Les blessés sont de plus en plus fréquents à l’infirmerie. Les braconniers sont toujours présents, et pour l’instant de ce que j’en sais, aucun d’entre eux n’a été appréhendé, donc ça continue gentiment d’affluer… Enfin, gentiment… L’infirmerie n’est pas extensible et nous n’avons pas assez de bras pour soigner tout le monde. Certaines blessures sont superficielles et peuvent être soignées très rapidement. Mais pour d’autres, c’est clairement plus compliqués, sans parler des blessures magiques qui sont bien plus difficiles à soigner, même avec du dictame et du Wiggenweld à disposition.
Après le soin d’une blessure particulièrement profonde, je rassure le jeune homme avant de lui donner une potion de calme, vu son état d’agitation. Puis, je sors du box et enlève mes gants. Le sang a légèrement coulé sur mes poignets et ma blouse n’est plus aussi immaculée que lorsque je l’ai mise ce matin. Nous sommes si débordée que nous avons dû faire appel à Astrée, que je ne vois pas. Las, je me lave les mains avant de tâter ma poche arrière gauche, afin de vérifier que j’ai bien mon paquet de cigarettes sur moi. Parfait. Je regarde que tout se passe bien. Les infirmières ont tout en main, tous les patients sont calmes et pris en charge. Plus que parfait.
Je prends la poudre d’escampettes et sors du château en moins de temps que je ne le pensais. Peut être que j’ai couru dans les escaliers, tiens. Je ne sais pas. Tant pis. À l’abri des regards, je m’adosse au mur et allume une cigarette. La première bouffée est toujours la meilleure dans ce genre de moment où on a l’impression que tout nous tombe sur la tête. Et là, c’est un peu ce sentiment que j’ai et que je déteste. Bien que peu ordonné à l’extérieur, je reste très carré dans mon travail, et voir que tout s’accumule sans qu’on puisse rien faire sinon persévérer me décourage un peu. Ça ne durera pas, mais, là, j’ai besoin d’une pause.
Peu de personnes savent où je me cache pour fumer. Peu, mais quand même...Astrée sait. Et quand je la vois débarquer, j’ai un léger sourire en coin.
Si tu es venue pour me dire que je devrais arrêter, sache que c’est pas le moment, ma chérie !
Ouais, je lui donne un de mes fameux surnoms. Et ouais, c’est clairement pas le bon timing. Je lui adresse quand même un sourire fatigué avant de souffler ma fumée vers le ciel, là où elle ne la sentira pas. Je sais qu’elle déteste ça, et j’ai trop de respect pour elle pour lui cracher dans la figure. Sa présence ne me dérange pas, au contraire. Je baisse le regard vers elle à nouveau.
Dure journée, hein ? On les enchaîne un peu …
J’espérais que ça ne durerait pas quand ça a commencé… Mais les jours passent et se ressemblent. J’espère seulement que nous pourrons gérer l’arrivée des blessés.
« Vraiment ? » elle ponctue d’une petite voix acérée, le jaugeant d’un oeil perçant. « Vous savez que je ne suis aucunement une médicomage urgentiste, n’est-ce pas ? Et qu’il en tiendra de ma responsabilité si je ne prends pas les décisions adéquates ? Habituellement, ce sont des patients stabilisés que je reçois en service… »
« Les circonstances sont telles que votre aide est nécessaire. Le Ministère sera bien moins regardant sur les complications des soins des patients à cause du manque de personnel. » le regard du membre du Ministère s’était durci à son tour. « Des vies sont en jeu, oseriez-vous renoncer à les sauver ? »
Un rire moqueur avait quitté la gorge de la potionniste, sachant pertinemment qu’elle venait de perdre la bataille. Donc non, il n’y aurait pas de soirées douceâtre au coin du feu à attendre le retour de son bien-aimé tout en effleurant la peau de son ventre qui commençait très légèrement à s’arrondir aux yeux de la médicomage… alors qu’en toute sincérité, il n’était pas encore visible. Dans un soupir, elle s’était alors rendue dans les extérieurs de Poudlard pour rejoindre les nombreuses tentes et points qui avaient été organisés à l’orée de la forêt pour soigner les créatures et les sorciers blessés. En toute sincérité, les infirmiers et infirmières déportées ici gèrent plutôt bien la situation, mais leurs efforts sont vains s’ils ne peuvent malheureusement agir sans l’aval d’un médicomage : et puis certains sorts de soins de hauts niveau ne peuvent être lancés que par des personnes autorisées à cause de leur complexité et de l’état de la cicatrice. Astrée passe sa matinée à évaluer les blessures et l’état général des patients, puis donne les indications à prendre après en avoir discuté avec l’infirmière en charge des lieux pour s’assurer que ses décisions n’étaient pas fausses à cause de la réalité du terrain. Mais en toute sincérité, elle passa le plus clair de son temps à stabiliser des urgences vitales, à réparer des blessures profondes, et s’occuper plus spécifiquement des empoisonnés qu’on lui envoyait directement… mais surtout à faire un nombre incalculable de paperasse pour retranscrire les prescriptions.
Puis un léger moment de latence : la vague des blessés venait d’être couverte. Et dans ces moments-là, les médicomages pouvaient s’autoriser un peu de répit. Astrée avait alors retiré sa blouse, tâchée pour rejoindre Jesse qu’elle n’avait pas réussi à trouver dans les tentes. Mais la médicomage savait parfaitement où le trouver, connaissant le petit recoin où il se cachait. Le léger volute de fumée qui s’en échappait lui dictait qu’il était bel et bien là. Lui glissant un sourire, toujours résolument pourpre grâce à un sortilège de maquillage élaboré, elle ne peut qu’approuver ses dires.
« Par Merlin, ça me rappelle mes premières années de Médicomagie. »
Un profond soupir quitte ses lèvres, appréciant ce temps de repos fugace. Demain, elle était postée à Sainte-Mangouste, elle ne pourrait pas être ici et aider aux urgences vitales. Mais ce temps partiel l'arrangeait plutôt bien, elle n’aurait pas à suivre le rythme effréné tous les jours. Contrairement à Jesse.
« Le Ministère est débordé, c’est un vrai bordel. Je n’arrive même pas à comptabiliser le nombre de blessés qui nous viennent… on aurait davantage de pause et de moments de répit si tout était mieux aménagé. »
L’urgence de la situation faisait qu’ils n’étaient parfois pas aussi stériles qu’ils le devraient. Pas mal de patients allaient devoir se rendre à Sainte-Mangouste pour des soins poussés à cause d’infection et syndromes inflammatoires. Sans même parler des erreurs médicales à cause du chaos. Parfois, elle regardait la forêt plus qu'elle ne devrait, en recherche de la silhouette de @Marcus Hawks et priant pour qu'il ne vienne jamais la voir... l'idée de le savoir blessé trouait son ventre d'inquiétude.
« J'aurais dû leur dire que je suis enceinte et que ce n'est pas bon pour le bébé autant de stress… »
Qu’elle glisse innocemment, pour qu’il avale l’information. Peut-être qu’il prendrait ceci pour une vanne, mais par réflex sa main vient trouver son ventre pour réchauffer ce petit être qui avant même d’être né connaissait déjà le chaos.
En général, j’ai toujours droit à une réflexion sur mes mauvaises habitudes… Présentement, la cigarette. Mais pas aujourd’hui. Je pense que le stress de la journée, les patients qui s’enchaînent et tout ce qu’il y a à gérer, c’est compliqué, pour l’un comme, pour l’autre. Et j’ai un avantage : je suis plus habitué à ce genre de rythme qu’elle. Quoi que, certains jours, je me tourne un peu les pouces à l’infirmerie de l’école.
Elle est toujours aussi belle et resplendissante, malgré le travail. Ce n’est pas parce que j’ai une préférence marqué pour le genre masculin que je ne sais pas apprécier une belle femme quand j’en vois une. Astrée fait clairement partie des femmes que je trouve magnifique. Bon, la magie doit aider à garder son brushing en place, mais ça, si je lui dis, elle va râler. Quoi que ce serait bien drôle.
Je ne peux qu’acquiescer à ses mots. Les premières années en médicomagie peuvent être physiques quand on est mis en situation. Personnellement, elle me rappelle surtout ma dernière années, où j’étais en alternance avec Sainte Mangouste. J’avais perdu trois kilos cette année-là, malgré la malbouffe. Je lève les yeux au ciel en soufflant ma fumée loin d’elle.
M’en parle pas, l’organisation est à chier. J’ai chaud, j’ai faim et je crois que j’ai pas changé de gants entre mes deux derniers patients. C’est une vrai merde…
Je tire une bouffée de ma cigarette et reverse la tête en arrière avec l’intention de recracher doucement la fumée… Mais tout se passe bien différemment. Enfin si elle ne balançait pas des dingueries comme ça aussi ! Je crache mes poumons pendant quelques secondes et me demande même si je devrais pas lui demander de l’aide. Mais je reprends contenance, avec les larmes aux yeux… Pas à cause de la nouvelle, hein, à cause de la toux.
Je fais disparaître ma clope en la fixant avec de grands yeux ronds. Je dois ressembler à un suricate aux aguets.
Pardon ?
C’est la seule chose qui parvient à sortir de ma bouche au départ. Puis je fais un pas vers elle, pas du tout sûr de moi.
Astrée… C’est vrai ?
Mes yeux pétillent déjà. J’imagine déjà ce petit être dans les bras de mon amie. Mon cœur et mon esprit s’emballent. Attendre sa réponse, attendre sa réponse, attendre sa… AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !
Sa réaction est un sincère délice : en toute sincérité, Astrée ne s’était nullement attendue à une pareille réaction. Certes, un brin de surprise, mais qu’il manque de s’étouffer ? Cet enfant sortait assurément de nul part et Jesse était la première personne à qui elle l’annonçait si on omettait le père. La médicomage n’avait pas encore eu le courage nécessaire de l’annoncer à ses sœurs, pas alors qu’elle ne leur avait pas fait rencontrer son charmant compagnon. Mais maintenant que les choses s'intensifient et deviennent particulièrement officielles, elle devrait forcément passer par cette étape. La sorcière a même un petit pincement au cours en constatant que son fidèle camarade avait eu une meilleure réaction que l’auror qui lui servait de compagnon ; mais la joie qu’elle perçoit dans ses petits yeux pétillants de chiot bouclé lui faisait plaisir et la comblait dans l’idée qu’elle voulait cet enfant, le chérir, et le voir s’accomplir.
« Pleure pas, cariño… »
Elle se moque gentiment de sa petite voix chantante, priant pour qu’il ne se mette pas à pleurer ou une autre connerie dans le genre. Astrée n’était pas vraiment démonstrative habituellement pour ceci, mais ses hormones étaient tellement en bordel dernièrement qu’elle avait l’impression d’être constamment sur un fil et qu’elle pouvait plonger dans la tristesse et la colère avec une aisance presque frustrante… déjà qu’elle était particulièrement impulsive et revêche, elle en devenait désormais invivable. Pauvre Marcus.
« Mais oui, regarde, j’ai déjà pris plusieurs centaine de grammes… »
Qu’elle approuve enfin en montrant son ventre qui n’avait pas encore grossis par la présence de ce bambin. Mais pour la jeune femmes, qui calculait ses calories et son poids régulièrement, c’était particulièrement inconcevable d’avoir autant pris alors qu’elle suivait sa routine habituelle malgré le bébé. Enfin, elle savait qu’elle devait revoir ses habitudes pour le bien du bébé, mais elle n’aurait qu’à demander à une collègue diététicienne pour avoir un régime adapté.
« Tu m’imagines, Jesse ? »
Sa joie est communicante, Astrée se voit déjà heureuse et particulièrement comblée aux côtés de ce futur enfant : un garçon, elle l’espérait. Elle avait déjà commencé à acheter quelques bricoles, qui rendaient les choses trop réelles : quelques couches pour la forme, mais surtout les premières nécessités : elle allait devoir rénover la deuxième chambre de son appartement ou celle de la maison de Marcus. Alors, pour une fois qu’elle était heureuse de sa grossesse, elle le laissait transparaître.
« T’apprendras pas de conneries à mon gosse, hein ? »
Elle le jauge d’un regard un peu sombre, sachant pertinemment qu’il serait le tonton capable de tout céder à ses enfants et qui ferait disparaître tous les efforts et toutes les règles qu’elle mettrait. Hors de question qu’il fume à côté d’eux..
« Initialement je voulais te l’annoncer de manière plus subtile au restaurant… mais on manque de temps dernièrement. » elle porte son regard dans le sien, moqueuse. « Pas intéressé à l’idée de savoir qui est le père ? »
Elle lui avait bien parlé de Marcus, mais comme ils s’étaient peu croisés dernièrement, il aurait pû passer à côté d’un bon grand nombre de détails. Et puis il s’était montré méfiant à l’égard de l’auror.
« La prochaine étape, c’est forcément le mariage… Je sais qu’il n‘est pas ultra partant, mais je veux mon diamant à mon doigt. »
Marcus et l’engagement n’était pas une véritable histoire d’amour mais Astrée était d’autant plus exigeante : elle lui ferait céder tout et n’importe quoi si c’était nécessaire.
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