étaient bien véritables. Rien qu’à cette idée, son coeur bondissait de joie, alors qu’elle remettait machinalement en place derrière son oreille ses nouvelles mèches lisses. Ses efforts n’étaient pas aussi vains qu’elle le pensait… quant à intéréssante, c’était encore moins quelque chose qu’elle entendait comme elle était la sauvage de Poudlard. Néanmoins, elle reporte très vite un regard appuyé vers Adrian, incapable de le relâcher maintenant qu’il avait envoyé une pareille affirmation.

« Nan mais vraiment, t’es en kiff sur miss princesse je pète des paillettes et je chevauche des licornes ? »

L’idée même de le voir sortir avec quelqu’un d’aussi strict la dégoûtait un peu. Elle avait du mal à voir une quelconque alchimie… mais bon c’était que des amours enfantins, c’était pas fait pour durer ou quoique ce soit. Mais bon, elle était persuadée qu’il fonçait tout droit dans un mur. Parce qu’Adrian était loin, très très très trèèèèès loin de l’archétype du prince charmant parfait désiré par la Poufsouffle.

« Tu l’as déjà embrassé ? »

Zélie adorait les rumeurs. Enfin non, elle s’en fichait la plupart du temps, mais dès qu’il s’agissait de proches… elle les dévorait. Elle vient même déposer ses coudes sur la table, ses mains maintenant son menton se demandant si elle était vraiment la seule à ne jamais avoir embrassé personne. Et puis bon… c'était marrant d’imaginer Adrian amoureux… Zélie avait bien envie de voir comment il draguait Rowena par pure curiosité.

Je ricanais bêtement lorsque Ikarus me repoussa vivement après que je me sois trop rapproché de lui. Un petit bisou, rien qu'un tout petit, non ?

- Haaaaaannnnn le tricheuuuuur !! J'suis choqué !

Puis j'explosais de rire. Ouais, moi tout le monde savait que je passais mon temps à tricher aux examens. Mais Ikarus ? Je l'imaginais pas brillant comme Grant, mais assez droit dans ses baskets. En vrai, ça me rassurait de savoir qu'il pouvait être mené à tricher comme moi. J'imitais mon pote en me jetant sur la bouffe, bourrant ma bouche à grandes poignées de gâteaux apéros. Mais ce n'était pas forcément l'idée du siècle, vu que ces derniers temps je vomissais tout ce que j'ingurgitais. Sauf que mon ventre se tordait de douleur tant la faim de tiraillait les tripes.

- Ché vrai q'tu chères Chélie !

Approuvais-je la bouche pleine en hochant vigoureusement de la tête. Je postillonnais sur la table, me fichant bien du regard courroucé que mes amis pouvaient me jeter. Ce que je pouvais être insupportable ... comment faisaient-ils pour me supporter, vraiment ? Puis vint la question de Zélie ... gloups ! Bon, quand faut répondre, faut répondre. Je pris une gorgée. Ca me permettait surtout de faire passer la poignée de gâteaux apéros un peu trop salés et quand je vis les regards braqués sur moi, je sentis le rouge monter aux joues. L'alcool me désinhibait encore plus que d'habitude et ça ne me posait plus aucun problème de dire à quel point je trouvais Rowena jolie.

Ikarus fit tout un cirque en avalant de travers. Je me retournais vers lui en le dévisageant gravement.

- Oh hé, ça va hein ! C'est pas comme si j'avais dit que j'étais amoureux de Grant, rétroquais-je en levant les yeux au ciel. Moi c'est Rowena que je trouve jolie. Chacun ses goûts, tsss !

Zélie renchérie. Je me maudissais d'avoir balancé une telle info. Au lieu de m'épauler, ils étaient là à m'enfoncer. A se moquer de mes goûts et de mes préférences. Est-ce que moi je me moquais d'eux hein ? J'envoyais des éclairs foudroyants à Zélie lorsqu'elle balança avec dépit que Rowena ressemblait à une poupée vivante prête à poignarder les gens en plein coeur. C'est vrai qu'elle ressemblait à une poupée en porcelaine. A une petite chose fragile ... mais elle était douce avec moi. Et patiente. Et elle ne se moquait jamais. Elle arrivait à me calmer ... et elle était bien la seule à Poudlard.

Je me retournais vers Zélie, lorsqu'Ikarus évoqua qu'elle ou Coline étaient beaucoup plus intéressantes que Rowena. Visiblement, cette idée fit glousser la Serpentard qui s'était faite toute jolie pour ce rendez vous clandestin. Ikarus était-il en crush sur Zélie ? Je me retournais vivement vers mon ami pour tenter de comprendre. Mais Zélie enchaina aussitôt sur Rowena en me demandant si j'étais vraiment en kiff sur elle. Je fronçais les sourcils d'agacement. Ils me faisaient vraiment chier avec leurs questions.

- Elle ne pète pas des paillettes et elle ne chevauche pas de licornes ! Mais c'est une vraie princesse ! Son père est comte de .... je sais plus trop quoi. Et elle vit dans un château en France. Enfin, elle a plusieurs châteaux je crois ... donc c'est une vraie princesse, ouéé ! Mais ... vous ... vous la trouvez pas jolie Rowena ?

Je me sentais tellement nul. Ils se moquaient de moi et je regrettais d'avoir dit ce que j'éprouvais pour elle. Je ne savais pas si j'étais amoureux, mais j'étais bien avec elle en tout cas. Quand Zélie me demanda si je l'avais déjà embrassé, le rouge me monta aussitôt aux oreilles.

- T'es FOLLE !! Jamais j'l'embrasse, beurk !

Je me rappelais du baiser que Lucinda m'avait donné l'année dernière. Un peu par surprise. J'avais trouvé ce moment tellement humiliant et désagréable. Jamais je ne voulais revivre un moment pareil. Et l'idée même d'embrasser Rowena me dégoûtait. J'étais beaucoup trop immature pour m'imaginer dans les bras d'une fille et la bécoter dans un couloir. Je ne comprenais d'ailleurs par cet intérêt qu'avaient tous les élèves plus âgés à faire cela à longueur de temps. Je poussais Zélie pour qu'elle arrête avec son regard soutenu qui me rendait mal à l'aise.

- Allez, allez, on arrête de parler de Rowena ! J'aurai jamais du vous dire ça ... Bon heu ... c'est à moi du coup ? Je regardais Ikarus qui m'avait demandé si je souhaitais passer mon tour. Raaaah, mais j'sais pas moi ... heu bah ... Je n'ai jamais embrassé personne !

Je ne touchais pas à mon verre. Ikarus était déjà au courant pour Lucinda, mais j'observais maintenant mes amis avec un air de défi.

Ouais, définitivement. Si Zélie devait choisir entre Rowena et Grant, elle préférait autant qu’Adrian sorte avec Rowena. Pas qu’elle n’aimait pas le Serdaigle, mais il était encore moins amusant que la petite princesse de chez Poufsouffle. Il en était même parfois déprimant, si bien qu’elle se demandait comment un trio pareil pouvait fonctionner. A leur place, la Serpentard serait devenue folle d’avoir toujours cette petite voix rationelle qui lui hurlait de ne pas faire de connerie. Donc Rowena passait presque pour un choix respectable maintenant qu’elle y pensait convenablement. Malicieuse, son regard se dirige vers le Serpentard, qu’elle comptait bel et bien achever peu à peu. Sans une once de culpabilité, bien entendu.

« Ah oui, et c’est quoi ton genre Ike ? »

Un garçon châtain aux yeux bleus, avec une caméra entre les mains. Zélie connaissait la réponse, mais l’entendre sortir une connerie du type “nan moi c’est le caractère qui m’intéresse” la ferait beaucoup rire. Et puis, c’était peut-être l’occasion pour le blondinet d’avouer qu’il n’était pas indifférent à la gente masculine ? C’est ce que prétexterait Zélie si jamais Ikarus l’accusait après leur petite soirée de l’avoir mis dans l’embarras. Sourcils froncés, elle a une petite moue de dégoût en s’imaginant sortir avec Rowena pour aller cueillir des fleurs et ce genre de conneries mièvres au possible.

« J’sais pas, pas mon type non plus ? Trop prout prout pour moi… J’veux pas quelqu’un qui mange du sable non plus et qu’est un vrai teubé… mais j’veux pas sortir avec quelqu’un avec qui j’aurais l’impression d’être une demeurée dès que j’fais un truc.  »

Ses paroles sont étonnamment ancrées de maturité : Zélie savait bien qu’elle serait difficile à l’avenir. Hors de question de sortir avec quelqu’un avec qui elle ne se sentait pas bien. Et c’était rare les personnes qui arrivaient à la mettre dans cet état de confiance optimal, où elle ne se posait pas la question constamment de si elle faisait un truc parfaitement ridicule. Alors sortir avec une princesse… c’était définitivement trop pesant. Et puis, sincèrement, elle ne s’était même pas posé la question de sa potentielle homosexualité. A son âge, elle se contentait simplement d’apprécier les belles personnes. Le genre de personnes qu’on retrouvait dans Sorcier Hebdo et qui présentaient la météo dans sa télé moldue. Pas vraiment quelque chose qu’on retrouvait à Poudlard, mais c’était un pas vers son intérêt envers les autres. Puis vient la question délicate : Zélie ne boit pas.

« Et pas que l’embrasser. » elle appuie d’un petit ton graveleux, se rangeant du côté d’Ikarus.

Zélie se permet même de rouler des yeux, amusée par la situation. Adrian était tellement immature parfois, c’était pas vraiment dérangeant pour faire des escapades… mais parfois ça lui donnait l’envie de le pousser dans un ravin pour qu’il connaisse la dureté du monde et se prenne quelques baffes pour le sortir de sa torpeur enfantine. Pour le moment, elle se contentait d’apprécier la rougeur qui se couvrait timidement les joues du concerné. Alors, le jeu se poursuit : Zélie ne boit pas, et seul Ikarus le fait avec un air de défi avant de s’offusquer que le Serdaigle n’ait pas pu.

« Lucinda ? Naaaaan, vraiment ? T’étais défoncé ? »

Les yeux écarquillés, Zélie se fichait bien des rumeurs habituellement. Mais un scoop pareil, on ne passait définitivement pas à côté. Embrasser la petite peste des deuxième année, ça relevait d’un miracle, ou de la folie. La jeune Serpentard croyait -ou préférait croire pour le bien de sa santé mentale- qu’il était dans un état second à ce moment-là.

« Bah ouais, ça mérite un gage Adrian… On a fait un pacte de vérité absolue. Pas de compassion pour les traîtres. »

Zélie commence doucement à être dans un état second : pourtant, elle était celle qui avait le moins bu. Sa tête tourne un peu, la gamine est un brin désinhibée. Y a pas que l’alcool qui la met dans cet état, y a quelque chose de grisant à apprendre les potins de ses potes.

« Y a que moi qui suis pure les gars. Bande de pervers…  » elle siffle dans un petit rictus moqueur, bras croisés.

Sage et innocente ? Oui peut-être ... bah c'était peut-être ça que j'aimais bien chez Rowena. Elle avait le don de me calmer. D'être moins cette tornade qui chamboule tout sur son passage. J'observais Ikarus d'un air mauvais. Ca me soulait grave qu'il se moque de moi comme ça ! J'avais vraiment envie de lui péter les dents là. Moi qui avait ouvert mon coeur naïvement et eux qui se moquaient de moi ... pfff, les salauds ! J'étais à deux doigts de renverser la table et de casser leurs maudites bouteilles d'alcool. C'était vraiment trop nul ce jeu de Troll ! Comment les grands pouvaient trouver ça cool, sérieux ?!

Je boudais clairement, croisant les bras sur ma poitrine, fusillant Ikarus d'un regard noir. Zélie enchaina en me demandant si je l'avais déjà embrassé. Je m'empressais de répondre que non et que l'idée même me dégoûtait. Ikarus embraya aussitôt en se moquant encore.

J'exprimais l'envie d'arrêter d'en parler. Ca m'exaspérait et c'était beaucoup trop facile pour eux de s'en prendre à moi. S'ils continuaient, je quitterais les lieux et irais les dénoncer au premier professeur venu. Ouais ouais, j'pouvais facilement retomber dans mes vices et la traitrise quand on m'acculait ainsi.

Je posais alors ma question. Idiote question. Mais je la posais quand même, voir qui avait déjà embrassé quelqu'un. Refusant de boire à nouveau, je toisais mes amis d'un oeil provocateur. Et Ikarus se mit à boire. Mais voyant que je n'avais pas touché au mien, il m'accusa de tricherie et balança devant Zélie que j'avais déjà embrassé Lucinda. Le rouge me monta aussitôt aux oreilles, surtout que Zélie embraya, les yeux ronds.

Je me levais brusquement de ma chaise en tapant des deux poings sur la table.

- MAIS FERMEZ LÀ ! Ce jeu c'est de la merde !! J'ai pas embrassé Lucinda, c'est elle qui m'a embrassé !! Moi j'en voulais pas de son baiser, elle m'a forcé ! Et puis j'ai pas fait de pacte, tu dis n'importe quoi Zélie ! D'façon, tu dis toujours n'importe quoi pour faire l'intéressante et la grande qui sait tout. Mais tu sais rien !! T'es qu'une paumée qui nous fait dire des trucs qu'on veut pas dire. Et puis t'es moche, pour ça que t'as jamais embrassé personne !

Je ne supportais plus cette situation, son air narquois qui se moquait de nous. Je pris la bouteille et la balança à travers la pièce. Elle se fracassa contre un mur et l'alcool se répandit. Mon teint devient plus cadavérique que jamais. J'avais l'air d'être un zombie sorti de sa tombe, l'alcool me faisait tourner la tête et devenir méchant. J'avais envie de casser la gueule de Zélie, lui faire ravaler son sourire moqueur. Et j'avais envie de pousser Ikarus pour avoir ri de l'affection que je portais à Rowena.

- J'vous déteste ! Vous ... vous vous moquez de moi, alors que j'vous ai dit une vérité que j'ai jamais dit à personne ! J'vous déteste !!

Dernier coup de violence et je basculais la table d'un geste rageur. Les biscuits apéro se répendire au sol. Puis les larmes montèrent au bord des yeux. Jamais je n'avais exprimé de violence envers Ikarus ou Zélie. Jamais. L'alcool me poussait dans des retranchements mauvais et violent. Je me rendais compte que j'étais sur le point de les cogner. De leur montrer de quel bois Adrian Goldwin se chauffait. Mais je me contentais de leur jeter des éclairs de mes yeux noirs et finis par quitter la pièce en claquant la porte derrière moi.

Dans la pénombre du couloir, ma tête tournait. Je sentis un haut le coeur et vomis mes tripes aux pieds d'une statue. Ca allait mieux, la colère retombait. Et je me demandais pourquoi j'avais agi comme ça. Mais j'étais beaucoup trop fier pour retourner dans cette pièce maudite. J'aimais pas l'alcool. J'aimais pas ce jeu. J'aimais pas ces amis qui s'étaient moqués ouvertement de moi. J'aurai mieux fait de rester avec Grant ce soir.

Tout dérape si vite, sans qu’elle n’ait le temps de prévoir l’assaut tempétueux provoqué par le Serdaigle. Zélie se renferme aussitôt : personne n’aime jamais quand les gens sont en colère. Elle, ça lui rappelle son père son père éméché, et sa voix insoutenable qui l’accule indéfiniment de reproches. S’il n’avait pas quitté les lieux, la gamine aurait répondu par la violence. Elle a un besoin viscéral de rejeter tote la peine causée par ses mots, qui pèsent en son coeur, et qui lui éraflent les poumons à chaque inspirations. Adrian a tellement tord et ça l’agace. Parce qu'elle sait énormément de choses, peut-être trop. On dit souvent d’elle qu’elle est mature, mais en vérité c’est qu’une stature. Y a juste côté amour où en effet elle sait que dalle. Ça vexe la Serpentard, elle a besoin de sentir un truc s’écraser sous ses doigts, alors que sa louve hurle à la véhémence dans son crâne. Elle est moche : elle le sait, au fond. Enfin, disons qu’elle pensait plutôt être potable. Mais que ça vienne d’un proche, qui par ailleurs semblait penser réellement tout ce qu’il disait, était d’autant plus troublant.

« Va te faire foutre ! »

C’est la seule réponse qu’elle lui offre tandis qu’il s’éloigne. Ses yeux se barbouillent de larmes qui ne couleront pas, elle a trop de fierté pour ça. Mais il a piqué là où c’est douloureux, là où la plaie est purulente. Elle se contente de renifler, d’observer l’étendue des dégâts… encore de l’argent perdu. Zélie pourrait presque tout regretter à ce stade, tout ce qu’elle a envie en cet instant c’est de lui arracher l’attrape-rêve qu’elle lui a fait pour qu’il succombe sous les cauchemars et rêves noircis.

« Lui trouve pas d’excuses Ike, il sait très bien ce qu’il a dit. » elle le jauge avec dureté, profondément amère, faisant comprendre au Serpentard qu’elle ne comptait pas pardonner Adrian.

Il se cache toujours derrière sa stupidité pour qu’on l’excuse, pour qu’on le prenne en pitié. La vérité, ce n’est qu’un connard blessant qui cherche les opportunités qui l’arrangent. Zélie l’aperçoit maintenant, et profondément rancunière, elle compte bien le rayer dans sa liste d'amis jusqu’à ce qu’il daigne s’excuser, et qu’elle daigne accepter ses excuses. Quant à elle ? Elle est loin de se remettre en cause, ses taquineries sont toujours incessantes et moqueuses, souvent blessantes. Mais elle ne compte pas changer pour la fierté de cet imbécile alors que c’était pour rire… Un dramaqueen atroce qui avait grossi les traits.
Tout ce qu'elle offre au blondinet est un petit sourire penaud face à son compliment. Trop tard, les mots sont dits. Ce n’est rien, ce n’est qu’un pas en plus vers de nouvelles insécurités.

« Je rangerais demain matin. »

Et si Ikarus venait ici le lendemain matin, il verrait qu’elle avait déjà nettoyé les lieux avant de se rendre au petit-déjeuner. Une goutte de sang révèlerait probablement qu’elle s’est coupée ; même si ça n’a pas été difficile pour elle de sauter du lit, bien incapable de trouver le sommeil ce soir-là.

J'avais la tête qui tournait, j'étais mal, j'avais la bouche pâteuse et du vomi plein les chaussures. Les larmes coulaient le long de mes joues. J'sais pas trop pourquoi, mais la colère laissait place à une tristesse immense. Je pensais à Mark. Qu'aurait-il dit en voyant ça ? En voyant ce que j'étais devenu. Un sombre déchet ... il me manquait tellement. J'avais l'impression de perdre la boule, d'aller dans la mauvaise direction. J'avais vraiment besoin d'une nouvelle étoile pour me guider. Winston ? Ou mes amis, Ikarus et Grant ?

Mais certainement pas Zélie Twig. Avec elle, je faisais n'importe quoi. J'empirais mon cas et je ne faisais que des bêtises. Je ne regrettais pas ce que j'avais dit, ils m'avaient beaucoup trop agacés avec leurs ricanements. Ca leur faisait quoi que je puisse aimer Rowena ou la trouver jolie ? Je me relevais pour retourner vers la salle commune de Serdaigle. Soudain Ikarus me rejoint. Je tanguais, me rattrapant au mur.

- Hey ...

La voix maussade, le regard dans le vague, je considérais mon ami un peu agacé. Il était venu pour quoi ? S'excuser d'être un véritable petit con ? Ah bah oui ... maintenant c'est moi qui me sent con. Je l'observe avec un air interrogateur, curieux d'en savoir plus. Curieux de savoir ce qu'il veut me raconter. Il enroula ses bras autour de mes épaules. Je ne répondis rien, le considérant simplement de mes grands yeux bleus. Mon intérêt était aux aguets, car Ikarus s'apprêtait à me dire un secret. N'avait-il pas peur que je le répète au premier venu ? Non, j'essayerai de tenir ma langue ... j'essayerai, j'ai bien dit !

- Heu .... ouais, j'te ... j'te promets Iké.

Cette phrase sonnait tellement faux. Ikarus connaissait les risques en se confiant à moi. Il savait que mes promesses n'étaient que du vent et que je pouvais lâcher l'info à tout moment, sans réfléchir. Ce n'était pas par pur méchanceté que je faisais ça, mais je ne réfléchissais pas souvent, il faut l'avouer. Ca sortait tout seul.

Un GARÇON ? Mes yeux s'écarquillèrent. What ? Ikarus qui sort avec un mec. J'étais ... choqué. Je ne répondis rien, le laissant parler, mais me dégagea de son contact. Ikarus se replia sur lui même et moi, je me décalais un peu sur la droite. Ouais, on sait jamais, au cas où l'envie de m'embrasser lui prend.

- Evan et toi ... vous ... ah ouaiiis ...

Ma voix sortit de ma bouche comme un sifflement. Je n'en voulais pas spécialement à Ikarus de ne m'avoir rien dit et d'avoir caché cette relation depuis un mois. Donc Evan sortait avec Ikarus. Du coup, Edgar avait eu raison lorsqu'il avait clamé haut et fort l'orientation sexuelle d'Evan. Waaaah chelou ... je savais pas trop comment réagir à ça.

- Mais heu du coup ... genre t'es amoureux de lui ? Parce que si ça se trouve, vous êtes juste de supers potes. 'Fin ... nan, laisse j'dis de la merde. C'est juste que j'te vois tellement pas embrasser un garçon haha ! C'est un peu chelou nan ? Qui fait la fille ?

Je le regarde un peu bêtement, avant de comprendre que ma question était totalement déplacée et irrespectueuse. Me rendant compte de mon tact de troll, je passe une main derrière la nuque, gêné.

- Heu désolé ! C'est pas c'que j'voulais dire ! Nan, mais c'est très bien si t'es amoureux d'Evan hein ! Tant que tu es heureux c'est cool. Moi j'sors pas avec Rowena t'sais ... même si j'l'aime bien ... c'est une princesse et moi ... bah j'suis pas un prince tu vois ? Donc y'a aucune chance. Puis en vrai, ça m'intéresse pas ! On a d'autre priorités que de tomber amoureux ha ha ! L'amour c'est pour les loosers !

Bon, il fallait sérieusement que j'arrête de parler ... je tapotais l'épaule d'Ikarus du bout des doigts, osant à peine le toucher, pensant que si je m'approchais trop de lui, moi aussi je tomberai amoureux des garçons après ... brrrr ! Je me relevais péniblement, m'appuyant au mur, mes jambes flageolaient sous l'effet du manque de force et de l'alcool encore présent dans mon corps rachitique.

- Allez, on arrête de parler de tout ça. C'est des sujets de filles. En tout cas, cette idée de soirée était débile. C'était une idée de Zélie de toute façon, fallait pas s'attendre à un truc de génie.

J'avais bien décidé à tout mettre sur le dos de la Serpentard. Ce soir, elle me sortait par les trous de nez, elle et son air narquois, toujours supérieur, pensant faire la grande et tout savoir sur tout. Alors qu'en fait, c'était qu'une minable qui m'entrainait dans la connerie pure. J'aidais Ikarus à se relever à son tour.

- Et du coup tu vas faire comment avec ton père ? Parce que tu vas pas pouvoir cacher ta relation avec Evan pendant 5 ans !